La sortie de l’IVG du Code pénal soumise jeudi au vote de la Chambre
La sortie de l’interruption volontaire de grossesse (IVG) du Code pénal est soumise au vote jeudi en séance plénière de la Chambre. La pratique de l’avortement ne sera plus considérée comme un “crime contre l’ordre des familles et la morale publique”.
Saluée par la majorité et le cdH, l’évolution législative, la première du genre depuis la dépénalisation partielle de l’avortement en 1990, est décriée par l’opposition laïque qui dénonce la subsistance d’un carcan pénal menaçant les femmes et les médecins ainsi qu’une modification a minima des délais maximums autorisant l’avortement. Celle-ci craint même que cette évolution ne relance la machine à pénaliser dans un contexte européen instable.
Dans la foulée de DéFI, les socialistes, les écologistes et le PTB – rejoints par l’Open Vld au sein de la majorité – poussaient depuis plus de deux ans à la dépénalisation complète de l’avortement, une option susceptible de recueillir le soutien d’une majorité de rechange. La naissance de ces initiatives avait coïncidé avec la volonté du CD&V de promouvoir, au-delà de l’accord de gouvernement, la reconnaissance précoce de foetus après une grossesse non aboutie, une perspective vécue par d’aucuns comme une atteinte potentielle au droit à l’IVG.
Une reconnaissance symbolique après 140 jours
Il y a trois mois, alors que le CD&V et la N-VA avaient mis leurs partenaires en garde face à l’émergence d’une majorité de rechange, la coalition a scellé un compromis politique se focalisant sur la sortie de l’IVG du Code pénal et permettant le dépôt d’un projet de loi autorisant une reconnaissance symbolique du foetus après 140 jours, conforme à l’accord de gouvernement.
Interprétée comme une dépénalisation par l’aile libérale de la majorité et comme une simple sortie symbolique du Code pénal par les chrétiens-démocrates, la proposition de loi relative à l’IVG touche peu ou prou aux délais maximums autorisés pour la pratique de l’avortement, dont la prolongation avait pourtant été souhaitée par la quasi-unanimité des nombreux experts auditionnés au parlement.
Le délai maximum autorisé pour avorter reste fixé à 12 semaines de grossesse, ainsi que le délai minium de réflexion préalable de 6 jours, jugé problématique car empiétant sur celui des 12 semaines. La future loi permet cependant une timide avancée, l’IVG pouvant avoir lieu préalablement lorsqu’est invoquée une “raison médicale urgente“. Par ailleurs, si la première consultation a lieu moins de 6 jours avant l’échéance maximale de 12 semaines, celle-ci pourra être prorogée au prorata du nombre de jours non écoulé du délai de 6 jours.
Surannée, la reconnaissance préalable de l’“état de détresse” de la femme sera supprimée au bénéfice de la démonstration de sa détermination.
Sanctions pénales
En revanche, si l’IVG est sortie du Code pénal, la pratique de l’avortement hors des conditions légales pourra toujours faire l’objet de poursuites pénales avec le risque d’encourir, dans le chef des femmes comme des médecins, des sanctions pénales pouvant aller jusqu’à la prison. Or, actuellement, de nombreux médecins n’appliquent déjà pas certaines des conditions qui leur resteront imposées, comme l’obligation d’informer la femme en demande d’IVG de possibilités telles que l’adoption.
Les prestataires de soins ne seront pas tenus de répondre à une demande d’IVG. S’ils ne souhaitent pas y répondre favorablement, ils devront communiquer leur décision à la patiente dès la première consultation, et lui transmettre les coordonnées d’un médecin ou d’un organisme susceptible de rencontrer sa demande. Par ailleurs, toute personne entreprenant des actions visant à empêcher une femme d’avorter encourra également des sanctions pénales.
Une “avancée” pour les libéraux
Au sein de la majorité, on a globalement accueilli le compromis avec satisfaction. Les libéraux y voient une “avancée”, dans le “contexte politique actuel”, et appellent à d’autres évolutions. Au sein du MR, on assure que l’on votera “en âme et conscience”. Les libéraux devraient soutenir le compromis. L’un ou l’autre député catholique au sein du groupe pourrait ne pas adhérer au texte.
La proposition de loi a fait l’objet d’une vive protestation de nombreuses associations laïques, de femmes, d’avocats et universitaires qui avaient placé beaucoup d’espoir dans une dépénalisation complète de l’avortement. Beaucoup craignent même que l’évolution n’annonce même un retour de la manivelle pénale à l’heure où le droit à l’avortement recule en Europe et dans le monde.
Une “occasion manquée” pour les associations laïques
L’opposition laïque a elle-même exprimé son courroux alors qu’elle s’était accordée sur une dépénalisation faisant évoluer le délai maximum d’avortement de 12 à 18 semaines tout en réduisant le délai minimum de réflexion de 6 jours à 48 heures. Dans l’opposition, seul le cdH s’est réjoui d’une telle évolution après qu’il a pu rejoindre la majorité sur un texte qui lui donnait satisfaction.
Regrettant une “occasion manquée“, le Centre d’Action Laïque a déploré mercredi “ce qui s’annonce comme une atteinte irrémédiable portée aux droits des femmes“. Le CAL a regretté que le gouvernement a “cadenassé le vote de la majorité parlementaire” et créé un “dangereux précédent” puisque les sujets éthiques ont toujours relevé en Belgique d’une liberté de vote des députés. Il a en outre dénoncé la liaison de “la prétendue dépénalisation de l’IVG” à “la reconnaissance légale de la qualité d’enfant à un fœtus de 140 jours”.
Belga