L’édito de Fabrice Grosfilley : parfum de campagne
Ce lundi, Fabrice Grosfilley revient sur les différents clashs du gouvernement Vivaldi du week-end.
“Il devrait se calmer.” Ce sont les mots employés par Karine Lalieux, ministre fédérale des pensions, pour parler de Georges-Louis Bouchez, le président du Mouvement Réformateur. En théorie, la ministre et le président de parti appartiennent à la même majorité. Celle qu’on appelle la Vivaldi et qui soutient le gouvernement fédéral d’Alexandre de Croo. Avec son “il devrait se calmer” Karine Lalieux répondait à une sortie peu amène du président libéral dans le journal Le Soir, samedi matin. “Ça sert à quoi un ministre de l’Emploi qui ne veut pas réformer le marché du travail ? Il fait quoi de ses journées, Pierre-Yves Dermagne ? », lançait Georges-Louis Bouchez avant d’asséner que « ceux qui ne veulent pas faire les réformes devraient penser à renoncer à leur salaire. »
Réaction de Karine Lalieux sur le plateau de RTL face à Pascal Vrebos “Ce sont des propos inquiétants de la part d’un partenaire de majorité qui nomme des ministres de la sorte. C’est irrespectueux et condescendant. Cela marque surtout une fébrilité, une faiblesse dans le chef de Georges-Louis Bouchez, car les socialistes marquent la politique de ce gouvernement. »
Que rouges et bleus se déchirent la chasuble et tirent la couverture à eux, on en a l’habitude. C’est la fameuse théorie du “gouvernement contre-nature”, thèse exposée dans le passé par Laurette Onkelinx, selon laquelle socialistes et libéraux ont beau n’avoir rien en commun, ils sont malgré tout contraints de gouverner ensemble, chacun cherchant à marquer l’action gouvernementale de son inflexion. La différence avec Georges-Louis Bouchez à bord veut qu’on soit passé de l’opposition partisane à l’opposition de personnes. Le leader du Mouvement Réformateur a l’habitude de bousculer ses partenaires et il n’est même pas du genre à épargner le premier ministre Alexander De Croo. Parce que mine de rien, ce genre de sortie sape quand même un peu de l’autorité du premier ministre. Même si, ne soyons pas dupes, une majorité qui se divise et qui sature la presse de ses querelles est une majorité qui ne laisse pas beaucoup de place à l’opposition. Au final, ce n’est peut-être pas si mauvais, doivent se dirent les stratèges en communication.
La sortie de Georges-Louis Bouchez et la réaction de Karine Lalieux ne sont d’ailleurs pas les seules hostilités notables du week-end. Vendredi, on a aussi vu Pierre-Yves Dermagne, vice-premier ministre du gouvernement fédéral et ministre de l’emploi, se réjouir de la remontée du taux d’emploi. : 72,3% à la fin 2022. Le taux de 80% en 2030 est à porte de main, estimait le ministre. “C’est de l’autosatisfaction, une extrapolation sans base concrète” a rugi quelques heures après David Clarinval auprès de l’agence belga. “Ce que nous connaissons n’est rien d’autre que le rattrapage post-covid et un vieillissement de la population. À nos yeux, il y a plutôt lieu de s’inquiéter.” Le vice premier-ministre libéral volait dans les plumes du vice-premier ministre socialiste, ce qui est bien plus inquiétant que les sorties de Georges-Louis Bouchez ou de Paul Magnette. Jusqu’à présent, les présidents de parti se permettaient d’attaquer le gouvernement, mais les membres de ce gouvernement évitaient de se déchirer sur la place publique, afin de maintenir un fonctionnement d’équipe correct. Depuis ce week-end, ce n’est plus tout à fait vrai.
Toutes ces tensions, toutes ces agitations ne sont pas sans rappeler la série de blocages et divisions observées ces dernières semaines dans la majorité bruxelloise autour de la fiche Josaphat, au niveau flamand avec la crise de l’azote, en Fédération Wallonie-Bruxelles avec le projet de faculté de médecine à Mons. Comme si à tous les niveaux de pouvoir tous les partis étaient gagnés d’une soudaine fébrilité et occupés à marquer les esprits. Disons-le franchement, il règne en politique belge un parfum de pré-campagne. Théoriquement, on ne vote qu’en 2024, à moins que le débat sur le contrôle budgétaire ou la réforme des pensions ne se soldent pas un clash qui précipite les choses. Et visiblement, les états-majors de partis estiment que quel que soit le cas de figure, des élections anticipées, ou une législature qui va jusqu’à son terme, il est désormais temps pour chacun de marquer son territoire.
Fabrice Grosfilley