A Los Angeles, un restaurant qui cuisine les cinq sens

Chez Vespertine, restaurant phénomène à Los Angeles, tout a été orchestré pour stimuler les cinq sens, bien plus que les seules papilles. Un parfum d’ambiance imprègne toutes les salles, dont les ingrédients sont exposés dans le lobby en “promenade olfactive”. Les cuisiniers portent des tabliers en tissu de samouraï. Les assiettes et bols sont en pierre volcanique. Sans oublier le ballet millimétré des serveurs vêtus de noir monastique qui s’adressent à vous en s’inclinant et ouvrant théâtralement les mains.

Dans la scène gastronomique en pleine ébullition de Los Angeles, Vespertine fait partie d’une nouvelle génération de restaurants qui se veulent “immersifs”. Un repas chez le chef Jordan Kahn, 34 ans et une allure de rock star, est une pièce en quatre actes. Après l’accueil dans un jardin mi-Bahaus mi-japonais où les clients se voient offrir une coupe de champagne, le chef les salue dans sa cuisine digne d’un magazine de décoration.

Ils sont ensuite escortés au dernier étage de “la gaufre” – le surnom de l’édifice – où l’apéritif – cocktail de vin pétillant et infusé d’épines de pin californien surmonté d’une fleur exotique, chips d’algues, biscuit d’oignons brûlés et de cassis aux fleurs comestibles – est servi dans un salon minimaliste à ciel ouvert.

Les gourmets descendent ensuite dans la salle à manger où de petites alcôves permettent d’assoir une vingtaine de convives. Ils dégustent en tout une quinzaine de mets inspirés de la cuisine moléculaire façon Ferran Adria ou du restaurant avant-gardiste Alinea – où Kahn a fait ses armes – mais aussi de la tradition française, comme ce bouillon glacé de petits pois, kiwi épicéa et verveine. Suivent des coquilles Saint-Jacques à la moelle et aux lamelles d’asperges blanches, un riz au lait salé aux oeufs de truite, pétales de tournesol, etc.

Côté dessert: de la guimauve vaporisée sur l’assiette avec une crème de sarrasin aux pousses de jasmin de la rhubarbe et carottes confites au coulis de cassis. Le tout arrosé de vins biodynamiques ou cocktails probiotiques au kombucha.

Le restaurant se targue d’une attention aux clients qui frôle l’incongru: Kahn assure que ses serveurs prennent des notes: “Sont-ils gauchers ou droitiers, boivent-ils de l’eau plate ou pétillante, quelle était leur énergie et leur humeur, de quoi ont-ils parlé avec l’équipe…?” Certains sont enthousiastes, d’autres exaspérés par ce maniérisme, la musique planante à quatre notes, les goûts tendant vers le sur-caramélisé ou sucré, ou l’addition à quelque 400 dollars par tête – que l’on retrouve chez tous les restaurants “immersifs”.

A l’autre bout du monde, Ultraviolet à Shanghaï va encore plus loin en projetant des vidéos à 360 degrés dans sa salle à manger, diffusant parfums et montages sonores. Le catalan El Celler de Can Roca, plusieurs fois nommé meilleur restaurant du monde, a ébloui avec son banquet El Somni, un “opéra” culinaire sur une table ronde entourée d’un écran de cinéma sphérique. Quant à Sound of the Sea du restaurant anglais The Fat Duck, c’est une “sculpture” de fruits de mer servie avec un iPod niché… dans une conche.

Et la nourriture dans tout ça? “C’est pour elle que les gens vont au restaurant, mais six mois plus tard, sur 20 plats, vous vous souvenez de combien? Peut-être 1 ou 2. (…) Ce qui compte, c’est ce que vous avez ressenti. Ca, ça ne s’oublie pas”, assure Jordan Kahn.

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04 juin 2018 - 08h06