Procès des attentats de Bruxelles : place aux rôles d’H. Bayingana Muhirwa, I. Farisi et S. Ayari
Les rôles d’Hervé Bayingana Muhirwa, d’Ibrahim Farisi et de Sofien Ayari seront expliqués ce mardi devant la cour d’assises chargée de juger les attentats à Bruxelles du 22 mars 2016. Les enquêteurs s’approchent d’ailleurs doucement de la fin du passage en revue des “entités”, c’est-à-dire les kamikazes et les accusés, impliquées dans les attaques.
Hervé Bayingana Muhirwa
Hervé Bayingana Muhirwa, né au Rwanda en 1985, y passe son enfance. Son père décède en 1990, “assassiné par le pouvoir en place”, selon les dires de l’accusé. La famille fuit alors le pays. A 13 ans, en 1998, il finit par arriver en Belgique et par obtenir la nationalité belge en octobre 2001.
En mars 2011, l’accusé se convertit à l’islam, puis, en 2012, il fait la connaissance de Najim Laachraoui, un des deux kamikazes de l’aéroport, avec qui il a plusieurs amis en commun et qui finira par partir en Syrie, tout comme Bilal El Makhoukhi.
En novembre 2013, ce dernier revient en Belgique et Hervé Bayingana Muhirwa le conduit à plusieurs reprises devant le tribunal correctionnel d’Anvers, où Bilal comparait dans le dossier “Sharia4Belgium”. En janvier 2016, il décroche un emploi de responsable de nuit dans un centre de demandeurs d’asile de la Croix Rouge, un travail social qu’il trouve gratifiant et qui lui plait.
L’accusé accueillera à plusieurs reprises, avant et après les attentats, des membres de la cellule terroriste chez lui, rue du Tivoli à Laeken. Il sera finalement arrêté en compagnie d’Osama Krayem le 8 avril 2016 et est accusé d’avoir apporté une aide logistique “indispensable” à la commission des attentats.
Ibrahim Farisi
Après le portrait d’Hervé Bayingana Muhirwa, les enquêteurs dresseront le portrait d’Ibrahim Farisi, qui, le lendemain des attentats, est allé vider avec son frère l’appartement de l’avenue des Casernes que ce dernier sous-louait aux terroristes. Cet accusé a notamment manipulé un sac à dos ressemblant à celui que portait Osama Krayem le matin du 22 mars avant de renoncer à se faire exploser et qui ne sera jamais retrouvé. Les frères Farisi sont encore retournés à l’appartement de l’avenue des Casernes le 25 mars, pour y enlever les derniers objets.
Arrêté en avril 2016, Ibrahim Farisi a été libéré sous conditions le 16 novembre suivant. Il a ensuite été engagé par le CPAS d’Anderlecht comme médiateur au service d’accueil. Il est le seul des dix accusés à n’être poursuivi que pour participation aux activités d’un groupe terroriste, et non pour assassinats et tentatives d’assassinats commises dans un contexte terroriste comme les neuf autres, dont son frère Smail.
Sofien Ayari
Si le timing le permet, la journée de mardi se terminera par l’exposé concernant Sofien Ayari, qui avait été arrêté en même temps que Salah Abdeslam, le 18 mars 2016, à Molenbeek-Saint-Jean, quatre jours avant les attaques. Ce Tunisien a grandi dans une famille de quatre enfants.
C’est en 2013 qu’il aurait commencé à se radicaliser. Sa famille a constaté un changement de comportement chez lui. En décembre 2014, il a quitté la Tunisie pour se rendre en Syrie. Après s’y être blessé, Sofien Ayari quitte le pays à la mi-septembre 2015, en compagnie d’un autre accusé, Osama Krayem notamment. Salah Abdeslam récupère les deux hommes à Ulm, en Allemagne, début octobre 2015, et les ramène en Belgique.
On retrouvera trace de lui dans plusieurs planques des cellules responsables des attentats à Paris et Bruxelles. Dont celle de la rue du Dries à Forest, où survient une fusillade le 15 mars 2016 et lors de laquelle il prend la fuite avec Salah Abdeslam. Sofien Ayari sera arrêté le 18 mars, en compagnie de ce dernier, à Molenbeek-Saint-Jean. Tous deux affirmeront ne rien savoir des attentats qui allaient être perpétrés à Bruxelles quelques jours plus tard.
09h41 – Les victimes de Zaventem commenceront à témoigner devant la cour le lundi 6 mars
La présidente de la cour d’assises chargée de juger les attentats du 22 mars 2016 à Bruxelles a débuté l’audience en adaptant légèrement l’horaire des témoignages. Afin de ne plus repousser plusieurs fois encore les premiers témoignages de victimes et parties civiles, Laurence Massart a déplacé ceux-ci au lundi 6 mars.
La présidente de la cour a inséré une “semaine blanche” après la coupure de Carnaval (la semaine du 20 au 24 février) qu’elle remplira pendant cette interruption. Son intention est de faire témoigner des experts et des témoins de contexte durant ces quelques jours. Laurence Massart ne veut pas devoir reporter les témoignages de victimes si la séance de questions-réponses aux enquêteurs devait déborder au-delà du jeudi 16 février, comme le prévoit l’horaire actuel. “J’attends de voir comment la semaine de questions va se dérouler. Il y a des victimes qui viennent de loin et certaines ont réservé des billets d’avions, et cela fait déjà deux fois qu’on a déplacé leurs témoignages“, a-t-elle justifié.
