Procès des attentats de Bruxelles : la famille du kamikaze Najim Laachraoui témoigne

Procès Attentats 22 mars 2016 Bruxelles - Dessin Belga Jonathan De Cesare

La famille de Khalid et Ibrahim El Bakraoui ainsi que celle de Najim Laachraoui, les trois kamikazes des attentats du 22 mars 2016 à Bruxelles, seront auditionnées jeudi par la cour d’assises.

Les témoignages sur les faits ont débuté mercredi avec l’audition de Mohamed Bakkali et Yassine Atar, tous deux condamnés en France pour leur implication dans les attentats du 13 novembre 2015 à Paris. La fin de l’audience a été consacrée à l’égrainage des noms des victimes vivantes de l’explosion à Maelbeek, avec leur localisation au moment des faits et les séquelles physiques et psychologiques qui en ont découlé. Cette présentation d’un retour de devoir d’enquête demandé par la cour devrait se poursuivre jeudi après-midi, si le programme le permet.

Le début d’audience sera en effet consacré aux témoignages des familles des frères El Bakraoui et de Najim Laachraoui. La cour procèdera aussi à la lecture des auditions de Muhammad Usman et Adel Haddadi. Les deux hommes, condamnés en France pour avoir été mêlés aux attaques du 13 novembre 2015 à Paris, avaient refusé de venir témoigner.


11h00 – Khalid El Bakraoui ne s’est pas radicalisé en prison, selon la directrice

Le kamikaze de Maelbeek, Khalid El Bakraoui, ne s’est pas radicalisé en prison, a témoigné jeudi matin, Marie De Pauw, qui était directrice de la prison de Nivelles lorsque El Bakraoui y a fini de purger une peine de 2012 à 2014. Elle en garde le souvenir d’un détenu sympathique, jovial mais très immature, a-t-elle rapporté devant la cour d’assises de Bruxelles chargée de juger les attentats commis le 22 mars 2016 dans la capitale.

“Quand j’ai entendu que c’était lui, sincèrement, j’étais hyper choquée, étonnée”, a-t-elle déclaré. La surprise a saisi d’autres de ses collègues, personne dans les travailleurs de la prison ne le considérant comme radicalisé. “Le service psychosocial était en pleurs, on avait un sentiment d’échec… Mais je n’ai pas du tout le sentiment qu’il s’est radicalisé en prison (…) plutôt à sa sortie de prison”, a rapporté le témoin, affirmant avoir lu et relu le dossier de Khalid El Bakraoui après les attentats, afin de trouver des traces de radicalisation, en vain.

L’islam “était sa religion, il ne s’en cachait pas”. Mais il s’intéressait à différents courants religieux. “Guy Gilbert était venu en prison, il avait été très intéressé par son discours d’aide aux jeunes”, il participait aux animations d’autres cultes, s’est rappelée Mme De Pauw. “C’était quelqu’un qui avait envie d’apprendre beaucoup de choses. Mais je ne sais pas si ses capacités intellectuelles étaient suffisantes pour comprendre ce qu’il emmagasinait.”  A la prison de Nivelles, alors que le tribunal de l’application des peines ne cessait de refuser ses demandes de libération anticipée, Khalid El Bakraoui se sentait “perdu et désoeuvré”. Pour la directrice de l’époque, il s’est peut-être radicalisé à sa sortie “parce qu’il n’avait pas très confiance en lui”. “Peut-être que ça lui a donné un sentiment de pouvoir, d’avoir une place.”

Alors que les frères El Bakraoui ont régulièrement été dépeints comme des manipulateurs, capables de dissimuler leur radicalisation même à leurs proches, l’ancienne directrice de la prison de Nivelles estime que Khalid n’aurait “pas été capable de dire le contraire de ce qu’il pensait”, a-t-elle répondu à la question d’un juré.

“Il était impulsif, et peu capable intellectuellement. Je l’ai connu un an et demi, pour cacher ce que l’on pense pendant aussi longtemps, il faut être très fort intellectuellement.”  Sa radicalisation, elle en est persuadée, est arrivée à sa sortie de détention. Mais la prison a joué un rôle, “car il avait mentalement souffert”. “C’est peut-être une petite pierre à son édifice de terroriste, peut-être un mur entier, mais pas parce qu’il y a côtoyé des personnes radicalisées, alors que c’est souvent ce qui arrive.”  Elle reconnait par contre que, globalement, la prison peut être une “caisse de résonance” de certains propos.

