Procès des attentats de Bruxelles : tensions autour des interrogatoires, les proches des accusés témoignent

Procès Attentats 22 mars 2016 Bruxelles - Dessin Belga Jonathan De Cesare

Après une semaine de relâche, jury, avocats, accusés, ministère public et magistrats de la cour d’assises chargée de juger les attentats du 22 mars 2016 à Bruxelles ont repris le chemin du Justitia.

Ce lundi, place aux témoignages sur les préparatifs des attentats, avec notamment des témoignages pour tenter de remonter la filière d’approvisionnement des armes des djihadistes.

Le volet sur le trafic d’armes a débuté fin avril avec le témoignage d’un homme ayant acheté des chargeurs de kalachnikovs pour le compte des frères El Bakraoui en 2014 et 2015, ainsi que celui d’un quinquagénaire à qui le kamikaze Ibrahim El Bakraoui avait demandé, en vain, des kalachnikovs à sa sortie de prison.

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12h30 – Ali El Haddad Asufi n’a “jamais demandé” à son cousin néerlandais de lui procurer une arme

Selon l’accusation, l’accusé Ali El Haddad Asufi s’est rendu aux Pays-Bas fin 2015 afin d’y acheter des armes pour la cellule responsable des attaques à l’aéroport de Zaventem et dans le métro de Maelbeek. Dans cette optique, le Belgo-Marocain aurait chargé son cousin néerlandais, Anass A., de trouver des vendeurs de “Clio”, un mot-clef pour désigner des armes estime le parquet. En outre, un certificat médical faxé par l’accusé à son employeur en janvier 2016 avait par ailleurs été découvert lors d’une fouille dans la voiture d’Ali El Haddad Asufi. Au dos était griffonné  “Remington 1911 cal 45” et “CZ Zastava 7.65”, les références de deux types d’armes. La dernière renvoie au pistolet retrouvé à côté du cadavre de Najim Laachraoui, kamikaze à Zaventem, relève l’acte d’accusation.

“Votre cousin vous a-t-il demandé de chercher ou de vous procurer deux armes de poing ?”, a interrogé la présidente de la cour, Laurence Massart. “Ça ne s’est jamais passé et il ne me demanderait jamais une chose pareille”, a répondu Anass A., qui a décrit un cousin attentionné, prenant “toujours soin de (lui)”, plus jeune de cinq ans.

Poursuivi aux Pays-Bas pour son rôle présumé d’intermédiaire entre des vendeurs d’armes et les frères El Bakraoui, Anass A. a été acquitté en février dernier. “Un des trois juges a dit lui-même que ‘Clio’ était utilisé pour (se référer à) des drogues !”, a tenu à ajouter le témoin.

L’homme, qui travaillait auparavant avec des détenus, s’est dit “détruit mentalement” par ses quatre mois de détention. “Je souffre de stress post-traumatique”, a ponctué celui qui œuvre désormais comme technicien auprès d’un fournisseur de gaz et électricité. “Ça a totalement changé ma vie. Du jour au lendemain, j’ai été chopé par la police. Cela a pris cinq ans pour que la vérité émerge”, a-t-il souligné, au bord des larmes. “Si je peux être franc, le fait que mon cousin soit depuis sept ans en prison, c’est absurde également”, a-t-il conclu.


12h55 – Seul un témoin présent sur les quatre appelés ce lundi matin

Sur les quatre témoins attendus lundi matin devant la cour d’assises de Bruxelles, seul un était présent. Pour la défense, l’envoi des citations à comparaître pose problème et, à la suspension de la mi-journée, la présidente de la cour reconnaissait ne pas avoir reçu de retour pour deux des témoins appelés.

Seul Anass A., le cousin de l’accusé Ali El Haddad Asufi, s’est présenté devant la cour. Deux autres témoins néerlandais étaient attendus, un père et son fils, mais étaient absents.

