Zone 30, garantie à l’emploi, gouvernance… : voici ce que dit l’accord du futur gouvernement bruxellois
Les députés bruxellois le recevront ce jeudi : l’accord du gouvernement Vervoort 3, autour des six partis de la majorité bruxelloise (PS-sp.a-Ecolo-Groen-DéFI-Open VLD), dévoile les grands projets de l’équipe menée par Rudi Vervoort pour les cinq années à venir.
Cet accord de gouvernement a été négocié à six partis durant près d’un mois et a finalement accouché d’un texte dans la nuit de mardi à mercredi. Si le casting de ce futur gouvernement bruxellois n’est pas encore connu (il devrait être officialisé ce jeudi), la déclaration de politique générale a déjà filtré et dévoile en 125 pages les projets prévus pour la législature 2019-2024. Comme évoqué lors de la conférence de presse menée ce mercredi, cette déclaration se divise en trois grands axes : social, économique et environnemental, et institutionnel. On fait le point sur les grandes lignes de cet accord entre le PS, Ecolo, DéFI, Groen, le sp.a et l’Open VLD.
Le logement
Le premier axe dévoile un titre pour le moins fort : “Une Région qui garantit à chacun les conditions d’une vie conforme à la dignité humaine”. Cette partie de l’accord évoque ainsi un volet social, rappelé comme une “urgence” par le ministre-président sortant et formateur Rudi Vervoort (PS). “Le droit au logement est un droit constitutionnel et fondamental”, rappelle d’abord la déclaration de politique générale. Avant d’insister sur le fait que “chaque Bruxellois doit pouvoir accéder, à dix minutes à pied de chez lui, à un espace vert, un établissement d’enseignement, des infrastructures collectives, des lieux de loisirs et des commerces de proximité”.
Si 43.000 ménages bruxellois sont inscrits sur liste d’attente pour un logement social, le futur gouvernement souhaite trouver une “solution concrète à 15.000 ménages bruxellois”, via la création de logements sociaux, avec l’objectif de disposer à terme pde 15% de logements à finalité sociale sur tout le territoire régional.
Le gouvernement souhaite également lancer une base de données globale (sur les baux, loyers, garanties, permis…) pour permettre la mise à jour d’une grille référence des loyers. Un fonds public de garantie locative est également prévu pour “centraliser l’ensemble des garanties locatives constituées, tant pour les logements publics que privés”.
Notons également que le gouvernement veut mettre en place des observatoires des logements inoccupés dans les 19 communes, avant de les centraliser au niveau régional. Cela pourrait ainsi permettre la future création de logements à finalité sociale. Des programmes de revitalisation urbaine sont également prévus, dans la continuité des projets annoncés durant la dernière législature.
L’emploi
Concernant l’emploi et la formation, le futur gouvernement bruxellois annonce comme mesure-phare l’extension de la “garantie jeunes”, qui proposait un emploi, un stage ou une formation à chaque jeune demandeur d’emploi dans les six mois, à tous les demandeurs d’emploi, quel que soit leur âge. L’accord prévoit ainsi que les demandeurs d’emploi bruxellois obtiennent “le niveau de compétences requis sur le marché du travail métropolitain” d’ici 2030.
La Région bruxelloise sera également composée à l’avenir de “zones zéro chômeur de longue durée”, afin de “mieux répondre aux besoins de la Région et aux compétences des chercheurs d’emploi”. L’accord prévoit également une attention particulière sur les personnes sans emploi, ni formation, ni enseignement.
En outre, les indemnités de formation deviendront des “revenus de formation”, permettant de compléter l’allocation du chercheur d’emploi. Ces revenus seront de 4 euros par heure de formation prestée, “dont 1 euro sera lié à la réussite de la formation”. “L’objectif est de soutenir le droit à la formation pour toute personne qui s’engage dans une formation professionnalisante et de lutter contre le décrochage de formation des chercheurs d’emploi les plus fragiles”, explique la déclaration de politique générale.
