Game of Thrones à l’Union belge, épisode 4 : Peter Bossaert contre-attaque

À première vue, la série Game Of Thrones n’a pas beaucoup de points en commun avec la plus grande fédération belge de football. Détrompez-vous. L’œuvre télévisuelle met en scène les jeux de pouvoirs et les combines existantes pour obtenir le Trône de fer. A une époque pas si lointaine, l’Union belge a connu une situation similaire.

Au centre du jeu : Peter Bossaert, CEO de l’Union belge (2018 et 2022), et Paul van Den Bulck, président de la Fédération (2021-2023). Le premier refuse le contrôle du second. Ce qui entraîne une escalade des tensions entre le comité de direction, qui s’occupe des affaires courantes, et le conseil d’administration.

Cette dispute du pouvoir au sein de l’URBSFA va entraîner le départ de ces deux fortes personnalités. Cette série de quatre articles vous emmènera dans les coulisses de l’une des plus grandes crises de l’Union belge. De la lutte pour le Trône, synonyme du pouvoir, à la chute des deux hommes. Jusqu’à la victoire finale de Peter Bossaert, avec un accord secret jusqu’ici.

 

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Game of Thrones à l’Union belge, épisode 4 : Peter Bossaert contre-attaque

Après avoir reçu son C4, Peter Bossaert n’a pas perdu de temps. Un mois plus tard, il attaque son ancienne Fédération. Dans un communiqué, il explique sa démarche. “Je n’ai commis aucune faute”, déclare-t-il. “Les négociations contractuelles se sont déroulées dans les règles. Mon contrat a été adapté au début de l’année 2022 par un avenant, en concertation avec le président et le vice-président de l’URBSFA. C’est la même procédure que celle suivie en 2018, lorsque mon contrat initial avec la Fédération de football a été signé.”

Sa ligne de défense est claire : ce n’est pas mon problème si le président et le vice-président ne parlent pas de cela au reste du CA. Nous avons contacté des avocats pour nous donner des éclaircissements à propos de cette tactique de défense. “En principe, les pouvoirs de représentation de l’association sont réglés en interne, généralement via les statuts. Il est tout à fait envisageable de prévoir qu’un nombre restreint de participants ne suffise pas pour modifier le contrat”, explique Maître Vangansbeeck. Dans ces statuts, il est justement stipulé que l’ensemble des membres de l’association doivent juger le travail du CEO. “Dans ce cas, cette règle liée aux participants n’aura pas forcément pour effet que Mr Bossaert ne puisse pas faire valoir ce nouveau contrat. Ce sont des règles purement internes. Sur base de la théorie juridique du mandat apparent, il peut avancer que, dans son chef, toutes les circonstances de la signature laissaient apparaître que les signataires avaient le pouvoir de représenter l’association. Autrement dit, il ne peut être tenu pour responsable de la non-application de règles internes qui ne regardent que les membres du CA”

Peter Bossaert ne compte pas se laisser faire

Pour l’avocat, il s’agit d’une défense valable qui tient tout à fait la route. Mais qui est le fautif dans cette histoire ? “L’association pourrait, dans ce cas, éventuellement se retourner contre les signataires pour manquement aux règles de représentation et demander des comptes”, poursuit Me Vangansbeek. “Encore faut-il déterminer si les co-contractants avaient connaissance des règles de représentation et si, en réalité, ils savaient, ou devaient savoir, que les signatures obtenues ne suffisaient pas pour avaliser les nouvelles dispositions du contrat. C’était probablement là le cœur du débat lors des négociations.”

 

La meilleure défense, c’est l’attaque

Pour une Fédération aussi importante que l’Union belge, un procès fait mauvais genre. D’autant plus que les fautes semblent partagées d’un point de vue légal. Comme souvent dans ce genre de cas, une négociation commence entre Peter Bossaert via sa société Palumi et l’Union belge. 