Selon les informations recueillies par la présidente auprès du greffe, les citations ont bien été livrées le 4 mai, mais la cour ne dispose pour l’instant d’aucune preuve officielle de leur réception. Selon Me De Taye, il se pourrait notamment que l’adresse utilisée soit datée et donc invalide.

Le cousin de Salah Abdeslam, Abid Aberkane, condamné à trois ans de prison avec sursis l’an dernier pour avoir logé l’accusé entre la fusillade de la rue du Dries et son arrestation, était aussi censé livrer son témoignage en matinée. Il était également absent. Ici, les services du parquet ont confirmé que la citation à comparaître avait bien été réceptionnée par l’épouse du témoin, qui habite au même endroit.

Les procureurs estimant son audition nécessaire, ils ont évoqué la possibilité que soit décerné un mandat d’amener pour le faire venir devant la cour. “Humainement, je pense que ça pourrait être une bonne chose d’éviter un mandat d’amener”, s’est opposée Me Taelman, qui avait défendu M. Aberkane précédemment. La pénaliste s’est donc engagée à confier les coordonnées du témoin au greffe afin qu’il soit contacté dans les plus brefs délais.


16h30 – La défense reproche au parquet de faire le procès du petit-cousin de Salah Abdeslam

Abid Aberkane, petit-cousin de Salah Abdeslam qui a été condamné l’an dernier à trois ans de prison avec sursis pour avoir hébergé celui-ci quelques jours avant son arrestation, a finalement témoigné lundi après-midi. Pour seul commentaire, la procureure fédérale a demandé au jury de se souvenir que le témoin n’était pas n’importe qui, qu’il savait que Mohamed Abrini était allé en Syrie et qu’il était au courant que les accusés Sofien Ayari et Salah Abdeslam étaient recherchés lorsqu’il les a accueillis.

Un bref commentaire qui a, une nouvelle fois, fait réagir la défense. “On a l’impression d’assister au procès de M. Aberkane”, s’est désolée l’avocate de Salah Abdeslam, Me Paci. Ce commentaire “est révélateur”, a poursuivi son confrère Me Bouchat. “Ce commentaire ne porte pas sur les faits reprochés à Salah Abdeslam, dont c’est le procès, mais uniquement sur la personnalité de M. Aberkane.”

“Vous aurez compris que M. Aberkane est un témoin important pour le parquet, et qu’il n’a rien dit pour Hervé, parce qu’il ne le connait pas”, a pointé le conseil de l’accusé, Me Lurquin, sous les sourires de l’audience.

Plus tôt, le témoin était brièvement revenu sur les quelques jours, entre le 15 et le 18 mars 2016, lors desquels Salah Abdeslam et Sofien Ayari avaient été hébergés dans la cave du domicile de sa mère, à Molenbeek. Il a affirmé avoir reçu un appel de son petit-cousin, se faisant passer pour un autre membre de la famille afin de le rencontrer chez lui. Il a alors découvert devant sa porte Salah Abdeslam, paniqué, accompagné d’un homme qu’il ne connaissait pas et le premier lui a demandé de l’aide. “Je l’ai aidé dans un contexte familial, pas dans un contexte terroriste”, a rappelé M. Aberkane. “Il ne savait pas où était Mohamed Abrini”, également du quartier et en cavale depuis les attentats de Paris, a-t-il déclaré. Abid Aberkane a alors conduit les deux hommes au domicile de sa mère.


17h17 – Hervé Bayingana Muhirwa n’a “jamais eu de sympathie pour l’EI”, selon son cousin

Hervé Bayingana Muhirwa ne nourrissait aucune sympathie ni admiration pour le groupe terroriste État islamique, a témoigné le cousin de l’accusé.  Converti à l’islam – comme son cousin Hervé – vers l’âge de 19 ans, le témoin a souligné que c’était la recherche de spiritualité et non un événement particulier qui avait poussé son aîné à embrasser cette religion. De tradition chrétienne, la famille a certes posé quelques questions sur cette transition, mais toujours empreintes de tolérance. “Vous vous êtes converti avec lui ?”, a demandé la présidente de la cour. “Non, il s’est converti le premier. C’est un cheminement personnel de sa part qui a abouti à l’islam.”