La santé
Le nouveau gouvernement souhaite poursuivre les chantiers lancés lors de la précédente législature. Il compte développer une meilleure coordination entre les différentes institutions et acteurs de la santé, et veut notamment lancer des “États généraux bruxellois de la santé et du social”, pour la rédaction d’un “Plan social-santé intégré”, permettant d’assurer de meilleurs services de santé dans la capitale. La majorité veut aussi favoriser l’installation de maisons médicales dans les zones les plus fragilisées de la Région. Un soutien aux aidants proches et aux professionnels de première et deuxième lignes est également annoncé. Enfin, le gouvernement veut “une plus grande transparence des prix au sein des maisons de repos” et dans les hôpitaux.
L’accord évoque également la lutte contre la pauvreté, et annonce une meilleure collaboration entre les différents CPAS bruxellois. Il confirme que le gouvernement veut “privilégier d’autres procédures que celles recourant aux huissiers de justice pour le recouvrement de dettes”. Le gouvernement souhaite en outre renégocier avec le fédéral l’intervention financière destinée à la prise en charge des demandeurs d’asile et des personnes en transit. Il annonce également le développement d’un parcours d’accueil pour les primo-arrivants “propre à Bruxelles”, sous l’égide de la COCOM.
Les discriminations
Toujours dans cet axe social, la déclaration de politique générale revient sur l’égalité des chances et la lutte contre les discriminations. La Région bruxelloise disposera bientôt d’un “Code bruxellois de lutte contre les discriminations”, en accord avec les acteurs œuvrant dans ce domaine. Le futur gouvernement plaidera également auprès des autres institutions fédérées pour la mise en place d’un plan interfédéral d’action contre le racisme.
En cas de discrimination à l’emploi, le gouvernement souhaite que des sanctions puissent être menées à l’égard des auteurs de ces actes.
Les droits des femmes seront également au cœur de la politique du gouvernement, avec notamment la garantie d’une “égale représentation des femmes et des hommes dans l’ensemble des lieux de décision bruxellois”. Un Plan global de lutte contre les violences faites aux femmes sera également défini à l’avenir.
Enfin, l’éducation et les initiatives destinées à “casser les préjugés” sur la migration, les femmes, la communauté LGBTQI+, etc. seront également mis en avant.
L’enseignement
Le futur gouvernement souhaite “garantir un enseignement de qualité accessible à tous les Bruxellois”, via la création de nouvelles écoles (24.068 places pourraient être créées d’ici 2025), la rénovation des “écoles en déficit d’image” et la revalorisation de l’enseignement qualifiant.
L’accord prévoit également des mesures de soutien pour les élèves en décrochage scolaire, et une concentration des moyens vers les écoles qui accueillent les élèves en difficulté. Pour faire face à la pauvreté infantile, le gouvernement bruxellois souhaite mettre à disposition : dans l’enseignement fondamental, “un repas chaud gratuit, cuisiné à partir de produits sains, bio et locaux”; des “garderies gratuites, encadrées par du personnel compétent”; un “accès gratuit au matériel et à l’équipement scolaire”; ou encore “des salles d’études à disposition des jeunes en période de blocus et d’examens”.
L’apprentissage des langues est évidemment évoquée dans cette déclaration de politique générale. Le gouvernement veut faciliter la collaboration entre les écoles et formations néerlandophones, anglophones et francophones, et annonce la négociation d’un accord de coopération avec les autres Communautés pour favoriser les échanges.
L’économie
Pour faire face à l’enjeu climatique, le deuxième axe de cet accord bruxellois revient notamment sur les propositions économiques de ce gouvernement. Il souhaite ainsi parvenir à terme à “une économie de marché régulée et décarbonée”. “L’ambition affichée est de mettre Bruxelles à la pointe, tant de la transition écologique et solidaire que de la digitalisation de son économie, porteuse de nombreuses opportunités”, explique le texte de l’accord. “L’objectif du Gouvernement est qu’à l’horizon 2030 seuls les modèles économiques exemplaires sur le plan social et environnemental bénéficient encore du soutien public régional”.
La future majorité veut pousser l’économie circulaire et souhaite mettre en avant les “emplois non-délocalisables”. Elle entend également promouvoir l’agriculture urbaine et péri-urbaine, avec notamment comme objectif “la production de minimum 30% de la consommation annuelle des Bruxellois en fruits et légumes à l’horizon 2035”.
Le gouvernement veut propulser des “pôles de compétitivité 2.0”, avec un rassemblement d’entreprises, de PME, de start-ups, d’universités et de hautes écoles.
