Rue de la Loi : le Roi tente d’appuyer sur l’accélérateur (J+249)
La Belgique reste une monarchie. On a parfois tendance à l’oublier, et puis de temps à autre on s’en rappelle. Cette semaine, cette monarchie nous a donc fourni quelques sujets de conversations : la reconnaissance de Delphine par Albert II et la possibilité d’ouvrir ou non le parc du château de Laeken aux promeneurs, et surtout l’action du roi Philippe dans le processus de formation du gouvernement fédéral. C’est sans doute le moment où le souverain a le plus de pouvoir, politiquement parlant. Parce qu’il nomme informateur, formateur, démineur, explorateur, le Roi influe sur le processus. Il détermine le timing auquel s’enchaînent les missions, le libellé qu’on leur donne, les personnalités que l’on choisit. C’est un moment où le palais est encore relativement libre. Bien plus libre en fait que lorsqu’il s’agit de nommer les ministre, puisque là, les partis arrivent avec une liste toute faite, fruit de longues négociations entre partenaires et d’arbitrages internes à chaque formation, que le souverain se limite à promulguer. Bien sûr, le souverain n’est pas sur une autre planète et n’en fait pas à sa guise, il s’imprègne de ce que les partis politiques souhaitent et conseillent. Mais paradoxalement, moins les partis sont d’accord entre eux, plus le rôle du souverain est important.
Ce matin, Philippe avait donc l’occasion de donner un coup de pouce aux hommes et femmes politiques de ce pays. Il avait une tribune. Un discours de vœux au corps constitués (comprenez les représentants politiques, économiques, médiatiques de l’espace fédéral). L’occasion de lancer un message, un appel. Pas que les partis soient sensibles à la pression royale, mais parce que l’interpellation par le biais de l’opinion publique leur permet de bouger. On s’attendait à ce que Philippe utilise cette fenêtre médiatique, il l’a fait.
“Le moment est venu de cristalliser les efforts de ces huit derniers mois, de laisser tomber les exclusives et d’installer un gouvernement de plein exercice. Même si je suis conscient des difficultés à surmonter. Montrons-nous réalistes et responsables. En trouvant des terrains d’entente au bénéfice de l’intérêt général. En faisant de vrais compromis, c’est-à-dire des accords où chacun renonce à quelque chose pour que l’ensemble y gagne“, a-t-il déclaré. “C’est là, l’attente légitime de nos concitoyens, qui aspirent à de la stabilité et de l’action. Leur patience n’est pas de l’indifférence”.
Avec ces mots qui sonnent comme un avertissement, Philippe est donc passé du statut de grand ordonnateur à celui de commentateur ou même d’acteur de la crise. Il a quitté la gestion de l’agenda des négociations pour prendre position et indiquer que le temps presse. Un roi qui aussi conclu son discours en rappelant que dans 10 ans, la Belgique aura 200 ans et qu’on pourra à ce moment là être fier du travail accompli. Cette dernière phrase, on n’est pas sûr qu’elle aura un effet positif sur la NVA. Ce serait peut être même une allusion à se passer des nationalistes flamands. Un petit appel du pied royal au CD&V, entre la Belgique et le séparatisme, choisissez votre camp, chers amis. Un coup de booster pour des négociateurs indécis. Je voudrais bien mais je ne peux point, ça devient plus difficile quand le roi vous pousse dans le dos. Le Roi fait donc (un peu) de la politique. Oui, bien sûr, être au dessus de la mêlée, ce n’est pas être spectateur passif en toutes circonstances. On rappellera que les discours royaux devant être couverts par le gouvernement, il est fort probable que ce texte a au moins fait l’objet d’une information envers la chancellerie de la Première Ministre Sophie Wilmès qui ne s’y sera donc pas opposée.
Pour le reste , on retiendra du discours que le roi demande un gouvernement de plein exercice. Pas un gouvernement provisoire, pas un gouvernement d’expert, pas un gouvernement limité aux affaires socio-économiques. On va digérer ce discours royal. Il va être disséqué , commenté, analysé dans les prochaines heures. Au-delà des mots, ce sont surtout des résultats qu’on attend. Est-ce que, oui ou non, mardi prochain, on commencera de vraies négations. ? La réponse maintenant doit être oui ou non. Si on veut considérer que la parole royale a encore du poids dans ce pays, il vaudrait mieux que ce soit oui.