La commission Egalité des chances et Droits des femmes est une assemblée de femmes
Ce mardi 21 janvier 2020 restera dans l’histoire de la Belgique, de la Région bruxelloise et du parlement bruxellois. Pour la première fois, une commission parlementaire est consacrée à l’égalité des chances et aux droits des femmes. D’un comité d’avis, les député.e.s ont réussi à faire accepter la création d’une commission. Droits des travailleuses et travailleurs du sexe, cyber-harcèlement, protection des victimes, engagement des personnes handicapées, telles furent les premières questions des parlementaires. Mais un débat a traversé toute la commission : la composition quasi exclusivement féminine de la commission.
Très logiquement, c’est la députée Ecolo, Margaux De Ré qui a obtenu la présidence de la commission. La vice-présidence est revenue à la socialiste Leila Agic. “C’est émouvant d’assister à la naissance, sans douleur, d’une commission”, plaisante Margaux De Ré dont l’émotion était perceptible lors de sa première prise de parole. “Cela nous prouve que l’égalité des chances prend une place à part entière et nous allons nous atteler à construire une région inclusive et exemplaire. Cette commission est la suite logique de #metoo. Les femmes doivent avoir un espace public sécurisé, des transports publics, des parcs et des infrastructures qui soient accueillantes pour elles. Nous espérons aussi susciter des vocations. Cette commission sera un lieu d’échanges où nous recevrons des experts et des associations.”
Pour la secrétaire d’État bruxelloise à l’Égalité des chances, Nawal Ben Hamou (PS), cette commission lui donne aussi un espace de parole supplémentaires même si bon nombre de sujets relèveront des portefeuilles de multiples ministres. Mais chaque question sera examinée ici sous l’angle genré.
Une question qui dérange
Avant chaque première prise de parole, chacun ou plutôt chacune, y va de son discours de remerciements tout en soulignant l’importance de la commission. Seulement, rapidement, une question revient sur toutes les lèvres : où sont les hommes ? Sur les 15 membres effectifs de la commission, 13 sont des femmes. Seuls le PTB et Ecolo ont mandaté des hommes. Et pour ce premier jour, il n’y a que le député vert John Pitseys qui est présent. Un fait qui interpelle Bianca Debaets (CD&V). Même si elle n’est pas membre de la commission, l’ancienne secrétaire d’État bruxelloise à l’Égalité des chances a pu venir poser une question orale sur les violences faites contre la communauté LGBT+. “Je regrette qu’il n’y ait pas plus d’hommes dans cette commission qui parle d’égalité.”
Immédiatement, les réactions fusent. “Peut-être que les femmes veulent s’investir !”, a répondu Marie Nagy (DéFi). Du côté de Groen, Lotte Stoops a expliqué comment elle s’était battue pour faire partie de cette commission car elle veut porter la parole et le vécu des femmes. Énervée, Bianca Debaets a presque claqué la porte pour se rendre dans une autre commission, à laquelle elle était attendue, suivie de près par la députée N-VA Cieltje Van Achter.
Pour Viviane Teitelbaum (MR), “les femmes sont la majorité de la population mais elles restent minoritaires en politique. C’est un mauvais débat que nous faisons. Il faut remarquer que dans les pays scandinaves, les avancées ont toujours été plus fortes avec des exécutifs plus féminins. Nous devons avancer plus vite. Laissons faire les femmes. C’est un signal que montre les femmes pour obtenir plus d’avancées.”
Chez les libéraux, les hommes n’ont pas osé se manifester pour faire partie de la commission. Il leur semblait visiblement plus logique de laisser des députées comme Viviane Teitelbaum et Clémentine Barzin y siéger.
Idem au parti socialiste. “Nous y tenions particulièrement”, explique Leila Agic. “Nous avons des suppléants qui sont des hommes et nos collègues masculins peuvent venir poser des questions quand ils le souhaitent mais je suis d’accord avec Mme Teitelbaum. Laissons la place aux femmes. Il faudra aussi faire attention à la portée de cette commission. Elle doit être considérée à égalité avec les autres. J’espère que les ministres ne balayeront pas nos travaux.”
Un député Ecolo
Chez Ecolo, on a choisi d’envoyer un duo mixte. “John Pitseys avait envie de s’investir dans cette thématique”, précise Rajae Maouane, co-présidente d’Ecolo, présente pour cette première historique. “Il est vrai que pour certains, il est important que des femmes s’emparent de cette commission. Chez Ecolo, nous avons aussi toujours mis en avant le côté égalitaire dans notre manière de fonctionner mais la présidence devait revenir à une femme.”
Le député John Pitseys a lui aussi salué la création de la commission. “C’est le signe que quelque chose change. Il faut dépatriarcaliser la politique. La domination est toujours toxique. Je crois par contre que le conflit est sain si on veut tout de même avancer ensemble. J’espère que d’autres députés viendront poser des questions.”
Des thématiques nombreuses
Cette première séance a donné le ton. Lutte contre le cyber-harcèlement, la mise en place d’un bracelet électronique d’éloignement, les discriminations envers les personnes intersexes, les violences commises auprès des travailleuses et travailleurs du sexe, le harcèlement à l’encontre des femmes policières, l’absence de personnes handicapées au sein des cabinets ministériels ont été les premiers thèmes abordés. Et comme dans toutes les commissions, les réponses étaient bien souvent trop vagues, expliquant que la réflexion était toujours en cours. Le plan de lutte contre les discriminations et pour la sécurité est d’ailleurs particulièrement attendu.
Dans cette commission, on débattra, parfois avec des arguments chiffrés comme le nombre de plaintes en matière de cyber-harcèlement, parfois avec sa propre expérience de femme élue qui reçoit des dizaines de menaces sur les réseaux sociaux et parfois avec cette rage qui fait gagner des combats et avancer la société vers plus d’égalité.
■ Dossier de Vanessa Lhuillier et reportage de Sabine Ringelheim, Nicolas Scheenaerts et Djope Medou