Débats sur l’abattage sans étourdissement : “Il faut s’assurer que la diminution de la souffrance animale est certaine”
La commission de l’Environnement du Parlement bruxellois poursuit ce lundi ses auditions et débats autour de la proposition d’interdiction de l’abattage sans étourdissement.
Depuis mercredi dernier, la commission de l’Environnement du Parlement bruxellois a démarré une série d’auditions afin d’alimenter les débats autour de la proposition d’interdiction de l’abattage sans étourdissement, comme en Flandre et en Wallonie. Des représentants des communautés juive et musulmane, des Abattoirs d’Anderlecht et de la Fédération des boucheries Halal ont déjà été entendus mercredi dernier, avant de nouvelles auditions, ce lundi après-midi.
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Ce sont ce lundi une juriste de la Cour de justice de l’Union européenne, un professeur de droit et une assistante en droit constitutionnel de l’Université Saint-Louis, une représentante du Conseil bruxellois du bien-être animal et une représentante de la Fédération européenne des vétérinaires qui ont été entendus par les députés bruxellois.
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Si on veut retreindre la liberté de culte en imposant un étourdissement préalable à l’abattage, il faut s’assurer que la diminution de la souffrance animale soit réelle. Le législateur doit donc se documenter scientifiquement sur la ou les technique(s) utilisée, a ainsi expliqué Hélène Lerouxel, assistante en droit constitutionnel à l’université Saint-Louis, devant la commission.
Elle était présente avec Sophie Duthoit-Lulov, juriste à la Cour de Justice de l’Union européenne, et Yogchum Vrielink (professeur de droit à l’Université Saint-Louis) pour exposer le contexte juridique européen du dossier.
Exception européenne sous conditions
En la matière, la base est le règlement européen 1099/2009 qui interdit l’abattage sans étourdissement, mais prévoit une exception sous conditions pour certaines manifestations culturelles. Dans le cadre du rite religieux, l’abattage sans étourdissement peut être pratiqué, mais obligatoirement dans un abattoir.
Les États-membres peuvent prévoir des règles visant à assurer une plus grande protection du bien-être animal, une des valeurs promues par l’Union européenne. Cependant, il apparaît qu’en regard de la Convention européenne des Droits de l’homme, il n’y a pas d’équivalence entre la liberté de culte et celui-ci.
“Il faut vous documenter”
Selon Hélène Lerouxel, “le bien-être animal n’a d’ailleurs pas une assise juridique extrêmement claire. Il n’est pas reconnu comme l’égal de la liberté de culte. Celle-ci peut-être restreinte, mais à condition que la restriction respecte le principe de proportionnalité. Il faut donc démontrer avec des arguments solides que l’abattage avec étourdissement conduit à réduire de manière certaine la douleur animale“.
À ses yeux, il importe de se demander si l’étourdissement réversible est une réalité concrète. “Il faut vous documenter. Les différentes techniques d’abattage varient en fonction de l’espèce animale et ne présentent pas le même degré de fiabilité. L’analyse de la proportionnalité commence ici”, a-t-elle dit, laissant ouvertement entendre que la Cour européenne des Droits de l’homme sera sensible à l’argumentation du dispositif adopté, en cas de recours.
“Une souffrance évitable”
Par la voix de Mariella Debille, le Conseil du bien-être animal a étayé son avis sur l’abattage sans étourdissement. Selon cette instance, “l’abattage sans étourdissement est inacceptable et engendre une souffrance évitable pour l’animal. Le Conseil recommande d’imposer l’étourdissement préalable éventuellement réversible pour tout abattage en Région bruxelloise”.
La représentante de la Fédération des Vétérinaires Européens, Nancy De Briyne, a pour sa part précisé que cette organisation n’avait pas changé d’avis depuis 2002. Elle considère que “l’abattage sans étourdissement est inacceptable dans toutes les conditions”.
Mme Bryine a notamment indiqué, dans ce contexte qu’en 2015, 84% des volailles, 75% des bovins et 63% des moutons et brebis abattus pour la production de viande Halal avaient subi un étourdissement préalable. Selon elle, l’abattage sans étourdissement, engendre un saignement plus long, du stress et de la souffrance inutile à l’animal.
Avec Belga – Photo : Belga/Hatim Kaghat