Tri des déchets : des services publics qui ne montrent pas l’exemple

Alors que le tri des déchets est une obligation pour les particuliers depuis 2010, des quantités de déchets sont envoyés chaque année à l’incinérateur sans avoir été triés : ceux qui sont collectés dans l’espace public. 

Si des poubelles sélectives ont été installées il y a plusieurs années dans des stations de métro bruxelloises, la STIB ne pratique plus le tri des déchets depuis fin 2015, rapportait La Dernière Heure, citant la réponse de la ministre bruxelloise de la Mobilité Elke Van den Brandt (Ecolo-Groen) à une question parlementaire de la députée régionale Aurélie Czekalski (MR). Le tri sélectif a en effet été suspendu dans les stations à la suite des attentats de Paris, en novembre 2015. Pour des raisons de sécurité, les poubelles sélectives ont été remplacées par des sacs en plastique transparents, attachées à un simple arceau. Alors que le tri était maintenu dans les gares. Résultat : en quatre ans, près de 4500 tonnes de déchets ont pris le chemin de l’incinérateur, sans tri préalable. Et si on se base sur les chiffres de l’année 2018, 1100 tonnes de déchets avaient été collectés. La STIB a depuis entamé une réflexion sur la réintroduction des corbeilles sélectives dans ses stations, nous explique Françoise Ledune, porte-parole de la STIB. Et la première qui en sera équipée, c’est De Brouckère, mais pas avant fin 2020. Suivront en priorité les stations en rénovation, et enfin les autres. Cela prendra du temps. Il y a certes des procédures et des délais administratifs à respecter, mais il y a aussi une discussion sur le type de poubelles à installer.

Car même à l’époque où certaines stations étaient équipées de poubelles sélectives, le tri n’était pas satisfaisant : « Bruxelles Propreté se plaignait de la faible qualité du tri dans les stations de métro », indique Françoise Ledune. D’où l’importance de choisir le bon outil. « Un îlot sélectif central peut dans certains cas s’avérer plus efficace que des poubelles sélectives placées à plusieurs endroits de passage, que les gens ne respectent pas, par manque de temps ou par négligence. » Important aussi : mener une politique de communication et de sensibilisation performante.

Dans les communes, le tri ne marche pas

Et la question dépasse de loin la STIB. Il existe un angle mort du tri des déchets. En particulier ceux qui sont collectés dans l’espace publique. Aujourd’hui, la plupart des communes ne pratiquent pas le tri sélectif sur leurs voiries, mais sur le terrain, les pratiques diffèrent parfois. À Schaerbeek, par exemple, « la volonté politique existe mais elle est difficile à appliquer car les poubelles sélectives dans l’espace public ne sont pas respectées par les citoyens », déplore Isabelle Vanhay, la cheffe de cabinet de l’échevine de la Propreté publique, se référant à des expériences ponctuelles menées lors d’événements spécifiques. Conséquence : environ 2500 tonnes de déchets sont collectés en 2019 (i.e. vidange des corbeilles communales et déchets de balayages) et partent à l’incinérateur sans être triés. Et la tendance est à la hausse. Par contre, les dépôts clandestins sont triés par les ouvriers communaux.

À Jette, une phase de test menée il y a 6 ans s’est révélée non concluante. Le tri n’était pas respecté. En outre, il implique des coûts et une logistique très difficile à gérer, précise l’échevin en charge, Mounir Laarissi, qui synthétise en substance : à l’analyse des forces et faiblesses de l’outil, pas sûr qu’il soit souhaitable. En revanche, la récupération des canettes est, elle, opérationnelle et porte ses fruits. À Etterbeek, l’expérience pilote n’a pas convaincu non plus les autorités. À Forest, point de corbeille sélectives mais un “valoriste” sera engagé cette année, nous indique l’échevin Saïd Tahro, pour trier les dépôts clandestins ainsi que “lors des expulsions” : “Le but est donc double : valoriser dans la mesure du possible et donc diminuer les poubelles tout venant et baisser le coût de la gestion de ces déchets en utilisant la bonne filiale.”

À Ixelles, ce sont 850 tonnes de déchets (i.e. vidange des corbeilles communales, déchets de balayages et dépôts clandestins) qui ont été collectés en 2018 sans être triés. Et là aussi, les chiffres sont en hausse. L’échevin Nabil Messaoudi pointe les problèmes d’organisation et le personnel insuffisant pour assurer un tri efficace. Et de relever ce paradoxe : le tri s’impose aux citoyens mais les autorités sont incapables de l’appliquer dans l’espace public.

Vers le tri sélectif dans les parcs de la Région ?

Les parcs gérés par Bruxelles Environnement ne sont pas encore équipés de corbeilles sélectives. Mais quatre d’entre eux font l’objet d’un test depuis quatre ans : les parcs Georges-Henri (Woluwe-Saint-Lambert), Gaucheret (Schaerbeek), Ligne 28 (Molenbeek) et Mont des Arts (Ville de Bruxelles). Et visiblement, l’expérience a été plus convaincante que dans les communes : le ministre de l’Environnement et de la Propreté publique Alain Maron (Ecolo) a décidé d’engager un “chef de projet”, avec l’objectif de mettre en route le tri sélectif dans les 71 parcs bruxellois, nous indique son porte-parole, Pascal Devos. Sans préciser encore dans quel délai le tri sera effectif : “Tout est mis en place pour atteindre cet objectif, mais il faut aussi des moyens financiers pour y arriver“.

Sabine Ringelheim – Photo : BX1