Procès des attentats de Bruxelles : les experts de l’ADN et de l’analyse toxicologique dévoilent leurs conclusions

Président Cour d'assises Laurence Massart - Procès des attentats de Bruxelles 22 mars 2016 - Belga Janne Van Woensel Kooy

Après deux semaines intenses consacrées à l’interrogatoire des accusés, ce sont les experts de l’ADN qui ont été interrogés ce lundi, pour commencer une nouvelle semaine dans ce procès des attentats du 22 mars 2016.

Plusieurs experts en ADN, issus d’universités ou de l’Institut national de criminalistique et de criminologie (INCC), ont exposéce lundi la méthode pour prélever et analyser des échantillons d’ADN sur des scènes de crime. Ils doivent éégalement présenter les résultats des analyses effectuées pour identifier les auteurs et co-auteurs des attaques de Zaventem et Maelbeek.

La cour a également entendu un expert en toxicologie, le professeur Jan Tytgat de l’université de Louvain.

Portrait des accusés et des victimes, ligne du temps de l’enquête… : toutes les infos sur les attentats du 22 mars 2016 à Zaventem et Maelbeek


10h25 – Trois accusés absents

Nombre de sièges de la salle d’audience étaient inoccupés lundi matin, marquant un grand écart avec les deux dernières semaines où le public s’était déplacé en masse pour le témoignage des accusés.

Outre Oussama Atar, qui est jugé par défaut, trois accusés manquaient d’ailleurs à l’appel. Salah Abdeslam a déposé un certificat médical, alors que Osama Krayem a, comme à son habitude, demandé à être reconduit en cellule en début d’audience. La chaise d’Ibrahim Farisi, qui comparait libre, est également restée vide.

Voir notre reportage | Procès des attentats : l’interrogatoire des accusés se termine, les parties font un premier bilan


11h45 – Des premières explications sur l’ADN

Des professeurs d’université spécialisés, accompagnés d’experts de l’Institut national de criminalistique et de criminologie (INCC) sont venus donner au jury des explications sur ce qu’est exactement l’ADN, la manière dont il est analysé et comment sont présentés les résultats.

Ils ont notamment expliqué les limites de ces analyses ADN dont la qualité dépend de l’échantillon récupéré. Ainsi, les traces visibles telles que le sang, le sperme ou la salive contiennent plus d’ADN et sont donc plus facilement analysables que les cellules cutanées ou les cheveux, par exemple.

De surcroit, il existe des bons et des mauvais donneurs d’ADN, soit des gens qui déposent plus ou moins de traces. Les variables environnementales, comme l’humidité notamment, ont un impact sur la vitesse de dégradation des résidus d’ADN.

Les profils mixtes (ADN de plusieurs personnes mélangés) génèrent également plusieurs limites. Il est par exemple très compliqué d’analyser des échantillons mixtes de plus de trois individus, en raison de la probabilité de trouver des correspondances “par chance”. Un calcul de probabilité doit d’ailleurs accompagner chaque résultat afin d’évaluer le risque de retrouver l’ADN de quelqu’un n’ayant aucun rapport avec le profil analysé.

Les experts ont d’ailleurs mentionné le fait qu’il leur avait été demandé de travailler dans l’urgence dans ce dossier et que, ce faisant, ils avaient rendu des rapports intermédiaires faisant fi des calculs statistiques. L’absence de ceux-ci a notamment poussé les enquêteurs à confronter Bilal El Makhoukhi à certaines traces ADN dont il a nié être l’auteur. Ce n’est que grâce aux rapports finaux de l’INCC, qui incluaient lesdits calculs, que l’accusé a définitivement pu être dissocié de certaines de ces traces.


15h03 – Le coton-tige et l’ADN de Hervé Bayingana Muhirwa

Les experts ADN ont jugé “peu probable” que l’ADN de Hervé Bayingana Muhirwa prélevé sur un coton-tige découvert dans l’appartement de la rue Max Roos à Schaerbeek se soit retrouvé là par transfert via des écouteurs. “On ne peut toutefois pas l’exclure”, ont-ils précisé.