“La prison, c’est l’isolement, vous êtes mis hors de la société (…) Vous concentrez des personnes qui ont, avec eux, un bagage, que ce soit familial, social ou scolaire, très négatif. Des relations se tissent entre eux et les phénomènes d’injustice ressentie vont prendre une puissance phénoménale, ils s’auto-rassurent sur ce phénomène-là. Je pense que la prison peut avoir un rôle sur pas mal de choses, un peu de positif et pas mal de négatif”, a-t-elle admis.

Entre 2012 et 2014, le focus n’était pas mis sur la radicalisation dans les prisons. A l’époque, des jeunes partaient en Syrie, “mais j’ai l’impression que ça a pris un petit peu de temps dans les prisons pour savoir ce que l’on devait faire”, a-t-elle reconnu à une question de Me Lurquin, avocat de l’accusé Hervé Bayingana Muhirwa. “On cherche encore comment faire bien. On fait ce qu’on peut avec les moyens qu’on a. Ce n’est un secret pour personne ici que la justice est un parent pauvre, et la prison en particulier. On ne fait pas de miracles, les prisons font ce qu’elles peuvent, avec les moyens qu’elles ont et qui ne sont pas toujours adaptés à la gravité de la situation”, a-t-elle conclu.


12h33 – “Incontestable que Khalid El Bakraoui s’est radicalisé en prison”, réplique la défense

Deux avocats de la défense ont affirmé, jeudi, devant la cour d’assises de Bruxelles, qu’il était incontestable que Khalid El Bakraoui, le kamikaze qui s’est fait exploser le 22 mars 2016 dans le métro à Maelbeek, s’était radicalisé en prison. Leurs déclarations vont à rebours du témoignage livré plus tôt par l’ancienne directrice de la prison de Nivelles qui a estimé qu’El Bakraoui ne s’était pas radicalisé derrière les barreaux.

Mme De Pauw, qui a fréquenté Khalid El Bakraoui durant son incarcération à la prison de Nivelles entre 2012 et 2014, lorsqu’elle dirigeait l’établissement, a déclaré qu’elle ne pensait pas qu’il s’y soit radicalisé. “Mais la prison lui a peut-être permis cette radicalisation parce qu’il y a mentalement souffert, il n’avait qu’une vingtaine d’années”, a-t-elle indiqué.

“C’est peut-être une petite pierre à son édifice de terroriste, peut-être un mur entier”, a-t-elle ajouté, soulignant que les détenus naviguent entre frustration, déception, injustice, ennui et oisiveté. Me Jonathan De Taye, l’avocat d’Ali El Haddad Asufi, a salué un témoignage “très riche d’une professionnelle très dévouée à son travail” avant de revenir sur les rêves qu’aurait fait Khalid El Bakraoui en prison, dans lesquels il se voyait notamment mener une bataille épique aux côtés du prophète.

“Il est incontestable qu’il s’est radicalisé en prison”, a-t-il tranché, ajoutant qu’il s’intéressait au soufisme, un courant mystique et ésotérique de l’islam. Son confrère, Me Michel Degrève, l’avocat de Smaïl Farisi, a renchéri, estimant que “tout établit que les frères El Bakraoui, et surtout Khalid, dissimulaient avec force leur radicalisation”. “Cela a échappé au personnel de prison, au tribunal de l’application des peines, au contrôle des juges d’instruction, et aux 48 habitants de l’avenue des casernes (d’où sont partis le kamikaze Khalid El Bakraoui et l’accusé Osama Krayem le matin du 22 mars 2016, NDLR), a-t-il soutenu.


13h00 – La famille des frères El Bakraoui renonce à témoigner

La famille des kamikazes Khalid et Ibrahim El Bakraoui s’est ravisée et ne viendra finalement pas témoigner, jeudi, devant la cour d’assises chargée de juger les attentats à Bruxelles du 22 mars 2016, a annoncé la présidente Laurence Massart.

L’audience de jeudi devait normalement être consacrée aux témoignages des familles de Khalid et Ibrahim El Bakraoui ainsi que celle de Najim Laachraoui, les trois kamikazes des attentats du 22 mars 2016 à Bruxelles. Mais les proches des frères El Bakraoui se sont finalement rétractés. La présidente de la cour, Laurent Massart, a regretté une telle hésitation, “parce que les membres de la famille ne sont ici pas interrogés en tant qu’accusés”. Reste à voir si la famille de Najim Laachraoui viendra, elle, témoigner à la barre en début d’après-midi jeudi.


