Procès des attentats de Bruxelles : Des témoins de moralité s’expriment sur trois accusés

Accusés Procès Attentats de Bruxelles 22 mars 2016 Justitia - Belga Eric Lalmand

La cour d’assises de Bruxelles doit entendre lundi, au procès des attentats du 22 mars 2016, des témoins de moralité pour trois des accusés: Ali El Haddad Asufi, Bilal El Makhoukhi et Hervé Bayingana Muhirwa. Une ex-petite amie d’El Haddad Asufi et des anciens collègues de celui-ci sont attendus, ainsi que de la famille et des amis pour les deux autres accusés.

Il n’est cependant pas certain que les témoins convoqués se présenteront tous devant la cour. Tout comme Mohamed Abrini et Sofien Ayari, Bilal El Makhoukhi a fait savoir qu’il ne souhaitait pas que sa famille vienne au procès. Depuis mardi dernier, plusieurs témoins de moralité ont décliné l’invitation de la cour à venir évoquer la personnalité, le caractère et le parcours de vie de leur proche incarcéré. Ces témoignages sont pourtant essentiels, a rappelé la présidente de la cour, pour que le jury puisse comprendre qui est l’homme derrière l’accusé.

Ainsi, mardi, la mère, le père et une sœur d’Oussama Atar étaient attendus, mais ils ne sont pas venus. Atar est considéré comme le cerveau présumé des attentats du 22 mars 2016. Il fait défaut à son procès, probablement mort en Syrie.

Mercredi, la sœur et les deux frères d’Ali El Haddad Asufi ont par contre été entendus, mais l’ex-fiancée de Mohamed Abrini n’est pas venue témoigner. Si les parties se sont accordées pour renoncer à certains témoignages, les procureurs ont indiqué qu’ils souhaitaient ne pas renoncer à celui-ci. La présidente pourrait donc décider de délivrer un mandat d’amener pour contraindre l’intéressée à venir et être interrogée. Les procureurs voudraient notamment la questionner au sujet d’une lettre d’adieu qu’Abrini lui aurait écrite, ce que ce dernier conteste.

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12h04 – El Haddad Asufi aurait pu faire entrer ce qu’il voulait à l’aéroport, soutient la défense

Ali El Haddad Asufi aurait pu faire entrer ce qu’il voulait à l’aéroport de Zaventem dans le cadre de son travail pour une société de logistique chargée de livrer les repas aux avions, a soutenu lundi la défense de l’accusé au procès des attentats du 22 mars 2016 à Bruxelles.

Premiers témoins de la journée, les anciens supérieurs d’Ali El Haddad Asufi sont venus dépeindre un homme “jovial”, “fan du Barça”, mais qui rencontrait des problèmes de ponctualité et d’absentéisme. Les deux hommes ont toutefois précisé que l’accusé ne se démarquait pas des autres employés, qu’il faisait bien son travail et que l’équipe était soudée.

Les questions ont rapidement glissé vers les mesures de sécurité en vigueur au sein de l’entreprise et de l’aéroport. Les témoins ont alors expliqué le processus d’obtention des différents badges (l’un pour accéder au bâtiment de l’entreprise et l’autre pour pénétrer sur le tarmac de l’aéroport) ainsi que le fonctionnement des missions des employés.

Le duo a décrit comment les chauffeurs devaient charger l’arrière du camion et y poser un scellé avant de rejoindre l’avion à ravitailler. Pour accéder au tarmac, la cabine du véhicule est contrôlée et le chauffeur doit passer dans un détecteur de métaux. Le conducteur a ensuite accès aux avions, où il peut décharger les repas après avoir retiré le scellé. Les témoins ont également précisé que des contrôles aléatoires étaient pratiqués sur le site de l’entreprise et que certaines compagnies aériennes procédaient à des vérifications supplémentaires à leur charge. À la défense d’Ali El Haddad Asufi, Mes Jonathan De Taye et Jean-Christophe De Block ont alors échafaudé, au fil de leurs questions, plusieurs scénarios dans lesquels un chauffeur de la société ferait entrer tantôt une grenade, tantôt des complices dans l’aéroport via la remorque du camion, en rusant pour contourner la problématique du scellé. Des hypothèses “plausibles”, selon les deux témoins, qui ont toutefois rappelé que le site de l’entreprise était grillagé, entouré de barbelés et sous vidéosurveillance.

