Procès du Musée juif : Mehdi Nemmouche indique qu’il se tait pour protéger quelqu’un
A la question de savoir s’il gardait le silence pour protéger quelqu’un, Mehdi Nemmouche a répondu par l’affirmative, devant la cour d’assises de Bruxelles.
La présidente de la cour a demandé à Mehdi Nemmouche s’il se taisait pour protéger quelqu’un, à la suite de plusieurs questions posées par les parties concernant l’usage du droit au silence des personnes radicalisées.
La présidente de la cour Laurence Massart a demandé à Mehdi Nemmouche s’il se taisait pour protéger quelqu’un “qui doit s’éteindre”, à la suite de plusieurs questions posées par les parties concernant l’usage du droit au silence des personnes radicalisées.
La semaine passée, lors de la diffusion devant la cour des premières auditions du principal accusé, son avocat, Me Courtoy, avait déjà insinué que son client se taisait pour protéger sa grand-mère. “Est-ce que c’est vrai monsieur Nemmouche?“, lui a demandé la présidente. “Est-ce c’est votre grand-mère que vous protégez?” “Vous aurez une réponse à cette question ultérieurement“, a répondu mercredi l’intéressé, selon l’expression qu’il utilise depuis le début du procès.
“Avez-vous peur pour vous? “, lui a demandé la présidente quelques minutes plus tard. A nouveau, Mehdi Nemmouche n’a pas varié dans sa réponse. “Et pourquoi voulez-vous absolument apporter vos réponses à la fin plutôt que maintenant? “, a encore interrogé Laurence Massart. “Cette réponse aussi, vous l’aurez plus tard“, a rétorqué l’accusé.
“Tout est dans le dossier, je vous assure“, a encore dit Me Courtoy, qui promet des réponses lors de sa plaidoirie.
Ne pas répondre aux questions montre un manque d’empathie, selon un expert
“On retrouve dans les personnes qui sont parties [en Syrie] ou qui ont commis des attentats des structures de personnalité telles que antisociale, narcissique et ‘borderline’, peu accessibles aux soins ou à la sanction, car la sanction doit avoir un sens. Or, si pour elles, le seul système possible est la charia, la sanction n’a plus de sens dans la mesure où elle vise une réinsertion sociale. Cette personne n’a alors pas de raison de changer“, a expliqué Serge Garcet, psychologue expert en radicalisation.
Ce dernier a ajouté voir “plus de personnes dans le déni que le contraire“. Selon lui, le fait de ne pas parler est aussi en lien avec la relation interpersonnelle d’un individu, autrement dit le refus ou la crainte de “divulguer des choses par rapport à sa propre personne“.
Se taire signifie “le contrôle de ses émotions. Nous sommes dans une hypothèse de mode de fonctionnement psychopathique dont la caractéristique est la morale autonome, individuelle et personnelle“, a-t-il exposé. La personne “définit le bien et le mal en fonction de ses attentes et non selon les normes de la société“.
Ne pas répondre aux questions montre un manque d’empathie, “soit la capacité de se mettre à la place de l’autre car l’autre n’existe même pas vu qu’on ne lui répond pas“, a-t-il poursuivi. A une question de la défense de M. Nemmouche, il a par ailleurs répondu que garder le silence par peur de représailles était également une hypothèse “plausible”.
Mehdi Nemmouche a quitté la Syrie avec son passeport
Si Mehdi Nemmouche était parvenu à quitter la Syrie avec son passeport, c’est parce qu’il allait “travailler” pour l’EI en dehors de ce pays. C’est ce qu’a soutenu mercredi après-midi, devant la cour d’assises de Bruxelles, Maxime Nardone, l’avocat du Musée juif de Belgique, théâtre de l’attentat du 24 mai 2014.
“Je voudrais revenir sur le départ des jeunes Belges vers la Syrie“, a exposé l’avocat en commentaires, à l’issue des témoignages des experts en radicalisation. “Je peux en parler parce que cela ressort de plusieurs jugements définitifs rendus par la justice bruxelloise. Lorsque ces jeunes voulaient se rendre en Syrie, le schéma classique consistait à se rendre Turquie, puis à la frontière turco-syrienne. Ils attendaient la nuit puis contactaient des passeurs qui les aidaient à trouver le chemin pour passer la frontière”, a relaté le conseil du Musée juif de Belgique.
“Lorsque vous êtes ensuite ‘accueillis’ par l’EI en Syrie, ce n’est pas avec un cocktail et des pantoufles. On prend votre passeport et on vous emmène dans les fameuses villas en fonction des différentes nationalités, puis vers les camps d’entraînement. Beaucoup de jeunes se sont alors rendus compte que ça ne correspondait pas à leurs attentes, mais il n’était pas facile de partir. Sans papiers et sans argent, ils n’avaient d’autres choix que de repasser la frontière turco-syrienne clandestinement, se rendre à l’ambassade belge à Istanbul et dire avoir perdu leurs papiers. On leur refaisait alors des papiers et ils revenaient en Belgique“, a poursuivi le pénaliste. “Ou alors on vous rendait vos papiers, mais pas à n’importe quel prix. On vous les rend parce que vous allez ‘travailler’.
“Vérifiez le passeport de Mehdi Nemmouche et voyez s’il est tout neuf ou s’il date de plusieurs années. Soyez attentifs à ça“, s’est-il adressé aux jurés.
- Un duplex de Camille Tang Quynh et Camille Dequeker.
Source/Image: Belga