Revenge porn, interdiction de fumer avec un mineur en voiture… : plusieurs lois votées à la Chambre
Plusieurs lois ont été adoptées ce jeudi en séance plénière de la Chambre : ces votes avaient été retardés suite à la modification de l’agenda parlementaire suite à la crise sanitaire du coronavirus. Exceptionnellement, les travaux parlementaires se sont ainsi poursuivis durant ces vacances de Pâques.
Loi sur le “revenge porn”
La Chambre a adopté à l’unanimité la proposition de loi de Vanessa Matz (cdH) qui sanctionne le “revenge porn”, soit la diffusion dans un but de vengeance de contenus sexuellement explicites sans le consentement de la personne qui y apparaît.
La proposition de loi concerne la sanction de la “diffusion non consensuelle d’images à caractère sexuel”, en plus du voyeurisme. Une circonstance aggravante est prévue quand il y a diffusion de telles images pour une intention méchante ou un intérêt économique. L’auteur risque une peine d’emprisonnement de six mois à cinq ans et une peine d’amende de 200 à 15.000 euros.
La proposition prévoit une procédure de retrait ou de masquage des images par un référé en extrême urgence devant le président du tribunal de première instance. Six heures seraient alors laissées à l’auteur des images, le diffuseur ou l’opérateur télécom pour retirer ou masquer le contenu. Une autre procédure passerait par le procureur du roi qui peut déjà requérir le retrait d’images à caractère terroriste ou pédopornographique. L’Institut pour l’égalité des femmes et des hommes est également habilité à introduire une action en justice avec l’accord de la victime.
Interdiction de fumer en voiture en présence d’un mineur
La Chambre a adopté à l’unanimité, moins deux votes contre, une proposition de loi de Catherine Fonck (cdH), Karin Jiroflée (sp.a) et Els Van Hoof (CD&V) visant à interdire de fumer en voiture en présence d’un mineur, soit un jeune de moins de 18 ans.
Depuis le 18 août 2019, il était déjà interdit de fumer en présence d’un jeune de moins de 16 ans, en vertu d’une loi votée par la Chambre le 8 juillet 2019. En décembre 2018, le Parlement flamand avait déjà décidé d’interdire de fumer dans des véhicules en présence d’enfants de moins de 16 ans. Le 30 janvier 2019, le Parlement wallon avait à son tour adopté un projet de décret relatif à la qualité de l’air intérieur qui prévoyait notamment l’interdiction de fumer en voiture en présence d’un mineur.
Une fois que la loi votée ce jeudi sera entrée en vigueur, soit dix jours après sa publication au Moniteur belge, il sera interdit de fumer en voiture en présence de mineurs partout dans le pays de manière similaire.
Plus de transparence dans les négociations pharmaceutiques
La Chambre a également adopté à l’unanimité une proposition de loi permettant de consulter les négociations controversées entre le gouvernement et les firmes pharmaceutiques à propos des nouveaux médicaments particulièrement onéreux.
Sous l’égide de la ministre de la Santé publique Maggie De Block (Open Vld), le gouvernement fédéral a de plus en plus eu recours, ces dernières années, à des négociations secrètes avec l’industrie pharmaceutique afin de fixer un prix pour des médicaments innovants. Si l’intention est de rendre ces traitements accessibles aux patients belges, la manœuvre a toutefois entraîné une hausse de près de 30% du budget dédié aux médicaments. Ces contrats confidentiels ont parfois mené à des décisions controversées, comme celle de ne pas rembourser par la sécurité sociale un traitement bon marché, l’Avastin, contre la cécité liée à l’âge mais bien le Lucentis, qui est pourtant bien plus cher.
La proposition de loi introduit déposée par six partis a pour objectif de changer la donne. Techniquement, le texte modifie l’article 11 de la loi du 1er avril 2019 portant des dispositions en matière de remboursement des spécialités pharmaceutiques ainsi que de frais d’administration, d’efficacité et de transparence des organismes assureurs. En cas de mission d’enquête confiée par la Chambre, la Cour des comptes aura accès à la totalité des conventions, y compris les annexes confidentielles. Cette loi s’appliquera aux conventions conclues après son entrée en vigueur.
Recouvrement de dettes adapté
La Chambre a décidé de demander l’avis du Conseil d’État concernant un amendement sur la proposition de loi encadrant le recouvrement amiable des dettes du consommateur.
Ce texte initié par le PS, a pour objectif de fixer entre autres des plafonds par tranche aux frais de recouvrement et de rendre gratuit le premier rappel transmis au consommateur. Il prévoit aussi la possibilité d’interrompre la procédure en cas de recours à un CPAS ou à un service de médiation de dettes agréé. Le consommateur aurait désormais 20 jours pour régler sa facture. Et dans le premier rappel, il serait mentionné clairement le deuxième délai, qui ne pourra plus être inférieur à 10 jours. Une mise en demeure ne pourra plus être envoyée qu’après cette échéance.
Le texte amendé a été renvoyé au Conseil d’État pour avis, a décidé la Chambre.
Des économies de 48 millions dans les hôpitaux abandonnées
Les députés de la Chambre ont convenu d’abandonner des économies de 48 millions d’euros prévues pour le secteur hospitalier. Cette mesure figurait dans un projet de loi de la ministre de la Santé publique Maggie De Block (Open Vld) visant à réaliser 96 millions d’économies dans le secteur des médicaments. Sept amendements ont été déposés et un consensus s’est dégagé pour renvoyer le texte en commission, le toiletter et le faire revenir en séance plénière la semaine prochaine.
Concrètement, la mesure sera bénéfique pour le patient. Un certain nombre de vieux médicaments verront le ticket modérateur diminuer pour un montant total de 58 millions d’euros. A l’inverse, une mesure d’économie de 48 millions d’euros devait être portée par le secteur des hôpitaux.
Ce projet de loi figurait déjà à l’ordre du jour de la séance plénière du 12 mars dernier pour une entrée en vigueur le 1er avril. Il avait été retiré en dernière minute à la demande de l’opposition, dont le cdH, pour précisément éviter le risque de faire porter cette mesure d’économie de 48 millions d’euros au secteur des hôpitaux, confronté à la crise du coronavirus. “Plutôt que d’imposer une diminution du prix des médicaments directement au secteur pharmaceutique, la ministre diminue le financement des hôpitaux à hauteur de 48 millions d’euros. Chaque hôpital devra se débrouiller pour tenter de négocier des diminutions de prix avec le secteur pharmaceutique. Et tant pis s’ils n’y arrivent pas !”, s’est insurgée la députée cdH Catherine Fonck.
À l’issue de la discussion générale, Maggie De Block a proposé d’abandonner cette mesure. “En ce qui concerne les hôpitaux, je pense que nous nous trouvons maintenant dans un autre monde”, a-t-elle déclaré en référence à la pandémie de Covid-19. “Nous avons prévu un milliard supplémentaire versé directement sur les comptes des hôpitaux. Il y avait encore cette mesure d’économie pour les hôpitaux, on pourrait la laisser tomber.”
Un total de sept amendements ont été déposés jeudi. Sur proposition du chef de groupe Open Vld Egbert Lachaert, un consensus s’est dégagé pour renvoyer le texte en commission la semaine prochaine. Il s’agira d’adopter un amendement global permettant de faire voter le texte toiletté en plénière jeudi prochain.
Avec Belga – Photo : Belga/Benoît Doppagne