Rue de la Loi : le carrefour des possibles

Ce ne sera donc pas le tour de Bart De Wever. Le Roi Philippe en a décidé autrement. Il lance dans l’arène fédérale  deux présidents de parti fraichement désignés. Georges-Louis Bouchez, élu président du Mouvement Réformateur il y a précisément 11 jours et Joachim Coens élu président du CD&V le parti social-chrétien flamand il y a 5 jours. Difficile de faire plus neuf dans la fonction.

Après tout pourquoi pas ? On a commencé cette formation de gouvernement avec deux vieux briscards, Didier Reynders et Johan Vande Lanotte. Deux informateurs qui, à eux deux, totalisaient 50 ans d’activité au plus haut niveau de la vie politique fédérale comme président de parti, ministre ou parlementaire. On a poursuivi avec Rudy Demotte et Geert Bourgeois qui ont quand même une belle expérience de ministre-président à faire valoir sur leurs cartes de visite. Ça n’a pas marché. On a bifurqué vers Paul Magnette, président de parti depuis peu, mais qui a déjà été ministre au fédéral et ministre-président à la Région wallonne. On aurait pu partir vers des grands sages, genre anciens présidents de la Chambre et du sénat ou ministres d’Etat. Mais ça aurait ressemblé à une opération de temporisation. On aurait pu opter pour Bart De Wever, mais c’était quasiment une provocation pour les francophones après ses propos des derniers jours.

On a donc décidé de prendre des personnalités émergentes. Et ce n’est pas seulement parce qu’ils sont neufs, pas encore usés par leur fonction, peut-être plus innovants que leurs aînés qu’ils ont été choisis, mais surtout parce qu’ils sont présidents de parti, de deux formations qui n’étaient pas à l’aise avec les notes de Paul Magnette et qui l’avaient fait savoir. Un francophone, un néerlandophone, un libéral, un social-chrétien parce que c’est dans ces deux familles à mi-chemin entre le Parti Socialiste de Paul Magnette et la N-VA de Bart De Wever qu’il va falloir trouver une solution.

Ira-t-on vers une coalition avec ou sans la N-VA ? Ce matin les deux informateurs ont soigneusement évité de répondre à la question. “Nous restons dans un schéma ouvert“, a précisé Georges-Louis Bouchez. Après le travail accompli par Paul Magnette en faveur de la coalition arc-en-ciel, cela peut ressembler à un mouvement de balancier, un retour en arrière, un contre-pied, pour remettre la N-VA dans le jeu. Bart De Wever voulait d’ailleurs interpréter leur nomination dans ce sens-là dès hier soir ” la piste de l’arc-en-ciel semble écartée” notait-il avec satisfaction. On va donc bien rediscuter et rediscuter sérieusement avec la N-VA dans les prochains jours et les prochaines semaines. La N-VA au sein du gouvernement fédéral, Georges-Louis Bouchez en avait fait son plan A dans une interview juste avant d’être élu président. Le CD&V de Joachim Coens n’a pas varié d’un iota depuis les élections du 26 mai répétant inlassablement que c’est au plus gros parti flamand d’avoir la main au fédéral. Pourtant ce matin Georges-Louis Bouchez a aussi dit qu’on ne repartait pas de zéro, et si on interprète bien ses propos cela veut dire qu’on ne jettera pas les notes de Paul Magnette à la poubelle et que la direction arc-en-ciel n’est pas complètement abandonnée.

La réalité c’est que nous sommes à un carrefour. A droite, c’est une coalition avec la N-VA. A gauche, un arc-en-ciel élargi. Depuis le 26 mai nous sommes bloqués à l’entrée de ce carrefour. L’Open VLD a longtemps tergiversé et est divisé, c’est vrai. Mais il n’est pas le seul. Est-ce que le CD&V veut aller à droite ou à gauche ? Est-ce que le MR préfère vraiment aller à droite ou se résignera-t-il à aller à gauche ? La réalité c’est qu’aucune de ces deux pistes n’est fermée, aucune  clairement privilégiée.
Les deux partis concernés sont désormais dans le poste de pilotage. Et on va se permettre de donner un conseil. Quand on reste éternellement au point mort, on écarte le risque d’accident. Par contre la file des automobilistes qui klaxonnent derrière vous s’allonge. Et à force de faire du surplace, vous finirez par griller le moteur.