Pour ou contre la cour d’assises : qu’en pensent les victimes des attentats du 22 mars ?
Alors que la chambre du conseil doit décider d’ici le 18 décembre qui parmi les inculpés des attentats du 22 mars 2016 doit être renvoyé devant la cour d’assises, un tribunal correctionnel ou bénéficier d’un non-lieu, la question de la pertinence d’une cour d’assises dans ce contexte est à nouveau posée.
En principe, les auteurs d’attentats doivent être jugés devant la cour d’assises. Le procureur fédéral Frédéric Van Leeuw plaide depuis plusieurs mois, avec le collège des procureurs généraux, pour la suppression pure et simple de la cour d’assises. Même s’il reviendra au monde politique de trancher la question, le magistrat insiste et développe ses arguments dans une tribune publiée ce lundi matin dans Le Soir et De Standaard. Par ailleurs, la N-VA a déposé une proposition de révision de la Constitution afin de soustraire les crimes terroristes à la cour d’assises.
Et les victimes des attentats, qu’en pensent-elles ? Nous avons sondé deux associations et deux avocats.
Un débat nécessaire
V-Europe, qui représente 198 victimes directes ou proches de victimes, se dit favorable à la suppression du jury populaire. Les membres ont été consultés, assurent les représentants de l’association et « et il est apparu qu’un procès en cours d’assise suscitait peurs et inquiétudes du côté des victimes », explique Aristide Mélissas, administrateur de l’association. C’est la lourdeur et la longueur de la procédure qui effraient. « Notre demande est de rendre le procès le plus humain possible. On parle d’un processus d’une durée de neuf mois, c’est insupportable pour les victimes. »
Pour Me Dimitri de Béco, avocat de deux victimes des attentats, ce procès est précisément l’occasion de mener une réflexion pour, non pas la suppression, mais une réforme « nécessaire » de la cour d’assises : « Je suis viscéralement attaché au jury populaire et à l’oralité des débats mais il y a des aspects à revoir », par exemple en ce qui concerne la longueur des débats, souvent disproportionnée. L’avocat, qui s’exprime en tant que praticien et non au nom de ses clients, évoque un système proche de celui en vigueur en France avec une proportion différente entre jury populaire et magistrats professionnels. Pour Me de Béco, il est encore possible techniquement, avant que la chambre des mises en accusation ne soit saisie du dossier, de voter une loi en ce sens, mais attention à ne pas se précipiter, prévient-il : à vouloir aller trop vite, on risquerait de mal faire les choses comme cela s’est souvent produit.
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Le moment est mal choisi
Pour Life4Brussels, et ses plus de 500 membres, « le débat ne se réduit pas à la question de savoir si on est pour ou contre la cour d’assises ». Le problème, dénonce la présidente de l’association Jamila Adda, c’est que la proposition de modification de la constitution déposée par la N-VA pour supprimer la cour d’assises n’est pas assortie d’une proposition de loi de procédure. « Autrement dit, on ne sait pas par quelle juridiction elle sera remplacée ». « On nous demande donc d’accepter un procès-test en quelques sortes. Quelle garantie avons-nous que, dans cette configuration nouvelle, les droits des victimes, l’oralité des débats seront respectés ? Les victimes, qui vivent un calvaire depuis 2016, doivent-elles être des cobayes ?» Et de se demander pourquoi ce débat intervient aujourd’hui, à quelques encablures de l’échéance, alors que cela fait près de cinq ans que les attentats ont eu lieu.
L’avocat Georges-Henri Beauthier défend trois victimes des attentats. « À l’approche du procès, les victimes revivent tout. J’ai pu m’entretenir avec deux de mes clients. Ils estiment qu’on ne change pas les règles au milieu d’un procès. » Le débat sur la cour d’assises est important, juge l’avocat, « mais qu’il n’ait pas lieu la veille du procès ! On sait depuis longtemps que ce processus sera difficile, pourquoi venir avec ce débat aujourd’hui ! » La longueur et la lourdeur du procès ? C’est inévitable, répond-il, avec ou sans cour d’assises. Par ailleurs, conclut-il, c’est au parlement de se prononcer sur cette question, pas au parquet fédéral.
Au niveau politique, la commission de la Constitution du parlement se réunit ce mardi pour se prononcer sur la proposition de révision de la constitution déposée par la N-VA.
S. R. – Photo : Belga