Un procès contre l’État belge et la police s’ouvre ce jeudi : “Ce qu’il s’est passé ce jour-là est un cas d’école de toutes les mauvaises pratiques policières”

Les plaidoiries du procès civil sur des violences policières présumées lors d’une manifestation en janvier 2021 débutent ce jeudi. Sur le banc des accusés : l’Etat belge, la police de Bruxelles-Capitale/Ixelles et le bourgmestre de la Ville de Bruxelles, Philippe Close. À l’origine de la plainte : onze jeunes présents ce jour-là, ainsi que la Ligue des droits humains qui s’est jointe à l’action intentée au civil devant le Tribunal de première instance de Bruxelles.

Le 24 janvier 2021, près de 150 personnes – en majorité des jeunes – se sont rassemblées Place de l’Albertine à deux pas de la Gare centrale de Bruxelles pour manifester contre “la justice de classe” et les abus policiers. En pleine crise Covid, les possibilités de manifester étaient alors fortement réduites, mais le bourgmestre de la Ville de Bruxelles a fini par tolérer cette manifestation, sous conditions.

Néanmoins, le rassemblement a rapidement dégénéré. Au total, plus de 200 personnes ont été interpellées et emmenées à la caserne de police à Etterbeek. Certains témoignages évoquent des arrestations arbitraires, des coups infligés gratuitement, des crachats, une impossibilité d’aller aux toilettes ou encore des insultes sexistes et racistes. La Ligue des droits humains dénonce aussi “un tri” des personnes arrêtées sur base de critères ethniques. Même la CGSP Police, un syndicat policier, pointe à l’époque la gestion de l’événement par la police.

Nous avons décidé de nous joindre à cette action car le traitement policier de cette manifestation constitue pour nous un cas d’école de toutes les mauvaises pratiques policières“, explique Pierre-Arnaud Perrouty, directeur de la Ligue des droits de l’homme. “Elle concentre tout ce que l’on dénonce depuis des années. À la fois dans le dispositif de départ – puisqu’il y avait plus de 400 policiers pour 150 manifestants, dans la manière avec laquelle les personnes ont été arrêtées et ensuite dans le traitement des personnes arrêtées. D’un bout à l’autre, il y a vraiment eu un problème de dysfonctionnement policier grave.”

Dysfonctionnements

Le 24 janvier 2023, deux ans après cette manifestation, onze jeunes décident de saisir la justice, avant d’être rejoints par la Ligue des droits humains (LDH).

Dans les plaidoiries qui s’ouvrent aujourd’hui, les plaignants veulent mettre en lumière les dysfonctionnements qui ont eu lieu ce jour-là mais qui, selon eux, ne se limitent pas à cette manifestation. Dans leur viseur : l’absence de mécanisme de contrôle dans les lieux de détention comme la caserne d’Etterbeek ou encore la pratique dite de la “nasse”. Un dispositif policier qui consiste à encercler un groupe et l’empêcher de sortir, une action qui pourrait être assimilée à une privation de liberté, selon certains défenseurs des droits humains.

Initialement fixées en janvier 2024 avant d’être reportées suite à une demande de la défense, les plaidoiries se tiendront ces jeudi et vendredi. Un délai que déplore Alexandre Pycke, le père d’un des jeunes plaignants qui a de son côté porté plainte au pénal. “Ce qui est frappant est que l’affaire était on ne peut plus limpide dans la mesure où les violences ont été dénoncées – y compris par une dizaine de policiers – et que, en quatre ans, la justice n’a pas trouvé le temps de trancher.

Un volet pénal de cette affaire est également attendu, mais la date n’a pas encore été fixée.

Victor de Thier – Photo : Belga

■ Reportage de Sabine Ringelheim, Yannick Vangansbeek et Stéphanie Mira