14h10 – La défense dénonce “la malhonnêteté intellectuelle” du parquet fédéral

Alors que le parquet avait sollicité les témoignages de Muhammad Usman et Adel Haddadi, deux hommes condamnés par la cour d’assises de Paris dans le cadre du procès du 13 novembre 2015, ceux-ci ont refusé de se présenter devant la cour d’assises de Bruxelles. Certaines de leurs auditions ont donc été lues jeudi matin. Des avocats de la défense ont profité de leurs commentaires pour tacler la “malhonnêteté intellectuelle” du parquet, qui voulait, selon eux, par ces témoignages, démontrer que des hommes qui avaient été arrêtés avant les attentats pouvaient tout de même être condamnés pour ces faits.

“Ces deux messieurs n’ont été, ni poursuivis, ni condamnés, pour les attentats du 13 novembre. (…) Ils n’ont même pas été poursuivis par le PNAT (parquet national anti-terroriste français, NDLR) pour ça, et c’est extrêmement important”, a relevé Me Paci, avocate de l’accusé Salah Abdeslam, arrêté quelques jours avant le 22 mars 2016.

“Il faut distinguer, vous avez d’une part l’association et de l’autre l’assassinat”, a embrayé son confrère Me De Taye, qui défend l’accusé El Haddad Asufi. “C’est une escroquerie intellectuelle du parquet”, a-t-il dénoncé. “On vient vous prendre des petits éléments à droite à gauche, mais on ne vous dit pas la vérité.” Me Gultaslar, qui représente Sofien Ayari, arrêté lui aussi quelques jours avant les attentats, a appuyé son confrère.

“L’utilité pour le parquet fédéral de vous lire ces auditions (…)”, c’est de dire “tiens voilà, vous avez une personne, qui n’était pas à Paris car arrêtée avant, elle a quand même été poursuivie et condamnée à Paris, donc vous pouvez le faire pour Ayari et Abdeslam”, a-t-il synthétisé. “Si le but c’était de nous faire dire que c’est la même chose à Bruxelles qu’à Paris, et bien c’est parfait“, a-t-il poursuivi. Même le PNAT, “qui ne fait de cadeau à personne”, qui a enquêté cinq ans et disposait de dizaines d’auditions des deux hommes, les a uniquement renvoyés devant la cour “pour l’équivalent belge de participation aux activités d’un groupe terroriste”, et non pour assassinats terroristes, ce qui est par contre le cas de Salah Abdeslam et Ayari dans ce procès belge.

Adel Haddadi et Muhammad Usman, qui avaient été arrêtés sur “la route des migrants” en se rendant en Europe, ont tous les deux été condamnés par la cour d’assises de Paris à 18 ans de prison, avec une période de sûreté des deux tiers, pour association de malfaiteurs terroriste. “La différence, avec MM Ayari et Abdeslam, c’est qu’ils se trouvaient dans une des caches au moment où les attentats étaient prêts à être perpétrés”, a répondu la procureure Somers.

Me Gultaslar a conclu les commentaires de la défense en estimant que la présence de son client dans le box des accusés, alors qu’il a déjà été condamné dans deux procès (Paris et la fusillade de la rue du Dries) ne se justifiait que par la volonté du parquet d’avoir suffisamment d’accusés à juger. “M. Bakkali, il a été poursuivi dans le cadre des attentats à Paris, et condamné. En réalité il aurait pu être poursuivi de la même manière (qu’Ayari) par le parquet fédéral belge (…) Le 1er décembre 2015 (date qui marque la période infractionnelle du procès de Bruxelles, NDLR), il n’y a pas subitement un nouveau groupe qui se forme. S’il n’y avait pas eu assez d’accusés, on se serait dit ‘il faut meubler le box’ et on aurait pris Bakkali”, a-t-il affirmé.


16h49 – Il était très facile pour les frères El Bakraoui de se procurer des armes (cousin)

“Des armes, les frères El Bakraoui n’avaient aucune difficulté à en trouver à Bruxelles”, a affirmé leur cousin, Jawad Benhattal, jeudi après-midi devant la cour d’assises de Bruxelles chargée de juger les attentats commis le 22 mars 2016. “Quand on rentre en prison, on rencontre toute une série de personnes et on ressort avec un carnet d’adresses”, a-t-il déclaré, ajoutant que celui qu’il décrit comme son “ami”, Ali El Haddad Asufi, “n’a jamais eu le profil d’un trafiquant d’armes”.

