Trois bourgmestres sur le départ : quelles conséquences pour le paysage maïoral ?

Le nom du futur bourgmestre de Saint-Gilles est connu depuis hier soir : c’est Jean Spinette (PS) qui prendra la succession de Charles Picqué (PS) d’ici à quelques mois. D’autres communes bruxelloises s’apprêtent, elles aussi, à vivre un changement à leur tête. De quoi modifier quelque peu le paysage maïoral bruxellois, qui va se rajeunir et se féminiser.

Jean Spinette (PS) sera le futur bourgmestre de Saint-Gilles. En tout cas l’actuel échevin des Finances et de l’Enseignement a été désigné hier par 58% des votants de l’Assemblée Générale des militants PS de la commune. Il est arrivé devant ses deux concurrentes, Cathy Marcus, échevine notamment du Logement et du Personnel et Myriem Amrani, présidente du CPAS. Voilà qui met fin à un long suspense. La succession de Charles Picqué, 73 ans, à la tête de la commune depuis …1985, faisait en effet l’objet de multiples conjectures. Le maïeur quittera donc son poste l’année prochaine, après plus de 35 ans de service. La date exacte de son départ reste encore à déterminer.

(Jean Spinette / Photo : Bx1)

Du renouveau, il n’y en aura pas qu’à Saint-Gilles. D’autres communes sont appelées à connaître quelques bouleversements, se rajeunir et se féminiser. C’est que plusieurs édiles avaient annoncé à la veille ou au lendemain du dernier scrutin local, en octobre 2018, leur projet de quitter leur poste à mi-mandat. Et … le temps passe. Les dernières élections, c’était il y a trois ans, pile poil.

À Jette, Hervé Doyen (CDH-LB), aux commandes de la commune depuis un peu plus de 20 ans, est l’un d’entre eux. La Liste du bourgmestre (LB) dispose d’une règle interne qui impose de quitter un mandat exécutif à 65 ans, l’âge de l’actuel bourgmestre, nous confirme l’intéressé. Qui pour lui succéder ? L’Assemblée générale de la Liste du Bourgmestre se réunit lundi prochain pour désigner le ou la successeur.e. Et ici le suspense est assez mince : l’un des deux candidats, Benoît Gosselin, actuel échevin des Sports, vient d’annoncer qu’il se retirait de la course, rapportait ce matin La Dernière Heure. Ne reste que Claire Vandevivere, échevine de la Population et du Développement durable, et désormais unique candidate. C’est elle qui selon toute attente devrait dès lors passer l’écharpe mayorale. L’entrée en poste est prévue pour février, indique Hervé Doyen, qui restera à la barre jusqu’à l’arrivée de son successeur.

(Claire Vandevivere / Photo : site web commune de Jette)

À Auderghem, point de mystère : Didier Gosuin (DéFI), bourgmestre depuis 1995 avait, lui aussi, annoncé qu’il se retirerait en cours de mandat. Le nom de son dauphin, en l’occurrence de sa dauphine, était déjà connu : Sophie de Vos (DéFI), échevine de la Participation, prendra le relais. « C’est ce que Didier Gosuin a toujours dit », confirmait ce midi l’auderghemoise, invitée de Toujours + d’Actu. Le poste n’est pas complètement nouveau pour Sophie de Vos, qui avait au lendemain du scrutin remplacé pendant quelques mois Didier Gosuin alors ministre au sein du gouvernement bruxellois. « Je me suis donc familiarisée avec les dossiers maïoraux, comme la police ou les finances. » C’est elle aussi qui mènera les troupes en 2024.

(Sophie de Vos / Photo : Bx1)

Pierre Kompany, devenu bourgmestre (CDH -Liste ProGanshoren) de Ganshoren en 2018, avait, lui aussi, annoncé son départ à mi-mandat. Mais l’homme entretient le doute. Va-t-il laisser la place ? Malgré nos tentatives, nous n’avons pas réussi à le joindre.

Rajeunissement, féminisation

Le renouvellement qui s’opère n’est pas qu’une question de noms. Avec le départ de Picqué, Gosuin et Doyen c’est toute une génération qui laisse la place. « Le maïorat, c’est une entreprise de long terme », analyse Emilie Van Haute, politologue à l’ULB (CEVIPOL) « Quand on voit la longévité des bourgmestres sortants, on comprend mieux la lenteur du renouvellement. » Si un rajeunissement progressif du paysage local bruxellois est en cours depuis plusieurs années maintenant, il reste de vieux bastions, comme Saint-Gilles, Auderghem et Jette.

C’est aussi une nouvelle étape dans la féminisation de la vie politique. Jusqu’ici, sur 19 bourgmestres, on comptait trois femmes, dont une seule bourgmestre en titre : Catherine Moureau (PS) à Molenbeek. Cécile Jodogne (DéFI) est faisant fonction à Schaerbeek et Mariam El Hamidine (Ecolo) à Forest. Ce dernier cas est toutefois particulier, il s’agit d’un remplacement pour raison de santé, pas un passage de flambeau.

En 2022, quatre, probablement cinq, communes pourraient d’un coup se retrouver dirigées par des femmes, « soit un quart des communes, alors que les femmes représentent la moitié de la population », observait Sophie De Vos sur nos antennes ce midi. Autrement dit : il est temps.

2024 en ligne de mire

Il faut noter que l’opération est pilotée par les partis, non par les électeurs. « C’est vraiment en interne des partis que les dauphins sont choisis. », relève Emilie Van Haute. Une fois le choix fixé au sein de la liste, il doit être validé par la majorité du conseil communal, et ensuite transmis au ministre-Président, chargé de la nomination des bourgmestres. Certes si l’on prend le cas de Sophie de Vos, son arrivée était connue de longue date. En outre, les personnes concernées étaient sur les listes électorales en 2018, elles ne sont pas inconnues. Ce qui est confirmé par leurs résultats en voix de préférence : 1104 pour Sophie de Vos (3e score de la commune) ; 2226 pour Claire Vandevivere (2e score) et 1104 pour Jean Spinette (4e score) « Néanmoins cela montre que les partis ne font pas complètement confiance ni aux électeurs, ni aux candidats dauphins. », relève Emilie Van Haute. Les bourgmestres sortants avancent eux-mêmes l’argument : l’objectif de leur départ en cours de route est de mettre leur successeur sur les rails pour lui laisser le temps de se former à la tâche et de se faire connaître … avant la prochaine échéance électorale. Et l’enjeu n’est pas mince. Le départ de ténors de la politique se traduira-t-il dans les urnes ? « À Saint-Gilles, l’enjeu, c’est la question du leadership entre PS et Ecolo. Mais cela risque d’être plus difficile pour le CDH, dont Jette est l’un des derniers bastions à Bruxelles, et DéFI, qui a, lui aussi, plafonné en 2018. », conclut Emilie Van Haute.

S.R. – Photo : Bx1