“Ce que nous défendons, c’est que si M. El Haddad était le ‘frère de l’aéroport’ (mentionné dans des messages audios par la cellule terroriste comme celui qui a fourni les horaires de vol, NDLR), il aurait eu tout le loisir d’agir lui-même”, a conclu assez vivement Me De Taye. “Si M. El Haddad était le terroriste sanguinaire qu’on veut nous faire croire, il aurait pu faire entrer un commando dans cet aéroport. La sécurité était un véritable gruyère.”

En début d’après-midi, quatre anciens collègues de l’accusé ont confirmé devant la cour qu’au moment des attentats, il était possible d’introduire un objet dans le camion de livraison des repas. “Il fallait vraiment être malintentionné pour le faire, mais c’était possible“, a commenté l’un. “Introduire une personne, peut-être pas“, a nuancé un autre. “Mais pour le reste, (il était possible de faire passer, NDLR) tout ce que vous pouvez imaginer, même dans un avion d’une compagnie américaine.”

Les quatre hommes ont toutefois souligné les qualités d’un accusé qui n’inspirait “pas du tout” la méfiance. Surnommé “Tic” en raison du duo qu’il formait avec un autre collègue, “Tac“, dont Ali El Haddad Asufi était particulièrement proche, l’accusé était un collègue “souriant“, “sans jugement” sur les autres, “un bosseur” qui “mettait l’ambiance“. “On se côtoyait au fumoir, où on discutait de tout et de rien, surtout de foot“, a illustré l’un des témoins. “Pendant le ramadan, il venait prendre son café avec nous ou fumer sa clope“, a-t-il ajouté, en réponse à la présidente qui lui demandait si l’ex-chauffeur parlait de religion ou de géopolitique. “Au travail, ça se passait bien“, a conclu le quatuor, dont deux membres étaient aussi présents à Zaventem le jour des attentats djihadistes.


13h24 – Une ex-compagne d’Ali El Haddad Asufi décrit une personnalité attachante et un ami fidèle

Pour une ex-compagne d’Ali El Haddad Asufi, l’accusé n’avait pas le profil d’un terroriste. Avec bonne humeur, elle a décrit lundi une personnalité pleine d’humour et fidèle à ses amis, devant la cour d’assises de Bruxelles chargée de juger les attentats du 22 mars 2016.

Les deux jeunes gens, qui n’avaient pas 20 ans au début de leur relation, sont restés “plusieurs années” ensemble. “Ça s’est super bien passé entre nous, c’est quelqu’un de drôle et de très gentil. On a même fini en bons termes. On a pris des nouvelles quelques fois sur Facebook“, a-t-elle ajouté, précisant qu’elle avait vu l’accusé pour la dernière fois avant son arrestation, “vers 2014-2015”.

Questionnée sur la fin de leur relation, la jeune femme a écarté toute influence religieuse. “Ça s’est fini parce qu’on n’était plus sur la même longueur d’onde“, a-t-elle expliqué, précisant qu’elle avait vu l’accusé pour la dernière fois avant son arrestation. “Il vous a parlé de son arrestation ?“, lui a demandé la présidente. “Il m’a dit : ‘tu n’as pas vu infos ? On m’a arrêté’. Et qu’on l’accusait de terrorisme mais qu’on l’avait relaxé parce qu’il n’avait rien à voir dans cette histoire (…) et que même sa sœur était dans métro ce jour-là. Il m’a dit qu’il n’était pas assez fou pour envoyer sa sœur dans le métro en sachant ce qui allait se passer.

