“Quand ils ont déposé les palettes devant la porte, je suis resté sur mon cul !”

David et Salvatore n’en reviennent pas. Un huissier accompagné de policiers a bloqué l’entrée de leur commerce dans la galerie Cora d’Anderlecht. Ils pensaient que le litige financier avec leur propriétaire se règlerait prochainement. Mais non.

C’est la fin d’une aventure commerciale de 20 ans, « mes parents étaient déjà fleuristes en France. J’ai grandi dans le métier » raconte David Maertens, passionné et dépité « j’ai ouvert cette boutique à Anderlecht en 2002, tout seul. Puis j’ai grandi et me suis trouvé des associés mais je n’ai jamais voulu faire autre chose que commerçant ». Son collègue Salvatore Cincivolo embraie « les fleurs, j’y touche depuis l’âge de dix ans ; Je suis arrivé ici comme apprenti quand j’en avais quinze. Peu à peu j’ai racheté des parts et là je m’apprêtais à devenir plein propriétaire ».

Mais le Covid est passé par là, avec son lot d’ennuis pour les commerçants. Les deux fleuristes (commerce non-essentiel, on le rappelle) n’y échappent pas. « Il y a eu les fermetures imposées, les sens de circulations pour les clients de la galerie qui ne passaient plus devant notre boutique qu’en entrant dans la galerie ». Bref : un chiffre d’affaires en chute libre.
Les deux entrepreneurs tiennent tant bien que mal, évitent les dettes ONSS ou à la TVA. Leur loyer de 3000€ mensuels devient rapidement impayable. « Chez Docks, tous les commerçants ont eu droit à un an de loyer offert. Nous un mois et demi seulement » soupire l’un d’eux. En découle une dette de 30.000 €, que les commerçants remboursent peu à peu en augmentant leurs paiements de 3.000 à 4.000 € par mois. Toutefois, le propriétaire – Galimmo, investisseur français propriétaire de plusieurs galeries – reste inflexible. L’affaire s’en va au tribunal.

Des palettes pour barrer l’entrée du magasin

Si David songe aujourd’hui à changer de type de commerce, Salvatore du haut de ses 23 ans est bien décidé à reprendre seul la boutique de fleurs. « Pour réduire la dette j’ai proposé de verser toutes mes économies : 23.500 € » affirme le jeune homme. « Mais il y a deux jours (ndlr le 20.06) j’ai reçu un appel qui me disait que mon offre était refusée. Le lendemain, ils venaient déposer des palettes devant la porte pour barrer l’accès ». Sur le moment David Maertens, proteste. Il finit par faire rebrousser chemin à l’huissier en rappelant qu’il n’y a formellement aucune décision de justice imposant la fermeture du commerce. « J’ai montré un document qui indique qu’on a rendez-vous chez le juge le 30 juin, une conciliation est possible surtout vu ce qu’on propose de rembourser rapidement ». Mais le lendemain, rebelotte. Cette fois, deux policiers accompagnent. À nouveau David s’interpose, cette fois en vain « ils m’ont dit qu’ils n’étaient pas supposés lire ce document ». Salvatore embraie « ils ont commencé à disposer des palettes, j’étais scotché car je croyais quand même qu’on pourrait continuer à travailler ».

Solidarité et volonté de poursuivre

Chassés, les deux commerçants reçoivent rapidement des marques de soutien de leurs voisins. L’un d’eux nous confie « beaucoup de vitrines sont vides dans la galerie, pourquoi chasser des commerçants qui paient et ramènent des clients ? C’est mauvais pour tout le monde une vitrine vide de plus ».
Certains activent leurs contacts pour trouver un espace commercial disponible. « C’est en bonne voie et j’y crois tonne Salvatore Fleuriste c’est un métier qui se pratique sept jours sur sept. On est aussi sur les marchés J’espère qu’en déménageant ailleurs mais pas trop loin, mes clients nous suivront. On se connaît bien ».

Suites en Justice

Après avoir tenté de se défendre seuls en Justice, les deux hommes finissent par contacter un avocat, en la personne de Pierre Dupuis spécialiste du droit du bail commercial. « Mes clients font preuve de beaucoup de bonne volonté, l’affaire sera jugée sur le fond en septembre (…) la jurisprudence de la crise covid plaide en leur faveur même si cela ne plaît guère à leur propriétaire ». En appel, l’avocat n’exclut pas de responsabiliser Galimmo « et pourquoi pas de leur payer des dommages et intérêts à mes clients s’ils sont entre temps poussés à la faillite. »
Avec la fermeture du magasin ce sont deux indépendants mais aussi trois employés et deux autres indépendants qui se retrouvent privés de revenus.

M.G.