La direction d’Actiris mise en cause pour non respect des règles de marchés publics

Actiris a-t-elle passé un contrat d’un million d’euros avec une asbl sans respecter le cadre légal? Le député et président du MR bruxellois, David Leisterh, interpellait à ce sujet ce matin en commission des Affaires économiques du Parlement bruxellois le ministre de l’Emploi et de la Formation professionnelle, Bernard Clerfayt (DéFI).

Dans un rapport publié le 30 octobre dernier, la Cour des comptes épingle un contrat de près d’un million d’euros passé par l’Agence régionale de l’emploi avec l’asbl Living Tomorrow. L’organe de contrôle évoque un contrat suspect, qui n’aurait pas respecté les procédures de marché public.

Le 17 novembre, “face aux très nombreuses interrogations liées au dossier“, David Leisterh demande l’audition au parlement du directeur général d’Actiris, Grégor Chapelle. Ce matin, c’est le ministre de tutelle d’Actiris, Bernard Clerfayt, qui répondait aux questions du député réformateur, et confirmait la présence dans ce dossier de nombreux éléments problématiques.

Le contrat visé est passé par Actiris en juillet 2019 avec une asbl, Living Tomorrow, pour la réalisation d’une mission de consultance intitulée « TomorrowLab – L’avenir du travail à l’horizon 2030+ », pour un montant de 916.600 euros. Mais le comité de gestion d’Actiris n’en est avisé qu’au mois de décembre 2019, soit six mois plus tard, pour “prise d’acte“, indique le ministre Clerfayt dans sa réponse. “A la lecture du PV de la réunion du comité de gestion du 12 décembre 2019, on remarque que les membres du comité de gestion relèvent le coût important de l’étude. Certains se disant même choqués du prix. Ils déplorent également l’absence de marché public et remettent en cause l’utilité de l’étude commandée alors qu’Actiris dispose d’un service d’études.”

Négligences ?

Le comité de gestion, en ce compris les deux commissaires du gouvernement, opposés à ce contrat, demandent des explications et décide de mettre en place un groupe de travail. Celui-ci conclut au mois de février 2020 à la nécessité de mettre fin au contrat. Le mois suivant le comité de gestion décide de mettre fin au contrat.

Selon le ministre, la direction générale d’Actiris assumait pleinement son choix de ne pas passer soumettre la convention aux procédures de marchés publics et aux règles de contrôles, et le justifiait en expliquant que “cette convention était hors marché public, sur base d’un avis produit par un cabinet de conseils à la demande de l’asbl Living Tomorrow.” Le ministre s’interroge aussi sur la notion d’urgence invoquée par Actiris dans ce dossier : “Nous sommes alors au mois de juillet 2019, dans l’inter-règne. Qu’est-ce qui empêchait la Direction générale de prendre le temps de l’été pour l’analyse juridique. ”

Aujourd’hui, les négociations sont en cours entre les avocats d’Actiris et ceux de l’asbl Living Tomorrow pour trouver une solution à l’amiable, qui sera probablement assortie d’indemnités. Les deux premières tranches du contrat, soit un montant de 229.000 euros ont déjà été payées à l’asbl.

Bernard Clerfayt épouse la position du comité de gestion. Pour lui, “il s’agit à mes yeux clairement d’un marché public et rien ne permet de contourner les règles applicables pour un tel montant.”, argue-t-il. Il soulève aussi le manque de transparence du contrat, la convention prévoit une clause de confidentialité. En conclusion, le ministre estime que “la direction générale a négligé les règles de gestion prudente en imposant la conclusion rapide de ce contrat au cœur de l’été, sans respecter les mises en garde de son propre service juridique, sans en informer spontanément le Comité de gestion.”.

“J’assume des erreurs”

Grégor Chapelle, le directeur général d’Actiris, nous répond qu’il reconnaît que des erreurs ont été commises dans ce dossier et les assume. Il confirme la passation d’un contrat, sans ouverture à la concurrence, avec l’asbl Living Tomorrow, en vue de la réalisation d’une étude prospective d’ampleur à mener sur deux ans et demi. “Living Tomorrow est une asbl qui a pignon sur rue, a une expertise reconnue et travaille régulièrement avec des institutions telles que le VDAB, l’Inami ou Bpost.”, assure-t-il. Pourquoi ne pas avoir eu recours à la procédure sur les marchés publics? La loi prévoit une exception pour les contrats en recherche et développement, soutient-il. Mais il admet un erreur d’appréciation : “Notre service juridique nous avait conseillé de soumettre le contrat au comité de gestion avant de nous engager. Nous aurions dû nous montrer plus prudents et suivre ces recommandations.” En raison du flou juridique entourant ce dossier, le contrat a été cassé, au mois de mars, conformément à l’avis du groupe de travail mis en place par le comité de gestion.

Le directeur général d’Actiris précise toutefois que, suite à cette affaire, des mesures correctives ont été mises en place au sein de l’agence: la modification des règles de fonctionnement de manière à soumettre tous les contrats dépassant un certain montant au comité de gestion pour approbation – ce n’était pas le cas jusqu’ici; et la création un comité d’audit indépendant.

Reste qu’Actiris est sous la tutelle du ministre de l’Emploi. Celui-ci était au courant du dossier depuis un an au moins, puisqu’il était informé via les deux commissaires au gouvernement siégeant au comité de gestion, dont l’un est son chef de cabinet. Nous avons demandé au cabinet de Bernard Clerfayt si Grégor Chapelle avait été contacté, interrogé et entendu par le ministre. Grégor Chapelle de son côté, assure qu’il a transmis au cabinet ses explications, suite aux questions parlementaires mais il s’étonne : “J’ai transmis tous les détails du dossier au ministre. S’il avait des questions, pourquoi ne m’a-t-il pas contacté ?

Au rayon des réactions, le député bruxellois NVA Gilles Verstraeten s’exclame : “Ceci n’est pas acceptable” Il annonce qu’il demandera au parlement “de donner mission à la Cour des Comptes de mener une enquête.”

S.R.

 

 

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02 décembre 2020 - 16h21
Modifié le 02 décembre 2020 - 18h58