Traitement de l’hépatite C dans les prisons : une ASBL dénonce un nouveau protocole, une “atteinte aux droits humains”

L’ASBL Réseau Hépatite C a pris une décision radicale : elle interrompt totalement ses activités dans les prisons. Une décision qui fait suite à un nouveau protocole sur le traitement de cette maladie en milieu carcéral. Le docteur Lise Meunier, hépatologue et membre de cette ASBL, est invitée dans le 12h30.

Notre travail consiste à combler un déficit dans l’offre de soins dans les prisons à Bruxelles puisque, avant nos interventions, les détenus devaient être transférés à la prison de Lantin (ndlr : située près de Liège) pour rencontrer le médecin spécialiste hépathologue et avoir accès à une imagerie spécialisée“, explique Lise Meunier. Concrètement, depuis plus de deux ans, les membres de cette association – composée de médecins et d’infirmiers – se déplacent dans les différentes prisons bruxelloises à l’aide d’un vélo-cargo transportant un appareil d’imageries médicales portable. “Nous avions des consultations avec les personnes touchées pas la maladie de l’hépatite C pour faire la mise au point avant de prescrire des traitements antiviraux; le dépistage et le diagnostic étant de la responsabilité des soins de santé intra-pénitentiaires.”

Pour rappel, l’hépatite C est une maladie virale qui affecte le foie de façon potentiellement grave et mortelle, mais dont on peut guérir aujourd’hui en deux ou trois mois grâce à un traitement antiviral. “L’Organisation mondiale de la Santé (OMS) a fixé un objectif d’élimination de cette maladie pour 2030, et le public incarcéré constitue un public important à traiter puisque les personnes détenues sont 7 fois plus concernées que la population générale par cette maladie“, précise la spécialiste.

Lire aussi | “Les prisons ont été conçues par et pour les hommes, les besoins spécifiques des femmes ne sont pas pris en considération”

Une décision difficile

C’est pourquoi la décision d’arrêter ces visites a été très difficile à prendre, mais un nouveau règlement interne aux prisons rend la situation intenable pour l’association. “La direction des soins de santé en intra-pénitentiaire a établi un protocole de prise en charge de l’hépatite C avec des conditions qui consistent notamment à devoir vérifier, avant de démarrer un traitement antiviral, que la personne incarcérée reste au moins encore trois mois. Cela revient donc de fait à exclure la population des prévenus, étant donné que les personnes en situation de détention préventive doivent passer régulièrement en chambre du conseil“, explique Lise Meunier.

Or, selon l’ASBL, toute personne détenue doit avoir accès au dépistage et au traitement de l’hépatite C, quel que soit son statut. Le SPF Justice lui-même annonce sur son site que le détenu doit pouvoir bénéficier des mêmes soins de santé que dans la société libre. “Ces conditions constituent une discrimination dans l’accès aux soins, une atteinte à la déontologie médicale et aux droits humains. Il nous apparaissait donc important – et il était de notre responsabilité – d’acter la fin de nos consultations médicales en intra-carcérales pour espérer contribuer au changement autrement“, estime Lise Meunier.

“Le statut juridique n’est pas déterminant”, assure l’administration pénitentiaire

Contactée, l’administration pénitentiaire, dit “prendre acte de cette décision” mais conteste les raisons invoquées. “Le statut juridique n’est en aucun cas un critère déterminant pour la prise en charge du patient. La continuité des soins est le facteur déterminant, pas le statut juridique”, explique Valérie Callebaut, porte-parole de l’administration pénitentiaire. “Nous nous organiserons donc en interne pour assurer le suivi de nos détenus à Bruxelles et ne manquerons pas d’orienter les patients à leur sortie vers le service adéquat.

Une interview du docteur Lise Meunier au micro d’Adeline Bauwin et Jim Moskovics

Partager l'article

10 janvier 2024 - 18h00
Modifié le 11 janvier 2024 - 06h53