Décumul intégral, l’édito de Fabrice Grosfilley
Ce mardi, Fabrice Grosfilley évoque dans son édito le décumul intégral voté en commission du Parlement bruxellois
Être parlementaire, ce sera désormais un boulot à plein temps en Région bruxelloise. Plus possible de combiner ce mandat avec un poste de bourgmestre et d’échevin. Cette réforme, qui fait partie de l’accord de majorité, a été approuvée ce mardi par la commission des Affaires intérieures.
Dans le jargon politique, c’est ce qu’on appelle un décumul intégral. Pour tous les élus de la Région bruxelloise, il ne sera plus possible de siéger dans un parlement si on exerce une fonction exécutive dans sa commune. La règle s’applique donc à tous les bourgmestres et échevins, quelle que soit la taille de la commune. C’est la réglementation la plus stricte. Au Parlement de Wallonie, on autorise un quart des élus à cumuler. En Flandre et au Parlement fédéral, on n’interdit pas le cumul, mais on plafonne les revenus : maximum 150 pourcents de l’indemnité parlementaire.
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Ce décumul intégral s’appliquera donc en Région bruxelloise à partir des élections de 2024. Petite précision importante : il est valable pour toutes les assemblées. Si l’on prend la situation actuelle, ça veut dire que Vincent De Wolf ou Ridouane Chahid, qui sont députés bruxellois et bourgmestre, ne pourraient plus l’être. Même chose pour David Leisterh qui est président de CPAS ou pour Gladys Kazadi, Françoise Schepmans et Véronique Lefranc qui sont échevines. Et comme la règle est aussi valable à la Chambre, cela concernerait aussi Ahmed Laaouej, Emir Kir, et Khalil Aouasti.
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L’intérêt de cette mesure, c’est d’obliger les parlementaires à se consacrer à plein temps sur leur mandat. Ce n’est pas une question financière, au contraire même, puisqu’avec cette réforme, il y aura plus d’élus, donc plus d’indemnités à payer au total. C’est vraiment une question de principe pour éviter que beaucoup de pouvoir soient concentrés dans très peu de mains et éviter le mélange des intérêts. Si on est bourgmestre, on représente sa commune, si on est député, on est censé représenter l’échelon supérieur.
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Ce dispositif, c’est justement ce que contestent les opposants à cette réforme. Pour eux, le fait d’être bourgmestre ou échevin, permet de faire remonter une expérience de terrain très utile dans certains débats parlementaires. Se priver de cette expertise serait dangereux, même si le statut de parlementaire restera cumulable avec le fait d’être simple conseiller communal. On notera par ailleurs que cette réforme prévoit de diminuer d’au moins une unité le nombre d’échevins dans les communes.
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Vu de l’extérieur, il y a quand même deux observations qu’on doit faire. La première, c’est que la Région bruxelloise va s’interdire d’envoyer certains ténors au Parlement fédéral. Le bourgmestre de Koekelberg, mais ça pourrait être celui de Berchem-Saint-Agathe ou de Watermael-Boitsfort, ne pourront pas siéger à la Chambre dans le futur. Alors que le bourgmestre de Namur, de Charleroi, d’Anvers, eux, continueront à pouvoir le faire.
La seconde observation, c’est que penser la gestion de la Région et la gestion des 19 communes comme deux ensembles complètement étanches est évidemment une vue de l’esprit. Il y a forcément de la porosité, de la complémentarité, parfois de la concurrence ou des frottements entre ces deux niveaux de pouvoir. Dans le futur, c’est donc à la conférence des bourgmestres que les communes feront part de leur point de vue et non plus au Parlement régional. Une conférence où les bourgmestres s’adresseront donc directement aux ministres sans passer par la case Parlement. Ça, contrairement à ce que pensent les partisans du décumul, ça ne renforcera pas le Parlement bruxellois. Au contraire, ça le mettra hors-jeu.
■ Un édito de Fabrice Grosfilley