Coronavirus : des scientifiques donnent des conseils pour fêter Noël autrement

Ce midi, l’UCLouvain organisait une conférence de presse virtuelle autour de cette question : faut-il maintenir les fêtes de fin d’année en cette période de Covid ? Treize experts attachés à l’Université ont tenté de répondre à cette question délicate. Infectiologue, épidémiologiste, psychologue, sociologue, anthropologue, économiste, historien, philosophe. Tous ont analysé la situation à travers le prisme de leurs compétences. 

La plupart des experts se rejoignent sur un point : oui, on pourra fêter Noël, mais autrement. Si l’on parle de 15 ou 20 personnes de générations différentes, qui mangent, boivent pendant plusieurs heures dans un lieu fermé, le risque est trop élevé” précise Leila Belkhir, infectiologue aux Cliniques universitaires Saint-Luc de l’UCLouvain. “Il faudra être créatifs, faire preuve d’imagination pour fêter Noël de façon raisonnable et raisonnée. En organisant la fête dehors ou sous forme de balade par exemple.” 

Pour la sociologue Jacinthe Mazzochetti (UCLouvain), il faut s’inspirer des familles migrantes ou transnationales. “En préparant le même repas, mais à distance ou en se retrouvant autour d’un écran.” 

L’importance du rite de Noël et des fêtes en général a aussi été soulignée par plusieurs experts. C’est l’occasion de se retrouver en famille ou de tirer le bilan de l’année. Pour le sociologue de la santé à l’UCLouvain Vincent Lorant “la population va fêter Noël. La question ne se pose pas. Noël est un événement social. Alors oui, les relations sociales véhiculent le virus mais elles aident aussi à surmonter la crise.” Olivier Luminet, professeur de psychologie de la santé à l’UCLouvain, est plus nuancé : “Même en invitant très peu de personnes, nous pouvons remplir nos besoins psychologiques autour de Noël.

Il y a une semaine, une étude de l’université d’Anvers relevait qu’un Belge sur 3 ne fêterait pas Noël en cercle restreint. Olivier Luminet fait état d’une autre étude, réalisée par l’université de Gand. À la question préférez-vous fêter Noël avec 2 invités, 4 invités ou un nombre illimité d’invités, les Belges seraient prudents et se limiteraient volontiers à un petit nombre de convives. “Il ne faut pas négliger l’anxiété, la peur de contaminer des proches ou de faire repartir l’épidémie,” ajoute Olivier Luminet.  

L’historienne à l’UCLouvain Françoise Van Haeperen nous rappelle que Noël n’a pas toujours été fêté. La fête a même été interdite en Angleterre au 17e siècle car trop païenne et donnant lieu à trop de débauches. 

Timing et contexte particulièrement dangereux

Pour l’épidémiologiste Niko Speybroeck (UCLouvain), l’impact de Noël sur une potentielle troisième vague dépendra de la circulation du virus à ce moment-là. Mais, même si les infections sont beaucoup moins nombreuses qu’aujourd’hui “lâcher tout à Noël pourrait détruire en un ou deux jours les efforts de plusieurs mois.” “Autre défi”, ajoute Niko Speybroeck, “le Nouvel an.” En effet, il faut compter, en moyenne, 6 jours d’incubation. “Les personnes infectées à Noël pourraient dangereusement propager le virus au Nouvel an.

Des simulations peuvent être faites pour anticiper la propagation du virus à Noël et l’impact sur les hospitalisations mais il reste beaucoup d’inconnues. “ Y a t-il des contaminations au sein du ménage? Combien de personnes forment cette bulle? Des personnes à risque s’y trouvent-elles? Et si fête il y a, les membres de ce ménage seront-ils prudents?” précise encore Niko Speybroeck.

La question d’une quarantaine pré-fêtes a aussi été abordée ce midi. “En théorie, ça tient la route” explique Leila Belkhir, infectiologue aux Cliniques universitaires Saint-Luc de l’UCLouvain. “Mais, il faudrait s’isoler durant 2 semaines. Tout le monde pourra-t-il le faire? Et respecter un isolement strict? Cela semble compliqué à réaliser.”

Economie : restaurer le capital confiance

La crise et la question des fêtes de fin d’année ont aussi été abordées d’un point de vue économique. Il ressort du premier confinement que les Belges ont consommé plus local et plus durable. “Mais seuls 10 % des citoyens ont gardé ces habitudes au déconfinement” précise Ingrid Poncin, spécialiste de la consommation à l’UCLouvain. Le commerce digital a aussi fortement grimpé mais a surtout bénéficié aux gros acteurs comme Amazon. “S’il y a une troisième vague, il faudra trouver un moyen de compenser cette concurrence pour les petits commerces.

Pour Mikael Petitjean, professeur à la Louvain School of Management de l’UCLouvain, “l’économie est une discipline plurielle, et il faut avant tout rétablir le capital confiance des citoyens.” Beaucoup de questions se posent autour de la fermeture des petits commerces et pas des supermarchés, de la notion de commerces essentiels et non-essentiels. “Le défi des politiques est que les restrictions imposées soient intégrées par les citoyens, qu’ils se les approprient,” ajoute-t-il encore.

La sociologue Jacinthe Mazzochetti (UCLouvain) insiste, elle, sur la nécessité d’une communication politique claire et non infantilisante. “Il faut rétablir la confiance avec les citoyens en axant le discours sur la solidarité collective.” Les fêtes de fin d’année sont aussi pour beaucoup des moments difficiles. “Quels seront les moyens mis en place pour les aider?” se demande-t-elle.

Eviter à tout prix une troisième vague

Tous les experts sont unanimes : la deuxième vague surprend tout le monde par son ampleur. Et d’un point de vue sanitaire, économique, psychologique, il faut éviter un troisième rebond de la pandémie dans notre pays. Historiquement, on se souviendra aussi de la grippe espagnole. “Après l’armistice en novembre 1918, les fêtes de fin d’année ont été célébrées dans l’euphorie, donnant lieu à une terrible 3ème vague” explique l’historienne Françoise Van Haeperen (UCLouvain). Il faut parfois pouvoir tirer les leçons du passé.

Valérie Leclercq – Photo: BX1