“Dear My Genius”, l’obsession sud-coréenne pour l’éducation

Une jeune réalisatrice de Corée du Sud a filmé sa propre famille pour illustrer l’obsession de cette société ultra-concurrentielle pour l’éducation et les ravages qu’elle provoque chez les enfants, y compris sa propre soeur. “Dear My Genius” (“Mon très cher génie”, ndlr), le documentaire de Koo Yun-joo, a été diffusé samedi en avant-première au Festival international du film de Busan (Biff), plus grand festival de cinéma d’Asie. Il suit la soeur âgée de sept ans de la réalisatrice, ainsi que sa mère, qui veut faire de la petite fille une enfant “douée”.

Les autorités éducatives et les écoles de Corée du Sud testent régulièrement l’aptitude des enfants dans les matières clés, décernant aux élèves “doués” des certificats considérés comme des avantages considérables pour les dossiers d’admission à l’université. Les jeunes Sud-Coréens passent le plus clair de leur enfance et de leur adolescence à étudier, ce qui consiste bien souvent à apprendre par coeur, afin de pouvoir entrer dans les universités d’élite, sésames d’une carrière et d’un mariage réussis.

Le système éducatif est souvent cité à l’étranger comme un modèle de méritocratie rigoureuse mais la pression subie par les enfants est accusée d’être à l’origine de taux de dépression et de suicide chez les adolescents parmi les plus élevés du monde. Le documentaire permet de toucher la réalité d’une dynamique familiale fréquente en Corée du Sud, et d’une concurrence exacerbée assimilée par certains à de la maltraitance systématique.

Pour parvenir au statut d’enfant prodige, la soeur de la cinéaste, Yun-yung, passe des heures après l’école dans des “hagwons” ou instituts privés à étudier l’anglais, le chinois, l’informatique ou la rédaction. Sa mère tient une liste de tous les livres lus par sa fille depuis l’âge de cinq ans. Elle emprunte 26 livres tous les quinze jours à la bibliothèque, soit le maximum autorisé. Elle voudrait que Yun-yung lise chaque année des milliers de livres. Alors qu’elle mémorise jusque tard dans la nuit des mots d’anglais ou résout des problèmes de mathématiques complexes, la fillette éclate en sanglots, pique des crises ou développe des maux de tête soudains. Alors sa mère la câline ou la gronde pour qu’elle continue.

La réalisatrice de 26 ans, elle-même une ex “enfant douée” en sciences, s’oppose à sa mère sur l’éducation de sa soeur. Apprendre par coeur ou réussir des tests ne lui a pas permis de savoir ce qu’elle voulait faire dans la vie, fait-elle valoir. Yun-yung évoque régulièrement son rêve de “devenir une enfant douée” et “de fréquenter la meilleure université” mais elle ne sait pas expliquer pourquoi.

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08 octobre 2018 - 08h02