La Russie actionne le robinet du gaz, l’édito de Fabrice Grosfilley
Ce mercredi, Fabrice Grosfilley évoque dans son édito l’aide en gaz par l’Union européenne pour la Pologne et la Bulgarie.
Cette fois-ci, on y est. Les sociétés russes sont en train de fermer le robinet du gaz. Certains États membres de l’Union Européenne risquent de le sentir passer.
Les deux premiers États concernés sont la Bulgarie et la Pologne. Deux États qui ne cachent pas leur sympathie pour l’Ukraine. La Pologne, est en première ligne pour l’accueil des réfugiés, a déjà fourni des armes antichars, des missiles anti-aériens et des drones, pour un total qui dépasse l’équivalent d’un milliard et demi. La Bulgarie ne fournit pas officiellement d’armes aux Ukrainiens, mais certaines munitions bulgares passent par des pays tiers. Et surtout, les autorités bulgares soutiendraient une adhésion de l’Ukraine à l’Union européenne si la question se posait.
Mais surtout, ces deux pays ont tous les deux refusé de payer leurs commandes de gaz russe en rouble, comme l’exigent désormais les Russes. Gazprom a, ainsi, décidé de suspendre ses livraisons. Cette menace du robinet de gaz qui se ferment, les Européens l’envisagent depuis le début du conflit. Le fait que la Russie passe à l’acte n’est pas une surprise totale, mais c’est un pas de plus dans l’escalier des tensions. C’est surtout un nouveau test de la solidité du front européen. Et nous, à Bruxelles ou ailleurs, nous aurions tort de ne pas nous y intéresser, ça risque de nous concerner de près et de nous toucher au portefeuille.
Depuis ce matin, ce sont d’autres pays de l’Union européenne qui fournissent en gaz, la Pologne et la Bulgarie. C’est qu’a annoncé la Présidente de la Commission européenne Ursula Von der Leyen. « Nous sommes préparés à ce scénario. Les Européens peuvent être sûrs que nous sommes unis et solidaires avec les États membres touchés ». En clair, depuis ce matin, nous mutualisons nos réserves de gaz. Ça veut dire que nous venons en aide aux Bulgares et aux Russes. Ursula Von Der Leyen est même allée plus loin en menaçant les entreprises qui accepteraient de céder au chantage de Gazprom qui leur demande de payer en roubles. Ces entreprises risquent alors des sanctions juridiques : quand les contrats ont été rédigés en euros ou en dollars, il faut continuer à les payer en euros et en dollars, ceux qui se plieraient aux exigences russes seraient complices d’un contournement des mesures de sanctions.
Alors, c’est vrai, la Belgique dépend assez peu du gaz russe. Environ 6% de nos importations. Mais ce n’est pas le cas de tous nos voisins, en particulier les Allemands, qui en matière d’énergie sont russo-dépendants. Pour la Belgique, il n’y a, à ce stade, aucun impact. Si demain, nous devions aider nos voisins allemands, ce serait une autre affaire. Un plan d’urgence a été préparé. Pour l’instant, nous ne sommes pas en phase d’alerte. Cela n’empêche pas les prix du gaz et du pétrole de repartir à la hausse. Les ministres européens de l’Énergie vont se réunir dans les prochains jours. Et nous les consommateurs, nous devons nous y préparer : nous ne sommes pas en guerre avec la Russie au sens militaire du terme. Mais nous entrons bien dans un conflit qui a des répercussions énergétiques. Cela aura un impact sur notre économie et peut-être demain sur notre confort de vie. Une arme avec laquelle les Russes pourraient tenter de frapper l’Union européenne avec d’énormes conséquences. Et les consommateurs que nous sommes, si attachés que nous puissions l’être à notre portefeuille, à notre voiture, à nos voyages en avion…. Nous devons nous y préparer. Et ne pas oublier que nous sommes consommateurs, c’est vrai, mais aussi des citoyens.
■ Un édito de Fabrice Grosfilley