La mobilité
Il s’agit de l’un des grands dossiers des négociations. Plusieurs mesures ont déjà filtré : la mise en place d’une zone 30 généralisée sur toute la Région bruxelloise d’ici le 1er janvier 2021 avec l’aménagement de voiries et une signalisation adéquate, une nouvelle ligne de métro entre Bordet et Albert, huit lignes de tram en vue (prolongement des lignes 3 et 9, nouvelles lignes vers Neder-over-Heembeek et Tour & Taxis, tramification des 95 et 49, prolongation des lignes 7 et 8)…
La déclaration de politique générale évoque également l’objectif de “doubler la part modale du vélo en 5 ans”, grâce à des nouvelles pistes cyclables, le réaménagement d’infrastructures existantes et la fin de la construction du RER vélo. Le groupe veut également une nouvelle réglementation pour les vélos et trottinettes partagés.
En termes de sécurité routière, l’objectif reste “zéro mort, zéro blessé grave” sur les routes bruxelloises, avec la mise en place d’aménagements spécifiques, et la constitution d’une carte “des points noirs identifiés comme les plus accidentogènes de la Région”.
Le futur gouvernement veut également renforcer la règlementation autour du secteur des taxis, notamment pour faire face à Uber et autres concurrents. “Tous les services de transport rémunéré de personnes relèveront du même statut de base des taxis comme service d’utilité publique”, dit l’accord.
L’environnement
La zone de basse émission (LEZ), instaurée depuis 2018, est confirmée dans cet accord, avec même une interdiction totale des moteurs à énergie thermique prévue pour 2035. Le gouvernement veut la fin des voitures au diesel au plus tard pour 2030, et des voitures à essence et au LPG d’ici 2035. “Un Comité stratégique LEZ, composé d’experts indépendants, sera institué de manière pérenne afin de produire des recommandations quant à l’évolution et l’adéquation des restrictions prévues”, ajoute le texte. L’objectif est clair : réduire de 50% le nombre de déplacements de type “navette” réalisés en voiture individuelle d’ici 2030, et réduire l’utilisation de la voiture individuelle à un quart des déplacements à Bruxelles d’ici 2030.
Une politique de rénovation et d’isolation des bâtiments publics et privés est également attendue lors de cette prochaine législature, alors que le gouvernement prévoit la mise en place de zones vertes sur le territoire.
La propreté
Il s’agit d’un des points noirs de la dernière législature, en raison de dérapages budgétaires. Dans le texte de l’accord, la propreté est annoncé comme “un élément essentiel de la qualité de vie des Bruxelloises et des Bruxellois”, ajoutant que “de nombreux efforts restent à faire”. Le gouvernement veut atteindre un taux de recyclage de 65% des déchets d’ici 2035. Il compte notamment augmenter “en qualité et en quantité les collectes sélectives publiques”. Il ajoute sa volonté d’atteindre “l’objectif de 100% de déchets alimentaires récoltés de manière séparée et (de) rendre obligatoire le tri de ces déchets pour 2023“.
Le gouvernement bruxellois souhaite également “ne plus importer de déchets sur son territoire” à terme, et veut l’installation de 10 recyparks sur tout le territoire régional.
Il sera également interdit à terme d’utiliser “des objets en plastique à usage unique lors des évènements”, et de vendre des “gobelets, assiettes et couverts jetables en plastique”.
La gouvernance
Concernant la gouvernance et la participation citoyenne, Rudi Vervoort a annoncé la future mise en place de conseils des ministres thématiques auxquels les acteurs de la société civile seront invités.
La Région confirme également le décumul intégral entre les fonctions de parlementaire et d’échevin, et annonce une réduction à terme du nombre d’échevins dans les communes. Cela passera toutefois par une rémunération plus élevée pour les conseillers communaux, dont le travail sera revalorisé.
Un plan de simplification administrative sera également prévu pour la période 2020-2025. Des mesures pour assurer la transparence des institutions publiques sont également attendues.
L’image de Bruxelles
Enfin, Rudi Vervoort a annoncé que Bruxelles sera candidate pour devenir capitale européenne de la culture en 2030 et souhaite “soutenir le développement de pôles culturels” dans la Région, comme à Kanal ou Flagey.
Le rôle de visit.brussels, en charge de la promotion de Bruxelles, sera également renforcé.
Grégory Ienco – Photo : Belga/Thierry Roge