Le cousin des kamikazes El Bakraoui était plus proche d’Ibrahim, du même âge que lui. Ensemble, ils “fréquentaient des filles, allaient boire des verres, comme n’importe quels jeunes”, puis ils ont “fait des bêtises liées au grand banditisme”, mais “qui n’avaient rien à voir avec le terrorisme”.

Quand Ibrahim sort de prison en 2014, les deux cousins n’ont presque plus de contacts, “pour des raisons ridicules”. “C’est après que j’ai compris que c’était une stratégie de sa part de s’éloigner de moi, car il avait changé.” “Ils ont su dissimuler ça. Moi j’ai grandi avec eux, j’ai rien vu”, a-t-il affirmé.  “Pour moi, c’est en prison que tout s’est passé. C’est peut-être Khalid qui s’est radicalisé et qui a entraîné Ibrahim avec lui”, estime M. Benhattal. “Il m’a fallu beaucoup d’années pour accepter qu’ils avaient pu faire ça, j’ai été à la morgue pour voir leurs dépouilles. (…) J’avais besoin de ça pour réaliser”, a ajouté celui qui dit ne jamais avoir entendu parler de l’Etat islamique avant les attentats.

“Je ne m’intéressais pas à la religion.” C’est peut-être pour cette raison qu’un autre de ses cousins, Oussama Atar – jugé ici par défaut car présumé mort – “n’a à aucun moment essayé de m’endoctriner” malgré de nombreuses visites en prison. Les parents et la soeur des frères El Bakraoui n’ont pas souhaité témoigner devant la cour d’assises. “Toute la famille est totalement détruite”, a glissé M. Benhattal. “Ils sont à bout, ils ne vivent plus, ils survivent.” “On n’a rien vu venir, c’est ça le plus dur dans l’histoire, on n’était pas loin donc tout le monde pense qu’on aurait dû les dénoncer, mais on a été les premiers à être bernés”, a-t-il dit à la cour.


18h05 – Najim Laachraoui s’est radicalisé dans les mosquées, selon sa famille

Ils étaient six à venir témoigner à la barre, jeudi, devant la cour d’assises de Bruxelles chargée de juger les attentats du 22 mars 2016 à Bruxelles. Toute la famille de Najim Laachraoui s’est présentée pour brosser le portrait d’un des kamikazes de l’aéroport de Zaventem. “C’était le plus gentil de mes enfants”, a déclaré son père, qui est convaincu que son fils s’est radicalisé en fréquentant les mosquées.

La mère, le père, les trois frères et l’unique soeur de Najim Laachraoui, né en 1991, étaient présents jeudi pour tenter d’expliquer comment leur grand frère en est arrivé là. C’est au moment où Najim Laachraoui commence à étudier à l’université que tout a basculé, se souvient son père. “On n’était plus en de bons termes parce que son niveau d’études avait diminué. Il étudiait autre chose, il s’intéressait à l’arabe”, a expliqué son père, qui a alors décidé de couper la connexion internet à la maison avant de se raviser car ça pénalisait les autres enfants de la famille. “Je ne sais pas comment mon fils en est arrivé là. C’est un point d’interrogation”, a-t-il poursuivi, tout en exprimant sa peine pour les victimes des attentats et leurs familles.

“La seule chose dont je suis sûr, c’est que les mosquées ont joué un rôle” dans le processus de radicalisation de Najim Lachraoui. Les fréquentations de Najim l’ont “certainement” fait mal tourner, a répondu à la question d’une jurée l’un des frères du terroriste. “Soit des amis l’ont entrainé vers des mosquées, soit il a rencontré de mauvaises personnes là-bas”, a-t-il ajouté. Une fois en Syrie, Najim Lachraoui téléphone tous les trois à quatre mois environ à ses parents. “Il m’a dit qu’il allait combattre Bachar El Assad. Il ne voulait pas revenir”, a indiqué son père qui précise avoir pleuré pendant deux ans après son départ au point de s’abimer les yeux.

“Il n’avait pas l’air heureux au téléphone”, a-t-il confié. A l’automne 2015, quelques mois avant les attentats de Paris, Najim Laachraoui revient en Belgique mais sa famille n’en est pas informée et ignore donc complètement qu’il a dans la tête un projet d’attentat. “Peut-être a-t-il essayé de nous éviter pour qu’on ne soit pas impliqués”, avance son papa. Un autre frère de Najim, de sept ans son cadet, l’a décrit comme un garçon “aimable, gentil”, un “frère tout à fait normal avec qui je n’avais que de bons souvenirs”.

