Audit au SIAMU : “Il faut changer la culture du travail en matière de racisme et de sexisme”
Après la lecture du rapport d’audit, le secrétaire d’État en charge du SIAMU Pascal Smet (one.brussels/Vooruit) insiste sur le fait que cette réforme va prendre du temps : “Il faut qu’il y ait plus de femmes au SIAMU, plus de diversité dans les engagements et surtout, que l’on tienne mieux compte des procédures disciplinaires”. Il précise qu’il ne faut pas mettre “tous les pompiers dans le même panier”.
Depuis plusieurs années, des plaintes et des faits de sexisme ou de racisme au sein du Service d’Incendie et d’Aide Médicale (SIAMU) bruxellois remontent auprès des différentes autorités compétentes. Sur le terrain, toutefois, rien ne change véritablement. Le secrétaire d’État Pascal Smet, en charge de ce dossier, avait donc commandé un audit voici quelques semaines. Les premiers résultats ont été communiqués mardi matin au Parlement bruxellois.
L’audit sur le SIAMU s’est consacré à quatre thématiques : diversité, discrimination, racisme et sexisme. Il n’ a fait que confirmer les informations qui remontaient du terrain depuis plusieurs mois. Pour Pascal Smet, secrétaire d’État à la Région de Bruxelles-Capitale, cet audit a objectivé la situation. “Je pense qu’il y a un problème que l’on n’a pas voulu voir dans le passé. A partir de ce rapport, on doit agir pour changer profondément la culture du travail au niveau du racisme et du sexisme. Il ne faut évidemment pas mettre tous les pompiers dans le même sac. Certains veulent que la situation change”, indique Pascal Smet.
Une réforme qui prendra du temps
Le secrétaire d’État ajoute que cette réforme va prendre du temps. Il est indispensable “qu’il y ait plus de femmes au SIAMU, plus de diversité dans les engagements et surtout que l’on tienne mieux compte des procédures disciplinaires”.
Pour lui, les soucis sont nombreux : “Des problèmes au niveau des promotions, des discriminations au niveau des sanctions disciplinaires, le manque de réactions des syndicats et de la direction à propos des faits de racisme et de sexisme. Certains semblent avoir pu agir en toute impunité“.
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Des dizaines de témoignages
Ce constat, Els Keytsman, directrice d’Unia, l’a déjà fait et l’a consigné dans un autre rapport : “En 2006, il y avait déjà eu un premier signalement. D’autres ont eu lieu en 2017, 2019… En une semaine, nous avons eu une dizaine de témoignages lorsque nous avons interpellé le terrain”.
Des propos qui vont dans le même sens que ceux de Johan Carton, Partner chez Moore Business Consulting, qui a mené l’audit : “Nous avons fait une analyse à propos de la diversité, du racisme, du sexisme et de la discrimination. Lorsque cette enquête se penche sur la composition du corps opérationnel, on ne trouve que 1% de femmes“.
Un autre chiffre interpelle : “Quand on leur demande leur opinion sur l’égalité des chances en matière de promotion, 40% des femmes et du personnel issus de l’immigration pensent que les promotions ne sont pas partagées de manière égalitaire. En outre, les femmes et le personnel issus de l’immigration n’ont pas le sentiment que la direction du Corps répond de manière déterminée et rapide aux plaintes”. Ils n’ont pas non plus l’impression que les plaintes pour sexisme émanant d’une femme sont traitées de la même manière qu’une plainte émanant d’un homme.
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Quelques constats éclairants
Voici 6 points à retenir dans les grandes lignes du rapport :
– Le taux d’échec des femmes au cours du processus de sélection reste sensiblement plus élevé que celui des hommes.
– Trop peu d’attention est accordée aujourd’hui à la neutralité et à l’inclusivité dans la communication interne et externe.
– Les droits des femmes enceintes et des jeunes parents sont insuffisamment pris en considération.
– Aujourd’hui, seulement la moitié du personnel sait comment signaler les incidents. Il y a surtout un manque de confiance dans le traitement des signalements.
– Certaines responsables n’enregistrent pas toutes les plaintes et suggèrent parfois de ne pas déposer de plaintes.
– 6 faits de sexismes et/ou de racisme en 2020.
Des solutions et recommandations
Comment dans un tel contexte permettre au SIAMU de redorer son image et de mener des changements structurels en profondeur ? Parmi les solutions, il est demandé de modifier l’organisation du SIAMU et d’imposer notamment une présence accrue de la direction sur le lieu de travail. Il est aussi demandé une révision des procédures disciplinaires et des directives internes visant à promouvoir l’uniformité de la politique en matière de poursuites.
Le rapport indique aussi qu’il faut mettre en place une équipe permanente d’enquêteurs disciplinaires chargée d’examiner les dossiers disciplinaires. Enfin, il paraît indispensable de mettre en place un réseau d’ambassadeurs de la diversité au sein de l’institution pour mettre fin à cette culture de l’impunité.
Dans un communiqué, la direction du SIAMU confirme qu’il souhaite faire de son service “une organisation moderne”, et confirme la poursuite d’une politique “tolérance zéro pour toute forme de discrimination, tant en interne que dans le cadre des contacts avec le public”. Il annonce le développement d’une “nouvelle culture d’organisation et de gestion dans laquelle la diversité et l’inclusion sont centrales”, et souhaite “croître la diversité sur le lieu de travail, notamment en ce qui concerne les femmes et les personnes d’origines étrangères”. “Nous espérons que nous pourrons recevoir l’appui et les ressources afin de pouvoir mettre en œuvre ce plan sans délai”, conclut la direction.
Une aide externe salutaire ?
Évidemment, les parlementaires ne vont pas en rester là : “La suite des travaux dans les prochaines semaines va se pencher sur les recommandations, la mise en pratique de ces recommandations et le suivi sur le terrain de leur application”, a conclu le Président de la commission de l’intérieur, Guy Vanhengel (Open VLD).
Les prochaines semaines s’annoncent donc chargées sur ce dossier. Pour Jamal Ikazban, député PS, les éléments de ce rapport sont accablants. “On ne peut pas nier qu’il y a un problème de sexisme et de racisme. Il faut surtout poser des actes et mettre de balises fermes pour que cela n’arrive plus. Je pense toutefois qu’il faut aller plus loin. Le SIAMU n’a-t-il pas besoin d’une intervention externe pour réussir sa transformation ? Beaucoup de pompiers ont peur de parler, aujourd’hui encore. Je ne crois pas qu’il est possible de voir de grands changements se produire sans une aide extérieure”.
Au moment de la rédaction finale des recommandations par les députés, ce qui est certain, c’est que plus personne ne pourra dire : “Je ne savais pas…”
V.Li. – Photo : Belga/Paul-Henri Verlooy