La jeune femme n’a remarqué aucun changement dans le comportement de son ex-compagnon. “C’était toujours le même. Je pense personnellement qu’il est innocent“, a-t-elle souligné, ajoutant que c’était toutefois à la cour d’en juger. “Pour vous, il n’a pas le profil ?“, s’est enquise la présidente. “Vraiment pas !“.

Quant au kamikaze Ibrahim El Bakraoui, qui a déclenché sa bombe à 07h58 à l’aéroport de Zaventem le matin des attaques, Ali El Haddad Asufi allait le voir en prison car c’était son meilleur ami. “Lui, quand il a des amis, il ne les lâche pas, même en prison“, a-t-elle conclu.

À un juré qui lui demandait si le Belgo-Marocain trempait dans un quelconque trafic, la témoin a haussé les épaules. “Il fumait à l’époque. Je ne pense pas qu’il ait été impliqué dans un gros trafic, peut-être qu’il dépannait à gauche à droite.”

La défense a ensuite abordé un voyage au Danemark, où le couple s’est rendu en voiture et lors duquel l’accusé aurait parlé à des inconnus, sortant “des sacs” du véhicule. La trentenaire a confirmé ces éléments, hormis la question des sacs. “Dommage“, a murmuré Me Jonathan De Taye

Après le départ de la témoin, le pénaliste a assuré qu’il dévoilerait en plaidoirie ce qui sous-tendait ses questions sur cette escapade nordique. “Notez simplement que mon client n’y va pas en avion mais en voiture, et qu’il parle avec des gens“, a-t-il lancé à l’adresse du jury. Ali El Haddad Asufi “allait peut-être prendre du bon temps avec sa petite copine au Danemark, mais pas que“, a-t-il laissé en suspens.


13h53 – L’ex-fiancée de Mohamed Abrini ne viendra finalement pas témoigner

L’ex-fiancée de l’accusé Mohamed Abrini ne viendra finalement pas témoigner devant la cour d’assises de Bruxelles chargée du procès des attentats du 22 mars 2016. Prévue pour l’audience de mercredi dernier, la témoin avait déposé un certificat médical pour justifier son absence.

Les parties civiles et le ministère public avaient toutefois refusé de renoncer à son témoignage et la cour avait alors annoncé qu’elle déciderait lundi s’il y avait lieu d’émettre un mandat d’amener à son encontre. Les parties civiles et le parquet ont finalement fait marche arrière, renonçant à entendre la jeune femme.

Mohamed Abrini et la témoin étaient en couple depuis 2007 et devaient se marier en février 2016. L’accusé a toutefois disparu de la circulation le soir des attentats de Paris. Le 31 mars 2016, alors qu’il était en fuite après les attentats en Belgique, il a rencontré son ex-fiancée dans un parc par le truchement d’une tierce personne. Celle-ci lui aurait alors conseillé de se rendre à la police.

L’homme au chapeau avait souligné qu’il ne préférerait pas voir son ex-fiancée venir témoigner. “Elle a traversé des choses très difficiles. Je sais qu’elle ne va pas bien mentalement. C’est compliqué. Nous avions prévu de nous marier et son monde s’est effondré“, avait expliqué Mohamed Abrini avant d’ajouter que son ex-fiancée s’était mariée par la suite et que son époux était décédé. Elle est déprimée et a beaucoup de problèmes de santé.

L’accusé avait également affirmé savoir pourquoi le ministère public tenait tant à ce que la jeune femme témoigne. “Pour les messages. Vous pouvez en parler, mais je ne pense pas que son témoignage changera quoi que ce soit.” L’homme semblait faire ainsi référence à des messages datant de 2014 et dans lesquels il se radicalise de plus en plus, selon l’acte d’accusation.


 

Avec Belga – Photo : Belga Image