Quand il apprend que c’est lui derrière les attentats commis à l’aéroport de Zaventem, c’est l’étonnement. “Il m’a fallu du temps pour me rendre vraiment compte que c’était mon frère. C’était aux antipodes de ce qu’il représentait, de ce que je voyais en lui.” “C’est un cauchemar que mon fils soit parti, qu’il ait changé comme ça”, a témoigné sa mère, qui ne s’en remet pas, sept ans après les faits. “Merci d’avoir eu le courage de venir témoigner”, a conclu la présidente, alors que la famille des frères El Bakraoui, les autres kamikazes des attentats à Bruxelles, a, elle, renoncé.


18h56 – Un ami d’enfance de Najim Laachraoui lève le voile sur son départ en Syrie

Najim Laachraoui, un des kamikazes des attentats à l’aéroport de Bruxelles, est parti en Syrie car il voulait y combattre le régime de Bachar El Assad aux côtés des rebelles, a témoigné, jeudi, devant la cour d’assises de Bruxelles, un ami d’enfance du terroriste. “Un jour, il m’a dit qu’il espérait mourir sur place”, a indiqué l’étudiant, âgé aujourd’hui de 32 ans. “Je l’ai compris comme un ras-le-bol de la vie plutôt que l’espoir d’une récompense divine”, a-t-il complété.

Najim Laachraoui et le témoin se sont connus sur les bancs de l’école primaire avant de se perdre de vue, puis de se retrouver vers 17, 18 ans lorsqu’ils commencent l’université. Le trentenaire à la barre raconte avoir aidé un autre ami, Bilal, à partir pour la Syrie. Un jour, Najim Laachraoui lui a demandé s’il était lui-même prêt à partir. “Je ne l’étais pas”, retrace-t-il.

Après cela, le sujet n’a plus été abordé et Najim Laachraoui est parti en toute discrétion. “J’ai été très touché par son départ et du fait qu’il n’ait pas partagé avec moi ses intentions de partir”, avoue le témoin. “Si j’avais répondu que j’étais prêt, il m’aurait sûrement proposé de partir avec lui”, avance-t-il. “Mais je n’étais pas prêt à risquer ma vie, même pour une cause qui me semblait juste”, a-t-il souligné. Avant son départ, Najim Laachraoui avait fait un rapprochement avec ses échecs dans son parcours scolaire.

“C’est peut-être que Dieu a d’autres projets pour nous”, avait-il lancé à son ami. Le témoin ne sait pas précisément ce que Laachraoui a été amené à faire en Syrie. “On sent qu’ils avaient des consignes de ne pas décrire ce qu’ils faisaient”, a-t-il indiqué. “Je ne voulais pas non plus lui tendre de perche, pour ensuite devoir lui répondre que je ne voulais pas partir.” En 2013, Najim Laachraoui lui a indiqué qu’il espérait mourir au combat. “J’avais l’impression que c’était dur pour lui ce qu’il vivait. Je l’ai compris comme un ras-le-bol de la vie plutôt que l’espoir d’une récompense divine. Mourir en martyr, ce n’est pas quelque chose de souhaitable, plutôt une consolation”, a-t-il souligné.

“C’est plus difficile de faire marche arrière et de se rendre compte qu’on a fait une erreur quand on est impliqué”, a-t-il exposé. Même après la publication de la photo de Laachraoui la veille des attentats, le témoin ne s’est rendu compte de rien. Jamais il n’a pensé qu’il était recherché pour son implication dans un projet terroriste. “Laachraoui était quelqu’un qui détonnait par rapport aux autres personnes impliquées, car il n’avait jamais eu de problèmes avec la justice auparavant, il était beaucoup plus respectueux que la moyenne”, a-t-il soutenu. Fin 2013, les deux hommes rompent toute relation en raison de l’arrestation du témoin en février 2014 et de sa condamnation ultérieure pour avoir recruté des combattants syriens. L’une des conditions de sa libération était de rompre tout contact avec Laachraoui. “Après les attentats, il était évident que je n’avais plus aucune admiration pour lui”, a encore déclaré le trentenaire.

 

 

La Rédaction avec Belga