La gratuité des repas scolaires pour tous impossible à digérer
Si Ixelles a décidé voici peu de temps de rendre gratuit les repas scolaires pour les élèves de maternelle et de primaire des écoles différenciées, le coût des repas varie énormément en fonction des communes. Des disparités que voudraient gommer la ministre de l’Enseignement obligatoire, Caroline Désir (PS) et le ministre de la Cohésion sociale, Frédéric Daerden (PS). Seulement, une telle mesure coûterait chère aux communes et à la Fédération.
C’est une volonté affichée. La Fédération Wallonie Bruxelles a déjà mis en place les kits de rentrée gratuits pour les deux premières années de maternelle et lancé un appel à projet concernant la gratuité de la soupe pour les maternelles de l’enseignement différencié. Plusieurs communes y ont déjà répondu mais étendre la mesure à tous semble trop coûteux pour la majorité des communes bruxelloises.
Dans l’ensemble, les repas scolaires sont fournis par deux prestataires: les Cuisines bruxelloises et la société TCO. Sodexo a perdu un grand nombre de contrats quand certaines communes sont devenues membre de l’intercommunale des Cuisines bruxelloises et qu’elles ont renégocié des contrats avec un cahier des charges comportant plus de bio ou de produits locaux et de saison. Mais au-delà de la qualité des produits, le coût aussi est très variable. De rien à 3,70 euros en maternelle. De 2,25 euros à 4,15 euros en primaire. A cela s’ajoute les frais de garderie qui sont très disparates. Certaines entités préfèrent un forfait mensuel pour le matin, le midi et le soir, d’autres proposent des tarifs dégressifs selon le nombre de garderies et d’enfants par famille mais globalement, pour le midi, le prix dépasse rarement les 60 centimes.
Lorsque l’on pose la question de la gratuité du repas, les réactions sont dans la grande majorité négatives. Impossible pour les communes d’affecter un budget pour ce poste. “Nous servons 4.366 repas par mois en maternelle et 9.923 en primaire, explique la responsable du service de l’Enseignement à la commune d’Etterbeek. Nous avons 2.125 élèves. Je n’ai jamais participé à une réunion évoquant la gratuité des repas.”
La gratuité a un coût
A Ixelles, pour le budget 2020, on a pourtant réussi à dégager les moyens budgétaires nécessaires pour offrir aux maternelles et primaire de l’enseignement différencié le repas du midi. L’enveloppe est de 80.000 euros. Comme il s’agit d’un appel à projet de la Fédération Wallonie Bruxelles, la commune recevra une aide pour les maternelles.
A la Ville de Bruxelles, 853 enfants de maternelles mangent également gratuitement. Quelque 3.764 repas ont été servis pour janvier 2020 alors qu’avant la gratuité, seuls 1.522 déjeuners étaient distribués. Cela représente 380.000 euros en provenance de la Fédération Wallonie Bruxelles.
A Anderlecht, on a aussi répondu à l’appel à projet de la Fédération pour les classes de maternelle, ce qui revient à 600.000 euros par an. “Nous avons aussi un tarif préférentiel pour les familles qui sont en difficulté, explique l’échevin de l’Enseignement, Fabrice Cumps (PS). Le repas revient alors à un euro. Nous avons contacté le libre pour leur proposer la même chose comme le Pacte scolaire l’oblige mais pour le moment, la mesure n’est pas d’application.”
Dans d’autres communes (Auderghem, Berchem, le Ville de Bruxelles, Saint-Josse, Schaerbeek), c’est le potage qui est offert aux enfants. A Auderghem, le budget est ainsi de 30.000 euros pour le bol de soupe de 10h.
“Nous avons mis la soupe gratuite pour la maternelle ce qui nous coûte 105.000 euros, ajoute l’échevin de l’Enseignement de Schaerbeek, Michel De Herde (DéFi). Evidemment, dans une optique de santé publique c’est intéressant puisque cela permet aux enfants de manger de manière équilibrée mais pour la gratuité totale, cela doit relever de la Fédération. Nous préférons mettre en place des mesures sociales. Par exemple, si la famille a des difficultés financières, nous intervenons pour la moitié. Si elle est sans papier, nous prenons tout en charge. Quant aux familles nombreuses, notre tarif est dégressif.”
Un choix politique
D’autres communes interviennent aussi dans le prix du repas chaud. A Forest, les parents ne paient que 50% du prix réel. Idem à Saint-Gilles. A Evere, on espère pouvoir introduire la gratuité à la fin de la législature mais cela imposerait de consacrer 430.000 euros par an. A Jette, on vise plutôt sur une tarification progressive. “La gratuité a un coût pour la collectivité, pointe Hervé Doyen (cdH), bourgmestre de Jette. Tout le monde devrait payer pour les enfants quelles que soient les ressources financières des parents. Cela ne me semble pas être un choix judicieux.”
Si dans les grandes communes, les budgets sont plus importants, dans les petites, la gratuité semble impossible. “Un enfant de maternelle nous coûte 1.700 euros, conclut l’échevine de l’Enseignement, Véronique Lefrancq (cdH). Nous sommes une des communes qui dépense le plus dans la Région bruxelloise. Cela n’est pas envisageable pour nous d’augmenter notre budget.”
Une volonté de la Fédération Wallonie Bruxelles
Afin de soulager les communes, la Fédération Wallonie Bruxelles a inscrit 5 millions d’euros au budget 2020 pour un appel à projet concernant les premières maternelles dans l’enseignement différencié. Il concerne la distribution de repas gratuits tous les jours de la semaine, le respect de certaines normes, l’organisation d’activités éducatives… Quelque 190 implantations ont été jugées recevables soit 9.921 enfants. Pour 2019-2020, 1 million de repas devraient être servis. Bruxelles représente 19% des établissements sélectionnés. Le but est d’atteindre un budget de 20 millions d’euros en fin de législature et d’étendre l’appel au primaire. “Nous sommes en période d’évaluation, conclut Xavier Gonzales, porte-parole du ministre de la Cohésion sociale, Frédéric Daerden. Nous écoutons le retour des directions pour voir comment améliorer le projet mais tout ceci s’inscrit dans la volonté de la Fédération Wallonie Bruxelles de rendre l’école réellement gratuite.”
Vanessa Lhuillier – Photo: Belga