Les victimes de Zaventem seront les premières à témoigner, suivies de celles de Maelbeek. Ce nouveau chapitre dans le procès débutera donc le lundi 6 mars.
11h08 – Mohamed Abrini, malade, absent à l’audience
Malade, l’accusé Mohamed Abrini était absent à l’audience mardi devant la cour d’assises chargée de juger les attentats à Bruxelles du 22 mars 2016. Du côté des accusés détenus présents, Osama Krayem et Salah Abdeslam ont demandé à retourner en cellulaire, au contraire de Sofien Ayari, dont le portrait devrait être dressé ce mardi. Ce dernier avait pourtant choisi de ne pas assister à l’audience lundi.
L’avocate de Mohamed Abrini, Laura Pinilla, a indiqué ne pas avoir reçu d’appel téléphonique de la part de son client. Elle a toutefois pu confirmer que “l’homme au chapeau” était malade.
Le procureur fédéral Bernard Michel a rebondi sur cette affirmation et a déclaré qu’il avait, lui, reçu un appel téléphonique. “Mohamed Abrini était au lit, souffrant. On m’a alors demandé s’il fallait l’extraire de force de sa cellule. Comme aucun médecin ne pouvait venir avant l’heure du transfert, j’ai dit qu’il pouvait y rester.”
11h36 – Un parcours et un réseau radicaliste pour Hervé Bayingana
Ce mardi matin, les enquêteurs et un expert islamologue ont rendu leurs conclusions à propos du parcours de Hervé Bayingana Muhirwa. Selon le rapport, il était engagé amicalement dans un réseau imprégné de radicalisme. Pourtant, jusqu’à son arrestation le 8 avril 2016, l’homme, âgé de 37 ans aujourd’hui, n’avait pas de casier judiciaire. Il avait juste été signalé dans des rapports administratifs car il avait été contrôlé avec plusieurs personnes connues pour leur proximité avec le milieu djihadiste.
Issu d’une famille catholique pratiquante, il s’est intéressé à d’autres religions dès l’adolescence. En 2011, il s’est converti définitivement à l’Islam. Quelques mois après cette décision, son frère décède malheureusement. Selon des proches, sa foi lui a permis de surmonter cette épreuve très difficile. C’est en 2014 qu’il montre de l’intérêt pour le conflit Syrien et la propagande islamiste associée à Al Qaida et à l’Etat islamique (EI).
Lui, assure ne jamais avoir juré allégeance à l’EI. Une version vivement contestée par les enquêteurs. Ils se basent sur certains messages audio de Najim Laachraoui où il est fait mention d’un “frère”, appelé Amine, actif dans la logistique de la cellule terroriste et qui aurait fait “bay’a”, c’est-à-dire allégeance. D’autres documents sur son ordinateur, son smartphone, ou sur une clé USB tendent à démontrer également qu’il était bien en accord avec les idées d’un Djihad armé.
13h03 – Les déclarations de Bayingana Muhirwa ont fluctué, mais pas concernant le surnom ‘Amine’
Le Belgo-Rwandais, qui vivait à Laeken, a été interrogé 13 fois par la police après son arrestation le 8 avril 2016 et deux fois par le juge d’instruction. Son récit est fluctuant sur certains points et est parfois même contradictoire, a analysé la juge d’instruction.
“Hervé Bayingana Muhirwa a changé sa version concernant l’accueil à son domicile de Mohamed Abrini et d’Osama Krayem, le jour où ils sont arrivés ou repartis, qui est venu avec qui, et les itinéraires qu’il a empruntés“, a ainsi détaillé Mme Grégoire. L’accusé a également évolué sur sa connaissance des autres membres du groupe, sur son engagement envers l’EI, sur son intérêt pour le djihad et sur son implication dans la cellule.
Lors de sa première audition, le 8 avril, Hervé Bayingana Muhirwa avait par exemple déclaré que Mohamed Abrini et Osama Krayem étaient soudainement apparus devant lui dans une mosquée voisine, déclaration qu’il a corrigée par la suite.
Lors d’un second interrogatoire, dans la nuit du 8 au 9 avril, il avait reconnu le coaccusé Salah Abdeslam et le kamikaze de l’aéroport Najim Laachraoui sur des photos, mais, selon lui, uniquement parce que celles-ci étaient dans la presse. Il se rétractera sur ce point également.
Lors d’interrogatoires encore plus tardifs, il s’avérera finalement que c’est Najim Laachraoui avait déposé Mohamed Abrini et Osama Krayem chez Hervé Bayingana Muhirwa, rue du Tivoli à Laeken. Ces deux derniers utilisaient l’ordinateur de l’accusé pendant qu’il dormait, de retour de son travail de nuit pour la Croix Rouge, expliquera-t-il d’ailleurs.
Le Belgo-Rwandais a par ailleurs contesté connaître Ibrahim El Bakraoui, l’autre kamikaze de l’aéroport, au contraire de Bilal El Makhoukhi, un voisin et ami d’enfance.
Dans toutes ses déclarations, l’accusé a par contre toujours maintenu qu’il n’est pas “Amine”, a souligné la juge d’instruction Grégoire.
À l’issue des deux auditions policières et après avoir entendu Hervé Bayingana Muhirwa le 9 avril 2016, la juge d’instruction placera l’intéressé sous mandat d’arrêt et l’inculpera pour participation aux activités d’un groupe terroriste, assassinats commis dans un contexte terroriste et tentatives d’assassinats commises dans un même contexte terroriste.
► Notre dossier sur les attentats de Bruxelles
Belga – Photo : Belga