La présidente lui a alors demandé s’il fallait “faire ses preuves” face aux musulmans de naissance. “Non, je n’ai pas du tout ressenti ça”, a-t-il répondu. “Et Hervé ?”, a-t-elle poursuivi. “Je n’en ai pas la connaissance.”

Si, en devenant musulman, Hervé Bayingana Muhirwa a pris le nom d’Abdelkarim, son cousin ne lui connait pas d’autre appellation. “Amine, ça ne vous dit rien ?”, a soulevé Laurence Massart, en référence à un prénom cité dans plusieurs messages audios des terroristes. “Non”, a répondu calmement le témoin.

Alors que les deux hommes étaient voisins au moment des faits, il a affirmé n’avoir jamais vu personne chez son cousin. “Vous n’avez jamais rencontré (les co-accusés, NDLR) Osama Krayem, Mohamed Abrini ou Najim Laachraoui ?”, l’un des deux kamikazes de l’aéroport, s’est enquise la présidente. L’homme a une nouvelle fois répondu par la négative.

Comment expliquer que le Belgo-Rwandais ait logé des terroristes ? “Connaissant Hervé, il les a hébergés pour leur rendre service, sans savoir sans doute qu’ils préparaient un attentat.”

Hervé Bayingana Muhirwa - Procès Attentats de Bruxelles 22 mars 2016 - Belga Pool Didier Lebrun
Hervé Bayingana Muhirwa – Photo : Belga/Pool Didier Lebrun

18h00 – Comment les travailleurs de Bruxelles Propreté ont retrouvé le PC de la rue Max Roos

Trois travailleurs de Bruxelles-Propreté, qui ont découvert deux ordinateurs, un GSM et une tablette dans la rue Max Roos le matin des attentats du 22 mars 2016, devaient venir témoigner ce lundi. Deux sont venus brièvement résumer les faits à l’audience.

“Il y avait un sac poubelle rien qu’avec les PC”, a rapporté l’un d’eux. Pour une raison indéterminée, l’un des ordinateurs a été jeté à la benne tandis que l’autre a été amené dans la cabine du camion. Un GSM, dont les pièces étaient dispersées, et une tablette ont également été trouvés.

Plus tard au cours de sa ronde, l’équipe est repassée par la rue Max Roos, qui avait entre-temps été fermée par la police. “J’ai trouvé ça bizarre, on a ouvert l’ordinateur et il y avait des trucs pas bien dedans”, a poursuivi son collègue, qui comprend l’arabe. “La page d’accueil, elle renvoyait vers un prêche, pas particulier, mais avec les infos qu’on avait entendues sur les attentats, j’ai fait le lien.” Selon les deux témoins, il n’y avait aucune tentative de masquer ce que contenaient les sacs poubelles.

Dans une audition, le témoin absent lundi confirmait le déroulé de ses collègues, ajoutant qu’ils avaient donné le PC gardé à la première patrouille de police qu’ils ont croisée. La tablette sera rendue plus tard, après avoir été réinitialisée par l’un des travailleurs. Il n’aurait cependant rien trouvé d’anormal lors de son ouverture. Le GSM ne contenait, selon le collaborateur qui l’a allumé, rien de spécial si ce n’est le message “Hamza ?”.

Le PC retrouvé sera par contre crucial pour l’avancée de l’enquête. Photos, lettres, documents de propagande, fichiers audio et vidéo, l’appareil regorgeait d’une mine d’informations permettant de contextualiser l’emploi du temps et les motivations des terroristes.

Avec Belga – Dessin : Belga/Jonathan De Cesare