Dans un rapport du Conseil d’administration datant du 11 mai 2023, on se plonge dans les chiffres et dans les demandes de Peter Bossaert. “Une action en justice a été introduite pour résiliation fautive de son contrat de service pour un montant de 713 472 euros à augmenter des intérêts moratoires, des dommages moraux à concurrence de 500 000 euros à augmenter des intérêts moratoires.” Dans un courrier datant du 14 juin 2023, le cabinet d’avocats Attorneys, qui travaille pour la Fédération, évoque les risques de cette procédure. “L’octroi d’une indemnité de préavis de substitution à Palumi est plutôt élevé. Elle s’élèverait à un montant de (seulement) 600 000 euros.”

L’accord avec l’Union belge est assez élevé. BELGA PHOTO VIRGINIE LEFOUR

Dans sa justification, les avocats estiment qu’une rupture avec effet immédiat, sans préavis ni indemnité, comme elle a été appliquée à Peter Bossaert, n’est possible que “pour des faits graves ayant irrémédiablement détruit le lien de confiance nécessaire”. Visiblement, les avocats estiment que ce n’est pas le cas ici. “Ce qui sera probablement décisif dans l’appréciation du tribunal, c’est de savoir si le fait de ne pas avoir soumis cette question au conseil d’administration constitue un manquement suffisamment grave. Nous ne disposons d’aucun indice concret permettant de penser que Palumi aurait délibérément et intentionnellement écarté le conseil d’administration. En outre, Palumi n’a pas négocié cet avenant avec lui-même, mais a demandé et obtenu l’approbation du président et du vice-président, alors que le conseil d’administration n’a pris aucune mesure à l’encontre de ces administrateurs par la suite et a admis qu’ils n’auraient pas dû savoir que l’ensemble du conseil aurait dû l’approuver.”

 

Un accord, la seule solution ? 

Selon Maître Vangasbeek, il est très difficile de démonter une faute grave.  “Il n’y a pas de définition légale de ce qui est un tel manquement “grave”. Le juge devra se référer aux dispositions du contrat et les interpréter en prenant en compte les circonstances particulières de la situation donnée.”

Dans ce type de cas, un accord est souvent la meilleure solution. Et ce, pour plusieurs raisons. “Transiger n’est pas interdit et même au contraire encouragé par les cours et tribunaux du pays (pour la plupart débordés), et même le législateur”, explique l’avocat Arnaud Vangansbeek. “Il faut rappeler que le code judiciaire prévoit explicitement l’obligation, d’une part, pour les avocats, de favoriser toute forme de résolution amiable du litige et d’autre part, pour les juges, de favoriser “en tout état de la procédure un mode amiable des litiges”. 

Ce qui ne signifie pas qu’une partie ou l’autre est coupable. “Les solutions trouvées en dehors des prétoires sont effectivement monnaie courante et sans doute souhaitable. Cela allège une justice qui est en manque cruel de moyens dans notre pays. Transiger ne veut pas forcément dire reconnaître une culpabilité. Il s’agit plutôt de reconnaître un intérêt commun à s’accorder sur une solution négociée, dans l’intérêt de tous et en tenant compte de la réalité du monde judiciaire. De nombreux modes alternatifs de résolution des conflits font désormais partie intégrante de la vie des praticiens, avocats compris.”

Piet Vandendriessche est le nouveau CEO de l’Union belge

L’affaire est donc close. Peter Bossaert et la Fédération signent un accord qui s’élève à 600 000 euros. En décembre, la Fédération a choisi un nouveau CEO après l’intérim de Manu Leroy. Piet Vandendriessche est l’heureux élu. “Piet Vandendriessche est un dirigeant expérimenté et rassembleur qui doit continuer à développer l’URBSFA vers une organisation performante et rentable et qui les aidera à relever les nombreux défis qui les attendent”, a déclaré la présidente Pascale Van Damme. 

Selon nos informations, la sérénité est revenue au sein de l’Union belge. L’ambiance est à nouveau joyeuse. La mission du nouveau CEO a commencé le 16 janvier. “Piet reçoit maintenant la tâche de diriger l’URBSFA de façon ouverte et transparente et d’établir une relation durable avec nos partenaires”, conclut Pascale Van Damme. Une phrase loin d’être anodine. Le trône de fer lui appartient désormais. A lui d’en faire bon usage. 

 

Gilles Joinau