Retrait d’Elke Van den Brandt comme formatrice néerlandophone : quelles suites pour la formation du gouvernement bruxellois ?
La formation d’une majorité côté néerlandophone risque encore de se compliquer.
Vendredi soir, Elke Van den Brandt a annoncé ne pas vouloir poursuivre sa mission de formatrice néerlandophone dans l’état actuel des choses. L’écologiste a mal digéré un tweet du président du MR, Georges-Louis Bouchez, perçu comme une nouvelle menace, annonçant des “initiatives parlementaires” pour mettre fin au plan de mobilité Good Move dans la capitale. Les trois partenaires francophones que sont le MR, Les Engagés et le PS, avaient déjà déclaré début septembre vouloir reporter à 2027 la prochaine phase de la zone de basses émissions (LEZ). Les deux dossiers sont chers aux écologistes.
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Ahidar, nouveau formateur ?
L’élu bruxellois Fouad Ahidar, qui avait constitué sa propre liste pour les élections régionales de juin, a pris contact avec différents partis néerlandophones vendredi afin de leur proposer de jouer un rôle de médiateur dans la formation d’un gouvernement bruxellois. Son souhait est de former un bloc fort avec les écologistes de Groen et les socialistes de Vooruit, a-t-il indiqué. La Team Fouad Ahidar est devenue la deuxième formation néerlandophone en Région bruxelloise, avec trois sièges. En ajoutant les quatre sièges de Groen et les deux sièges de Vooruit, les trois partis disposeraient d’une majorité de neuf sièges sur 17 côté néerlandophone.
Cependant, comme le précise Emilie Van Haute, politologue à l’ULB, la Team Fouad Ahidar ne sera pas forcément le parti formateur. En effet, il n’y a pas de règle formelle en la matière. Informellement, c’est le plus grand parti qui prend le leadership. Ici, le plus grand parti (Groen) s’étant retiré, il est logique que le deuxième plus grand parti (la Team Fouad Ahidar) prenne le relais, mais cela n’est pas obligatoire.
Trois partis, une solution réaliste ?
Bien que Vooruit avait une préférence pour la majorité avec Groen, l’Open VLD et le CD&V, Ans Persoons indique restée ouverte aux discussions avec tous les partis, sauf le Vlaams Belang. “Il faut un gouvernement bruxellois et commencer à parler contenu“, avance-t-elle. Dès lors, la piste proposée par la Team Fouad Ahidar avec Groen et Vooruit reste une solution envisageable.
Ans Persoons précise cependant ne pas encore avoir reçu d’invitation de la part de Fouad Ahidar.
Selon Emilie Van Haute, les chances que Groen accepte une majorité avec la Team Fouad Ahidar et Vooruit sont assez minces. “Pourquoi Elke Van den Brandt reviendrait à la table de négociations maintenant, et pas en position de lead ?” Pour la politologue, l’annonce de Fouad Ahidar lui sert plutôt à indiquer ses préférences et son positionnement politique, d’autant plus qu’un gouvernement avec Fouad Ahidar n’est pas la préférence de la majorité francophone. Emilie Van Haute poursuit : “Si la Team Fouad Ahidar ressort renforcée des élections communales, cela le rendra encore plus gourmand. Il sera dès lors moins facile d’obtenir des compromis“.
Quelles possibilités sans Groen ?
Si Groen refuse de travailler avec la Team Fouad Ahidar, cette dernière devra trouver six sièges ailleurs pour former une majorité. Dans ce cas, la logique numérique voudrait que Fouad Ahidar contacte l’Open VLD, Vooruit et la N-VA. Le CD&V serait hors-jeu, puisqu’il n’a qu’un seul siège, insuffisant pour former une majorité. Cette solution à quatre partis présenterait le même problème que la solution Groen/Open VLD/Vooruit/CD&V : il y a quatre partis, pour seulement trois secrétariats d’État.
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Dans la majorité Groen/Open VLD/Vooruit/CD&V, le CD&V étant le plus petit parti (un seul siège, contre quatre sièges pour Groen et deux sièges pour l’Open VLD et pour Vooruit), le parti chrétien démocrate néerlandophone n’aurait sans doute pas obtenu de secrétariat d’État.
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Dans cette potentielle majorité Team Fouad Ahidar/Open VLD/Vooruit/N-VA, “la situation est encore pire“, indique Emilie Van Haute. En effet, les trois partis accompagnant la Team Fouad Ahidar ont tous deux sièges. Dès lors, “il est difficile de savoir lequel des trois va se plier et n’obtiendra pas de secrétariat d’État“. Chacun des trois partis ayant le même rapport de force que les deux autres, il est peu probable qu’un parti accepte de céder sa place dans le partage des pouvoirs régionaux.
Une solution avant les communales ?
Pour Emilie Van Haute, le retrait de Groen peut être expliqué en trois points principaux. Tout d’abord, il y a le dossier de la LEZ avec le report de la prochaine phase et le refus de toute conciliation, pourtant proposée par Groen. Cette annonce a marqué le début d’un “sérieux blocage” à venir. Le deuxième point concerne le surenchérissement de la part de Georges-Louis Bouchez de ce vendredi qui annonçait vouloir mettre fin au plan de mobilité Good Move. Le dernier point concerne le calendrier. À moins d’un mois des communales, Groen doit montrer que ses positions n’ont pas changé. Cela permettra également au parti écologiste de se concentrer sur la campagne électorale.
“Elke Van den Brandt a essayé de demander un compromis sur la LEZ, mais il y a eu un blocage. Maintenant, elle veut montrer qu’avec les autres partis, ce sera encore plus compliqué“, poursuit Emilie Van Haute.
Pour la politologue, il est quasiment impossible qu’une majorité soit trouvée avant les élections. Il va d’abord falloir “épuiser l’option Ahidar“, qui risque donc de ne pas mener à une majorité. Ensuite, il faudra s’attendre à un retour d’Elke Van den Brandt “avec des exigences plus fortes qu’avant“.
■ Reportage de Rémy Rucquoi, Alexandre Dhaeseleer et Djôp Medou Mvondo
E.V. (avec Belga) – Photos : Belga