Un site dédié aux compositrices pour découvrir le “matrimoine musical”

De Francesca Caccini au 17e siècle à Camille Pépin au 21e: une plateforme numérique répertorie les oeuvres de plus de 700 compositrices pour faire découvrir des artistes longtemps éclipsées. Baptisée “Demandez à Clara”, en référence à Clara Schumann – brillante pianiste, compositrice et épouse du, lui célèbre, compositeur Robert Schumann – cette base de données gratuite a été lancée en juin par une équipe dirigée par Claire Bodin, directrice du festival “Présences féminines” consacré aux compositrices du passé et du présent.

“Depuis notre tendre enfance, on n’entend pas de musique de compositrices, ou si rarement qu’on n’en garde pas la mémoire”, souligne Mme Bodin. “À nous musiciens et musiciennes, aucun ‘matrimoine’ n’a été transmis ; on a été biberonné à l’idée du génie du grand compositeur, toujours un homme, sans jamais s’interroger sur le répertoire des compositrices”.

Cet outil, financé par la Société des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique (Sacem), a répertorié pas moins de 4.662 oeuvres de 770 compositrices de 60 nationalités, de 1618 à 2020.

Le site (www.presencecompositrices.com) prévoit d’ajouter 4.000 oeuvres supplémentaires à l’automne, dont celles de Hildegarde de Bingen (1098-1179), sainte de l’Église catholique et l’une des premières compositrices connues.

La recherche se fait par nom, titre, instrument, pays ou époque. Parmi les plus anciennes compositrices répertoriées, les Italiennes Francesca Caccini – qui serait la première femme à avoir composé un opéra -, Isabella Leonarda et Barbara Strozzi, l’une des premières compositrices professionnelles, ou encore la Française Élisabeth Jacquet de la Guerre. La plateforme compte en outre beaucoup de compositrices issues de pays anglo-saxons, “beaucoup plus avancés dans ce domaine”, précise Claire Bodin.

Ce travail de recherche de longue haleine a commencé dès 2006. L’objectif est d’enrichir le répertoire, explique Mme Bodin. “Il ne faut pas simplement les programmer parce que ce sont des femmes et pour se donner bonne conscience, mais parce qu’il y a un réel intérêt artistique”. La non-programmation des compositrices reste en effet un frein majeur à la diffusion de leurs oeuvres.

Depuis une dizaine d’années, la claveciniste donne régulièrement des conférences sur le sujet et rares parmi le public sont ceux qui peuvent donner des noms au-delà du “top 5” des compositrices, comme Clara Schumann, Fanny Mendelssohn, Lili Boulanger ou les contemporaines Betsy Jolas et Kaija Saariaho. “On ne voit que le haut de l’iceberg car, même chez les hommes, il y un tas de compositeurs qui méritent d’être mis en avant”, rappelle Mme Bodin.

“Il faut que tout le monde se mette à programmer des compositrices car les artistes invités, s’ils ne sont pas assurés que d’autres salles le font, vont hésiter à jouer ces partitions”.

Pour Claire Bodin, la valorisation des compositrices doit également être menée au niveau des conservatoires. En 2019, Camille Pépin, première compositrice primée aux “Victoires de la musique classique”, avait indiqué qu’elle était la seule femme aux cours de composition au Conservatoire de Paris. “Il y a des présupposés qui ont la dent dure mais qui commencent à tomber”, avait-elle conclu.

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03 août 2020 - 09h51