Lutte contre la discrimination au logement : la Région se dote de moyens supplémentaires pour agir

La Région a annoncé ce jeudi la mise en place de nouveaux outils pour lutter contre les discriminations au logement à Bruxelles. Celle-ci va notamment autoriser les tests proactifs, une première en Belgique.

Depuis quelques années, plusieurs études révèlent l’ampleur de la discrimination au logement à Bruxelles, que ce soit pour des raisons ethniques, financières ou encore physiques. Une campagne lancée par la Région bruxelloise entre 2016 et 2017 révélait des “chiffres alarmants” alors que, plus récemment, une enquête venait mettre en lumière l’effet négatif du confinement sur l’accès au logement par la population nord-africaine à Bruxelles.

De trop nombreux Bruxellois sont victimes de discriminations lors de la recherche d’un logement. Il en résulte que, face aux refus injustifiés des bailleurs ou des agents immobiliers, les victimes de discriminations sont contraintes d’accepter des logements inadaptés ou insalubres pour un loyer souvent excessif“, relève la secrétaire d’Etat au Logement Nawal Ben Hamou (PS).

Face à ce constat la Région a décidé de mettre en place de nouveaux outils afin de lutter plus efficacement contre les différences de traitement entre les personnes à la recherche d’un logement. Le Plan d’urgence logement prévoit ainsi trois leviers pour améliorer la lutte contre ces discriminations :

  1. Le renforcement des dispositions du Code bruxellois du Logement relatives à la lutte contre la discrimination au logement.
  2. L’engagement d’inspecteurs supplémentaires pour augmenter le nombre de dossiers instruits par la Direction de l’Inspection régionale du Logement (DIRL), avec 3 agents spécialement dédiés au traitement des plaintes pour discrimination au logement.
  3. Le lancement d’une campagne de communication afin d’informer les candidats-locataires quant à leurs droits face aux discriminations qu’ils pourraient subir.

Des “tests de situation” enfin applicables ?

Depuis septembre 2019, les inspecteurs de Bruxelles Logement peuvent recourir à des “tests de situation”. Ceux-ci doivent permettre de comparer les demandes de deux personnes intéressées par la location d’un même logement, dont le profil est similaire à l’exception d’un critère susceptible de fonder une discrimination (femme enceinte, personne porteuse d’un handicap, personne d’origine étrangère…).

En 2020, la Cour d’appel de Bruxelles a d’ailleurs confirmé “la validité” de ces tests et l’utilisation d’enregistrements téléphoniques pour prouver une discrimination au logement. Par ce biais, la Région peut donc constater des actes discriminatoires et, le cas échéant, imposer des amendes d’un montant compris entre 125€ et 6.200€.

Or, depuis l’entrée en vigueur de ce dispositif en 2019, 29 dossiers ont été ouverts. Parmi ceux-ci, 14 ont fait l’objet d’une audition, 6 sont en cours de traitement et 9 ont été classés sans suite. Seuls trois tests de discrimination ont été réalisés et aucune amende administrative n’a été infligée.

Selon la secrétaire d’Etat au Logement, ceci s’explique par le cadre légal trop rigide qui rend ces tests quasiment inapplicables dans la pratique. En effet, ceux-ci peuvent uniquement être pratiqués si une plainte préalable est déposée et si l’administration peut prouver, avant même de recourir au test, qu’elle dispose déjà d’indices sérieux de discrimination.

► À lire aussi | Discrimination au logement : pourquoi la Région n’effectue pas de tests de situation alors qu’elle en a la compétence ?

Sur base des recommandations d’un groupe de travail, l’avant-projet d’ordonnance, adopté en première lecture par le gouvernement ce 29 avril, vise à assouplir ce cadre légal. Celui-ci prévoit notamment de supprimer les deux conditions nécessaires à la mise en place des tests de situation et permettre à l’inspection régionale du logement d’engager des acteurs pour la réalisation de ceux-ci. “Les tests contre la discrimination vont devenir des tests proactifs, une première en Belgique“, se réjouit la secrétaire d’Etat. L’avant-projet vise également à étendre la liste des critères de discrimination et empêcher les fiches d’information “extrêmement intrusives” avant une simple visite.

Avec ces nouvelles mesures Unia, l’institution publique pour l’égalité des chances et la lutte contre le racisme, salue une volonté politique d’aller “dans le bon sens”. “Nous recevons tous les jours des signalements de Bruxellois concernant des problèmes de discrimination au logement“, rapporte Sébastien François du Service politique et société d’Unia. “La conjugaison des conditions pour les tests de situation rendait ce texte difficilement applicable dans la pratique. Ces nouvelles mesures vont pouvoir rendre ce dispositif efficace. C’est une véritable avancée.”

“Il est impossible de prévoir des visites pour tout le monde”

La “provocation” pour pouvoir effectuer de pareils tests reste cependant interdite. Et c’est le respect de cette disposition qui inquiète particulièrement les propriétaires bruxellois. “Avec l’appel à de nouveaux acteurs tels que des associations pour la réalisation des testings, la nuance entre provocation et non-provocation va être très ténue“, pointe Éric Mathay, président de la régionale bruxelloise du Syndicat National des Propriétaires et Copropriétaires (SNPC).

Celui-ci tient également à nuancer les accusations de discrimination sans les nier pour autant. “Sur le marché bruxellois, lorsque vous mettez une annonce, vous recevez une dizaine de demandes. Il est dès lors impossible de prévoir des visites pour chacun. Nous sommes obligés de faire un tri“, explique ce représentant des propriétaires bruxellois. Il craint que ce simple tri ne soit à présent considéré comme discriminant. “Ce n’est pas une question de discrimination mais de profils qui correspondent le mieux aux critères du bien loué“, ajoute-t-il.

Le problème persistant du manque de logements

Pour Éric Mathay, le vrai problème ne vient pas des propriétaires privés mais de la Région. Selon lui, il n’y a plus suffisamment de logements sociaux depuis plusieurs années à Bruxelles.

Un problème persistant également pointé par Unia. “Pour toutes les personnes qui recherchent un logement à des prix abordables, cela devient très compliqué“, relève Sébastien François. La concurrence exacerbée actuelle dans l’immobilier entraîne indirectement des discriminations.

À revoir | Versus : Le plan d’urgence logement en débat

Le Plan d’urgence logement 2020-2024 lancé par le gouvernement bruxellois doit normalement permettre de répondre en partie à cette demande “mais tout prend beaucoup de temps“, pointe-t-on tant du côté d’Unia que du SNPC.

“La discrimination au logement est punie par la loi”

Une campagne de communication va être lancée par la Région à partir de ce vendredi 7 mai. “L’objectif est à la fois de viser les locataires en les renseignant sur leurs droits mais également les propriétaires et bailleurs pour leur rappeler leurs devoirs“, explique Nawal Ben Hamou. “Le message que nous voulons faire passer est très clair : la discrimination au logement n’est pas une fatalité, elle est illégale et punie par la loi“, rappelle la secrétaire d’Etat au Logement.

Cette démarche, exclusivement digitale dans un premier temps, se traduira par une large diffusion sur les réseaux sociaux. Dans un deuxième temps, une campagne d’affichage sera organisée.

Toute personne, victime ou témoin, physique ou morale, peut introduire une plainte ou un signalement pour discrimination au logement auprès de la DIRL (Direction de l’Inspection régionale du Logement) via le site alouermais.brussels ou logement.brussels.

Victor de Thier – Photo : Cabinet de la Secrétaire d’Etat au Logement