Marioupol, ville martyre, l’édito de Fabrice Grosfilley
Ce vendredi, Fabrice Grosfilley évoque dans son édito la tragédie de la ville de Marioupol en Ukraine.
Il y a des villes dont le nom claque comme des tragédies. Des villes symboles, des villes martyres. Marioupol en Ukraine fait désormais partie de ces villes-là.
À Marioupol, ville du sud-est de l’Ukraine, les bombardements sont incessants. L’eau, le gaz, l’électricité, l’accès à Internet ou à un réseau de téléphonie, tout est coupé depuis deux semaines. On manque de nourriture, il y a des cadavres dans les rues, on siphonne les radiateurs inutiles ou on fait bouillir de la neige pour boire de l’eau. On est dans l’incapacité de dire combien de civils sont déjà morts. À Marioupol, on a bombardé un théâtre qui servait d’abri souterrain, un hôpital pour enfants. Les premiers obus sont tombés sur la ville le 1er mars et depuis le 8, la localité est complétement encerclée, il est devenu quasi impossible d’en sortir.
Marioupol est une ville de 400 000 habitants. C’est un peu moins qu’Anvers. Mais comme Anvers, c’est une ville portuaire, avec ses usines, son club de foot, ses services publics, une gare, et même un petit aéroport. Une histoire qui remonte au 16e siècle, au temps des cosaques. Des bâtiments remarquables qui datent d’avant la révolution bolchévique de 1917. Aujourd’hui, Marioupol est méconnaissable. Les images qui nous parviennent montrent des bâtiments effondrés, des façades éventrées, des ruines ou encore des gravats.
Ces images nous rappellent celles de Dresde, en Allemagne. Quand l’aviation américaine et anglaise utilisaient des bombes incendiaires pour couper la retraite de l’armée allemande. Avec un bilan d’environ 35 000 morts. Elle nous rappelle Hiroshima et ses 250 000 victimes. Ou plus proche de nous, la bataille d’Alep en Syrie, avec l’aviation russe déjà, 20 000 morts rien que dans la population civile. Et en Belgique, on ne doit pas oublier la bataille d’Ypres, avec ses 100 000 soldats tués en 1915, le massacre de Dinant, 674 civils fusillés et deux tiers des maisons incendiées et bien sûr, le siège de Bastogne et la bataille des Ardennes dans son ensemble, avec 150 000 victimes dont 4000 civils.
Marioupol est la nouvelle ville martyre qui s’ajoute à cette longue liste de villes martyres. On a bien compris que terroriser Marioupol aujourd’hui était un avertissement. Une manière de faire comprendre, que demain Kiev, un peu moins de 3 millions d’habitants en temps normal ou Lviv et ses 700 000 personnes, pourraient être les prochains sur la liste. Nous sommes à Bruxelles et nous nous contentons de voir ces images, d’entendre ces récits. On ne peut que hurler au crime de guerre et constater qu’à Marioupol, c’est même l’idée d’humanité qui semble avoir disparu.
■ Un édito de Fabrice Grosfilley