Le coton-tige en question, où se trouvait un ADN mélangé de Hervé Bayingana Muhirwa et de Mohamed Abrini, est la seule trace du premier retrouvée dans l’appartement où a été fabriqué l’explosif utilisé dans la fabrication des bombes. Hervé Bayingana Muhirwa a toujours nié avoir eu connaissance de l’existence de cet endroit et assure n’y avoir jamais mis les pieds.

Interrogé sur la découverte des enquêteurs, l’homme avait émis l’hypothèse d’un transfert d’ADN depuis son appartement rue du Tivoli à Laeken, via des écouteurs prêtés à Mohamed Abrini. “Lorsqu’il est parti de chez moi, il m’a demandé s’il pouvait emporter une paire d’écouteurs, j’ai accepté. Ces écouteurs je les avais déjà utilisés donc peut-être que mon ADN s’est retrouvé dans ses oreilles avec ça”, a avancé Hervé Bayingana Muhirwa.

Mohamed Abrini aurait donc transféré l’ADN de son co-accusé sur le coton-tige en se curant les oreilles. “C’est très peu probable, mais on ne peut pas l’exclure”, ont répondu les experts. “Il y a eu un exemple similaire aux États-Unis donc ce genre de chose n’est pas impossible. Néanmoins, dans ce cas-ci, la probabilité (que ce soit bien l’ADN de Hervé Bayingana Muhirwa, NDLR) est évaluée comme très forte, ce qui veut dire que tous les allèles ont pu être analysés, or dans le cas d’un transfert secondaire, on ne dispose en général pas de tous les allèles.”


15h25 – Le terroriste du Thalys Ayoub El-Khazzani ne témoignera pas

L’audition en tant que témoin d’Ayoub El-Khazzani, condamné en France pour l’attentat raté dans un Thalys en 2015, devant la cour d’assises de Bruxelles n’aura finalement pas lieu mercredi. Les autorités judiciaires françaises ont fait savoir lundi après-midi que l’homme refusait d’être transféré en Belgique pour témoigner devant la cour. Il en est de même pour trois autres hommes écroués en France : Bilal Chatra, Muhammad Usman et Adel Haddadi.

L’audition de Yassine Atar et Mohamed Bakkali, condamnés pour les attentats du 13 novembre à Paris mais écroués en Belgique, aura lieu comme prévu.


19h18 – La présence de TATP révélée grâce aux analyses toxicologiques des kamikazes de Zaventem

Les corps d’Ibrahim El Bakraoui et de Najim Laachraoui, qui se sont fait exploser le 22 mars 2016 à l’aéroport de Zaventem, contenaient des traces de TATP, a révélé le toxicologue Jan Tytgat.

Après les attentats, des analyses toxicologiques ont été effectuées sur des échantillons des corps des frères El Bakraoui et de Najim Laachraoui. Aucun d’entre eux ne contenait de substances alcooliques ou stupéfiantes, mais les corps d’Ibrahim el Bakraoui et de Najim Laachraoui contenaient, dans le cerveau, le sang et les poumons, des traces de produits chimiques indiquant qu’ils avaient inhalé du TATP, l’explosif très volatil fabriqué par la cellule bruxelloise pour confectionner ses bombes, avant leur mort. Le corps de Khalid El Bakraoui en était, lui, totalement exempt.

Le toxicologue a également expliqué qu’aucune étude scientifique n’existait concernant les effets de l’inhalation de TATP sur l’organisme, mais qu’il pouvait probablement causer “une forme d’amortissement”. Il a également affirmé que quelqu’un qui visitait un appartement ou était fabriqué ce produit en grande quantité pourrait en avoir des traces dans son organisme. Il a aussi estimé à une dizaine d’heures le temps d’évacuation des produits par le corps suite à une brève exposition.


Avec Belga – Photo de couverture : Belga/Janne Van Woensel Kooy