Réouverture des lieux de culte : tous ne reprendront pas au même rythme
Après l’accord conclu ce mercredi entre les représentants des différents cultes et le ministre de la Justice Vincent Van Quickenborne (Open VLD), les églises, mosquées et synagogues prennent acte et s’organisent. La règle reste stricte. Le culte peut reprendre, à condition de ne pas rassembler plus de 15 personnes dans un même lieu, et que chacune d’elles dispose de 10 mètres carrés. Ce qui limite les possibilités.
“Les messes vont reprendre dès que possible en respectant la jauge des 15 personnes autorisées”, précise Tommy Scholtes, porte-parole francophone de la conférence épiscopale. “15 personnes représentatives de la communauté, selon les paroisses.” Un choix cornélien mais malheureusement indispensable. “La décision a été prise par tous les chefs de culte”, ajoute Tommy Scholtes, “les chiffres sont mauvais, il aurait été déraisonnable d’encourager des rassemblements plus importants.” Même s’il le reconnaît, il y a des frustrations et des déceptions. Mais c’est aussi, pour l’Église, l’occasion de marquer sa solidarité envers ceux qui souffrent. Avec la souffrance sociale et économique aussi.
L’Église va donc devoir continuer à se réinventer à l’approche de Noël. Avec des célébrations différentes. “Les églises seront ouvertes pour permettre à ceux qui le désirent de venir voir la crèche et d’avoir un temps de prière personnel. Les prêtres seront invités à être présents pour accueillir les fidèles”, explique Tommy Scholtes. “Une bonne idée”, estime le Père Cédric Claessens de l’église Notre Dame de l’Annonciation, place Brugmann à Ixelles. Même si l’on sent, chez lui, une grande frustration face aux nombreux pratiquants dans sa paroisse. “En temps normal, nous accueillons, chaque dimanche, 1 200 paroissiens. 2 000 à Noël. C’est évidemment plus simple pour les paroisses qui rassemblent 30 ou 40 fidèles. Nous allons donc continuer à célébrer nos messes en streaming. Y compris les messes de Noël.” Le prêtre a déjà souligné, dans une lettre ouverte qui a recueilli 13 000 signatures, l’incohérence de la réouverture des magasins non-essentiels, alors que les lieux de cultes restent fermés. “On n’est ni essentiel, ni non-essentiel”, conclut-il, “on a l’impression qu’on n’est rien !”
“La prière du vendredi limitée à 15 personnes, c’est impossible”
La fédération des mosquées de Bruxelles ne s’est pas encore réunie officiellement pour prendre une décision, mais la jauge de 15 personnes maximum semble très difficile à respecter pour les musulmans. “Les personnes avec qui j’ai déjà eu un contact semblent toutes du même avis, la prière du vendredi limitée à 15 personnes, c’est impossible”, explique Mohamed Karroum, responsable de la Fédération des mosquées de Bruxelles. “À la mosquée de Laeken, dont je suis responsable, c’est définitif, nous ne reprendrons pas la prière pour l’instant. Nous préférons attendre que cela se débloque lors d’un prochain comité de concertation.”
Même position du côté de l’association des mosquées schaerbeekoises. “Pour nous, pas de changement. On ne peut pas ouvrir pour 15 personnes. Qui va-t-on laisser entrer ? On va s’attirer des ennuis”, nous dit Mohamed Allaf, président des mosquées de Schaerbeek. “La prière du vendredi rassemble plusieurs centaines de personnes. Nos prières sont des prières collectives. Si on prie seul, on prie chez soi.” Là aussi, la sécurité sanitaire et la santé avant tout. “C’est primordial”, ajoute-t-il.
“Même pendant la guerre, la synagogue n’a pas fermé”
“Dans la tradition juive, il y a deux règles fondamentales : la loi de l’État est la loi et la vie transcende tous les principes religieux”, explique Albert Guigui, Grand Rabbin à la Grande Synagogue de Bruxelles. “En cette période de crise sanitaire, il faut se protéger mais aussi protéger les autres. C’est une double responsabilité.” À laGrande Synagogue, les offices quotidiens, les offices de Shabbat et une partie de la fête de Hanouka seront célébrés. Un système de réservation par téléphone va être mis sur pied. “Lorsque nous aurons atteint les 15 personnes, nous arrêterons. Et nous ferons une sorte de roulement pour permettre à tout le monde de se rendre à la synagogue.” Pour le Grand Rabbin, cette décision est un soulagement. C’est très dur de ne pas pouvoir exercer son culte. “Même pendant la guerre, la synagogue n’a pas fermé.” Bien sûr, toutes les synagogues ne sont pas logées à la même enseigne. Celles qui ne permettent pas de réserver 10 mètres carrés par personne devront rester fermées.
Cette proposition d’assouplissement des règles pour les lieux de culte devait encore être discutée ce jeudi. Elle sera soumise à l’approbation du comité de concertation vendredi, avec une mise à jour du décret ministériel samedi.
Valérie Leclercq – Photo : Belga/Thierry Roge