Culture en temps de covid : double peine pour les lieux non subsidiés par la FWB ?
Le secteur culturel retient son souffle. Le prochain Conseil national de sécurité, prévu ce vendredi, annoncera selon toute attente un durcissement des mesures sanitaires, qui pourraient toucher davantage théâtres et salles de concerts. Particulièrement inquiets, les lieux non subventionnés. Contrairement aux opérateurs subsidiés, ils ne bénéficient pas des mesures d’aides spéciales de la Fédération Wallonie-Bruxelles. Explications.
Comme toutes les scènes du pays, L’improviste vit depuis le début de la crise sanitaire des mois difficiles. Dédié à l’improvisation, ce petit théâtre installé à Forest, est resté fermé entre mi-mars et fin juin. Depuis sa réouverture au public le 1er juillet dernier, il s’adapte comme il peut. Après une période estivale inhabituellement calme – « La fréquentation a baissé de 60 % par rapport à l’année précédente. L’été est d’ordinaire une période très active chez nous », explique l’un des directeurs du lieu, Patrick Spadrille -, la rentrée s’est déroulée en mode mineur : le théâtre applique scrupuleusement les protocoles prévus pour le secteur culturel, ce qui impose, en plus du port du masque obligatoire, de réduire la jauge, donc de toucher à la vente de billets. « Nous voyions ces dernières semaines les spectateurs revenir, et nous nous en réjouissions mais les difficultés s’accumulent. », constate Patrick Spadrille. « En plus de la jauge réduite, la situation s’est encore aggravée avec la fermeture du bar, et maintenant c’est l’incertitude. Allons-nous devoir fermer complétement ? » Jusqu’ici, ils ont réussi à maintenir leurs activités tant bien que mal, notamment par la suspension des frais de promotion. Mais jusque quand pourront-ils tenir ?
Inégalité ?
Pourtant des mesures de soutien existent à la Fédération Wallonie-Bruxelles (FWB) pour les acteurs culturels. Mais elles ne s’adressent qu’aux bénéficiaires de subventions. Reconnu mais non subventionné par la FWB, L’improviste ne peut donc y prétendre. « Nous avons fait une demande d’aide d’urgence. On nous a répondu que nous n’y avions pas droit. Dans une période comme celle que nous traversons, je ne comprends pas cette distinction. Nous appliquons les protocoles sanitaires comme tout le monde, pourquoi dès lors ne pas nous accorder d’aide ? » , réagit L’improviste, qui dénonce aujourd’hui dans une carte blanche le système qui, dit-il, les exclut de l’aide à la culture. « Le cabinet de la ministre nous renvoie vers la Loterie Nationale! Mais nous ne demandons par un subside, ce qui implique de longs et fastidieux dossiers. Nous voulons une aide d’urgence.»
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Il est loin d’être le seul dans le cas à Bruxelles. « C’est le serpent qui se mord la queue. », enrage Cathy Thomas, au Fou Rire. Une double peine en somme. « Mais à situation exceptionnelle, aide exceptionnelle. Pourquoi introduire une telle distinction entre les opérateurs culturels ? », continue la directrice de ce théâtre ixellois, rappelant qu’elle avait déjà mené un combat au moins de juin dernier contre ce qu’elle considère comme une inégalité dans la répartition des “aides covid” dans la culture. Elle s’était alors adressée directement à la ministre de la Culture Bénédicte Linard (Ecolo). En vain.
Une solution “dans les semaines à venir”
Tous deux ont néanmoins pu bénéficier, si pas d’une aide culturelle, de la prime forfaitaire régionale de 4000 euros, allouée aux indépendants. Mais pour le Fou Rire, cela ne sera pas sans effet. Le théâtre peut compter sur un subside de la commune (3000 euros) et un autre de la Cocof (Région bruxelloise), qui serait, en conséquence cette année réduit d’un quart, regrette Cathy Thomas. Pour le Boson, autre scène ixelloise indépendante, le fait de réserver les mesures de soutien aux opérateurs subventionnés présente une certaine logique, sur le plan juridique. « Mais au-delà des lieux eux-mêmes, c’est bien plus largement la culture qu’il faut soutenir. Surtout en ces temps difficiles.», commente le responsable du lieu.
Au cabinet de la ministre Bénédicte Linard, on nous confirme que le système d’aides prévu par le fonds d’urgence ne peut s’appliquer qu’aux structures subventionnées. Le problème est complexe. Ce qui coince? Des questions juridiques et financières, nous assure la porte-parole de la ministre, indiquant que cette dernière est bien consciente des graves difficultés traversées par les lieux non subsidiés. « Nous cherchons des solutions qui puissent s’appliquer aux opérateurs non subventionnés. Un dispositif de soutien devrait aboutir prochainement, dans les semaines à venir. », nous assure le cabinet.
Mais il y a urgence : « Pour l’instant, il nous reste de quoi subsister les prochaines semaines. Mais sans aide, surtout si nous devons fermer demain, nous ne pourrons plus tenir longtemps. », conclut Cathy Thomas.
S.R (Photo : Arch. Bx1)