Vaccination obligatoire des soignants : des positions divisées, entre patronat et syndicats
Faut-il obliger le personnel soignant à se vacciner contre la Covid-19 ? La question est sensible, et la pression sur les soignants est de plus en plus forte, avec notamment un avis divisé du Conseil national du Travail.
Le ministre fédéral de la Santé, Frank Vandenbroucke (Vooruit), avait annoncé consulter différents organes pour avis, quant à l’obligation vaccinale pour les soignants, après un feu vert donné lors du comité de concertation du 20 août. De nouvelles recommandations viennent désormais s’ajouter à celles déjà formulées : vendredi, c’est le Conseil national du Travail (qui rassemble syndicats et patronat) qui a communiqué son avis, loin d’être unanime, au ministre.
Ainsi, le patronat est en faveur de l’obligation vaccinale pour les soignants, assortie de mesures importantes, tandis que les syndicats y sont opposés, plus ou moins fortement.
Pour le patronat, aller jusqu’aux ruptures de contrats
Que proposent les employeurs ? Selon le contenu de l’avis, que plusieurs de nous confrères se sont procurés, le patronat recommande que, dès l’obligation vaccinale actée, une période de transition deux à trois mois soit lancée, afin de sensibiliser plus encore ceux qui n’auront pas été vaccinés. Ils pourront encore travailler, mais en se faisant tester. Ensuite, passé ce délai, ceux qui refuseront toujours le vaccin pourraient être suspendus sans rémunération ni salaire, pour une période jusqu’à six mois. Enfin, au bout de ce terme, une rupture de contrat pourrait intervenir.
Cet avis est partagé par les quatre fédérations patronales (GIBBIS, Santhea, Unessa et Zorgnet-Icuro), et également par les hôpitaux, notamment, qui en font partie. “Nous soutenons la vaccination obligatoire des soignants et du personnel en contact avec les patients, car après 8-9 mois de sensibilisation, il y a encore du personnel qui n’est pas vacciné“, nous indique Christophe Happe, directeur général d’UNESSA, “c’est inadmissible, de pouvoir transmettre le virus à des patients dans l’exercice de sa fonction ! D’autant que des études ont démontré l’efficacité du vaccin !“.
Contactée par nos soins, la CEO de la Clinique Saint-Jean, Vic De Corte, explique que “c’est une proposition qui est en lien avec ce qu’on avait demandé. Dans ce sens, on est vraiment content de voir que maintenant on va faire la proposition d’obliger la vaccination pour tout le monde. Dans un premier temps, ce qui est important, c’est qu’il s’agit bien d’une obligation pour tout qui travaille dans un environnement de soins, et que cela compte pour tout type d’environnement de soins, donc pas seulement les hôpitaux (mais aussi les maisons de repos et les soins à domicile“.
“Maintenant, la proposition qui est sur la table de faire en différentes étapes, c’est aussi une chose à laquelle je m’accorde bien : dans un premier temps, s’assurer que l’obligation est faite, puis laisser une période d’adaptation. Et aussi dans l’application des conséquences, que cela se fait en différentes étapes“, ajoute Vic De Corte.
Interview de Vic De Corte, CEO de la Clinique Saint-Jean
► Article | Obligation vaccinale des soignants : les employeurs demandent des sanctions
Reste qu’une question se pose aussi : de nombreux hôpitaux font face à une pénurie de soignants. Alors même que plusieurs soignants non-vaccinés ont déjà témoigné, dans la presse, qu’ils quitteront la profession si la vaccination leur est imposée, risque-t-on d’aggraver encore cette pénurie ?
“Cela va sans doute arriver, mais n’oubliez pas qu’un aide soignant qui est malade du Covid est parfois aussi écarté pendant longtemps, de même que ceux qui ont travaillé à ces côtés. Donc des difficultés, on en a aussi avec les gens qui ne sont pas vaccinés et qui sont malades“, indique le professeur Philippe Peetrons, médecin-chef a.i. des Hôpitaux Iris Sud, “Les soignants doivent être vaccinés le plus complètement possible : ils travaillent dans des services en contact avec des gens qui sont en difficulté physique, qui sont à risque“.
Interview de Philippe Peetrons, médecin-chef a.i. des Hôpitaux Iris Sud
► Article | Les Bruxellois largement favorables à l’obligation vaccinale pour les soignants (06/08/2021)
Un rejet (plus ou moins) catégorique des syndicats
Du côté des syndicats, représentés eux-aussi lors du Conseil national du Travail, l’avis est tout autre. Les syndicats se positionnent en effet en défaveur de la vaccination obligatoire des soignants.
L’opposition est timide du côté de la CSC et de la CGSLB, qui indiquent dans l’avis, cité par La Capitale, que la décision politique ayant déjà été prise, il faut plutôt s’intéresser à ses modalités. Ils regrettent aussi que la sensibilisation n’ait pas pris le pas sur l’obligation.
Mais la position de la FGTB, elle, est plus radicale : “S’il doit y avoir vaccination obligatoire, nous sommes opposés à ce que ce soit une décision qui concerne exclusivement un secteur d’activité, un métier ou une fonction. Car à partir du moment où on travaille de cette façon-là, cela aura immanquablement un impact négatif sur les relations de travail, sur le contrat de travail. C’est notre position : toute décision relative à l’obligation vaccinale, qui risque d’avoir un impact sur le contrat de travail, la relation de travail, nous y sommes fortement opposés“, nous explique Thierry Bodson, président de la FGTB.
“Soit on considère que la vaccination n’a pas à être obligatoire pour l’ensemble des citoyens, et il faut convaincre ; soit on considère que la vaccination doit être obligatoire pour l’ensemble de la population“, ajoute-t-il.
Interview de Thierry Bodson, président de la FGTB
Quelles sont les prochaines étapes ?
Pour l’heure, les juristes du groupe de travail nommé par Frank Vandenbroucke travaillent à une nouvelle législation encadrant l’obligation, indique la porte-parole du ministre à L’Echo, selon une information également confirmée par nos soins.
► Article | Frank Vandenbroucke veut rendre obligatoire la vaccination des soignants (17/08/2021)
L’avis rendu par le Conseil national du Travail rejoindra donc ceux déjà rendus par les experts du GEMS et le Conseil fédéral des Etablissements Hospitaliers, qui serviront de base de travail au gouvernement.
L’objectif est que le cadre réglementaire soit mis en place d’ici la fin de l’année, ou le début de l’année prochaine.
ArBr – Photo : Belga (illustration)