L’édito de Fabrice Grosfilley : moins d’export pour le climat

Connaissez-vous une entreprise qui renonce à des exportations, quitte à perdre une partie de son chiffre d’affaire ? Une entreprise qui fait une croix sur des bénéfices possibles pour améliorer son empreinte climatique ? Cette entreprise existe et elle est bruxelloise.

Aujourd’hui, le Brussels Beer Project a annoncé qu’il suspendait ses exportations en dehors des pays de l’Union Européenne. Fini donc les bières de la rue Dansaert à destination du Japon, du Brésil, de la Thaïlande, ou même des Etats-Unis (8 pays au total sont concernés). Cela ne changera pas la face du monde brassicole, les volumes étaient de toute façon relativement réduits, mais c’est révélateur d’une préoccupation environnementale nouvelle dans le monde des affaires.

Si la brasserie bruxelloise renonce à ces exportations, c’est donc pour améliorer son bilan carbone. Expédier des bacs ou des fûts par avion, c’était pas terrible d’un point de vue climatique, surtout quand il faut le faire dans un conteneur réfrigéré. Pour la marque bruxelloise, il y aura donc un peu de rentrée financières en moins, mais un gain écologique. Le tout assorti d’un beau coup de pub, puisque cette décision a fait l’objet d’une dépêche de l’agence Belga et s’est retrouvé à la une des sites internet ce mercredi après-midi.

Pour la brasserie, c’est aussi une question de cohérence. Le projet, lancé il y a 9 ans sur une base de crowdfunding a toujours mis en avant ses racines bruxelloise et son ancrage local. Circuit court, matière première locale, avec du houblon belge, recyclage des contenants, et même un intérêt pour l’économie circulaire avec une bière produite avec du pain invendu. Ce qui a permis à cette brasserie d’obtenir le label B-Corp, un label américain qui récompense les entreprises à impact positif. Une quarantaine d’entreprises belges bénéficient actuellement de ce label. On y trouve Oxfam, Spadel (les eaux de Spa), les limonades “Simone a soif”, des cabinets de consultance… mais aussi des géants de l’agro-alimentaire.

B-Corp est un label dont bénéficie par exemple l’entreprise Patagonia. Vous avez sûrement entendu parler de cette entreprises de vêtement, que son créateur a décidé de céder à une ONG au moment de partir à la retraite, alors qu’il aurait pu la transmettre à un héritier ou la vendre à des repreneurs. Patagonia qui est léguée à une ONG, Brussels Beer Project qui renonce à des exportations, ce sont deux signaux qu’il se passe quelque chose dans le monde de l’entreprise, et que certains entrepreneurs ont désormais la conscience que le profit ne peut plus être l’alpha et l’oméga de l’activité commerciale. A trois jours de la Cop 27, c’est encourageant. Mais on soulignera évidemment que ces initiatives extrêmement marginales.

Encore un mot sur cette brasserie bruxelloise. J’ai été surpris de son rayonnement à l’étranger. J’ai pu constater que de jeunes consommateurs, britanniques, scandinaves ou français, lorsqu’ils passent à Bruxelles souhaitent désormais s’arrêter rue Dansaert pour goûter et acheter les productions de cette brasserie-là, et pas d’une autre.  C’est une sacrée performance dans un milieu, celui de la bière, qui jusqu’il y a 10 ans jouait surtout sur la tradition et donc un certain conservatisme. Un coup de fouet bienvenu qui s’inscrit dans le succès des nouvelles brasseries qui bouscule un marché dominé par des mastodontes cotés en bourse et peu soucieux des enjeux sociaux ou climatiques.  Et c’est aussi la preuve que le mot “Bruxelles”, utilisé comme une marque, si le produit est bon et moderne, n’est pas un obstacle. Loin de là.

 

Fabrice Grosfilley

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03 novembre 2022 - 17h51
Modifié le 03 novembre 2022 - 17h51