Procès des attentats de Bruxelles : une journée d’audience marquée par les images macabres des victimes à Maelbeek

Le procès des attentats de Bruxelles a repris ce lundi matin, au Justitia.

Lundi matin, seuls six des sept accusés détenus se sont présentés à l’entame de l’audience, Salah Abdeslam faisant défaut. Un certificat médical a été rendu pour justifier son absence. Après la discussion sur les fouilles à nu, Osama Krayem, Mohamed Abrini et Ali El Haddad Asufi ont quitté la salle d’audience.

10h36 – Hervé Bayingana Muhirwa présenté comme condamné pour les attentats de Paris

Selon Me Vincent Lurquin, la police a inscrit, dans ses justifications pour la fouille à nu avec génuflexions d’Hervé Bayingana Muhirwa, que l’accusé dans le procès des attentats de Bruxelles avait été condamné à 20 ans d’emprisonnement lors du procès des attentats de Paris. Or, son client ne faisait pas partie des accusés lors de ce procès, s’est-il offusqué lundi matin, à la reprise devant la cour d’assises de Bruxelles du procès des attentats du 22 mars 2016.

Jeudi déjà, l’analyse de risques de l’accusé Hervé Bayingana Muhirwa avait laissé perplexe, le document le présentant comme récidiviste. “Mon client a un casier judiciaire totalement vierge et cela a été confirmé par le parquet fédéral“, a souligné lundi matin Me Lurquin, faisant référence à l’acte d’accusation qui ne mentionne pas de précédente condamnation pour M. Bayingana Muhirwa. Le co-accusé a confirmé à la présidente de la cour, Laurence Massart, qu’il subissait encore des fouilles à nu accompagnées de génuflexion, tout comme les autres accusés détenus. “Rien n’a changé” depuis que le juge des référés a interdit fin décembre ce type de fouilles à nu systématiques sans justification, a lancé Me Lurquin. Or, ces justifications sont bancales, selon le pénaliste. La police a légitimé ce procédé par la condamnation pour tentative de meurtre d’Hervé Bayingana Muhirwa à Paris. “Mais mon client n’a aucune condamnation, son casier judiciaire est vierge. Et le parquet fédéral l’a confirmé. De qui se moque-t-on?

Une intervention qui a fait réagir le co-accusé Mohamed Abrini, alors que la présidente lui demandait si, lui aussi, avait été soumis à une fouille à nu lundi matin. “Aujourd’hui, j’apprends qu’Hervé a été condamné à Paris. J’étais là, je ne l’ai pas vu“, a-t-il ironisé. “Ce n’est que de la perversion. Dans ce pays, vous aimez voir les gens à poil. Même pour vendre un shampoing ou un yaourt, vous mettez les femmes à nu dans votre société.

Depuis les bancs de la défense, Me Virgine Taelman a annoncé à la cour qu’un huissier de justice irait mardi, à 06h00 du matin, à la prison de Haren pour “constater ce qui s’y passe“. “L’État belge est au courant”, a-t-elle ajouté.


11h43 – Malgré une charge moins importante, l’explosion aussi mortelle à Maelbeek

L’explosion dans la station de métro de Maelbeek le 22 mars 2016 ne représentait qu’un quart de la charge qui a explosé à l’aéroport de Zaventem mais était tout aussi mortelle, a exposé lundi matin, devant la cour d’assises, un officier du service de déminage de l’armée, le Sedee. En cause: la configuration des lieux, un espace sous-terrain confiné.

Seize personnes ont perdu la vie le 22 mars 2016 des suites de l’explosion de la charge, soit le même bilan mortel qu’à la suite des deux explosions à l’aéroport de Bruxelles-National. Le nombre de blessés est également similaire. “C’est lié au fait que l’espace était confiné“, a expliqué le major Maarten Verburg du Sedee. La force de l’explosion était visible sur l’auteur lui-même, les victimes, les dommages matériels… Le sol, à l’endroit où se trouvait le kamikaze, était déformé sur un espace de 1m10 sur 1m70 et profondément fissuré, a illustré le major.

L’officier a également insisté sur le fait que le confinement des lieux avait quelque peu compliqué l’inventaire des pièces à conviction. Un grand nombre d’éléments potentiellement importants pour l’enquête se retrouvait accumulé sur un petit espace, c’est-à-dire principalement les voies empruntées par la rame de métro qui a explosé ainsi que les quais. Pour les équipes chargées d’en faire l’inventaire, “c’était très compliqué de travailler“. Les intervenants du Sedee mais aussi de la police criminelle ou de l’identification des victimes, par exemple, qui ont travaillé ensemble, ont ainsi manqué de plaquettes numérotées, placées à côté de chaque élément jugé important pour l’enquête. “Nous avons dû utiliser des post-it, des cartons“, a illustré le major.

Les conditions de travail étaient également difficiles en raison de la situation elle-même. “C’était une descente en enfer“, a témoigné l’officier du Sedee. “On descendait la cage d’escalier vers une scène d’horreur“, a-t-il décrit, ajoutant que l’espace confiné concentrait “beaucoup de victimes, beaucoup de dégâts“, se souvenant des bruits qui envahissaient la station, dont de nombreuses sonneries émanant des téléphones des victimes, et des odeurs de chair brûlée. La fonction même du Sedee était également psychologiquement difficile, “nous n’avons pas apporté une aide, nous étions là pour constater l’inévitabilité de la mort. C’était très dur“. L’officier a également témoigné de la difficulté de prendre suffisamment de distance, pour tenir le coup psychologiquement, tout en se mettant à la recherche d’éléments personnels permettant d’identifier les victimes. “On sait qui on a retrouvé, où et qui était qui“, souligne le major Verburg, qui se souvient notamment d’avoir eu en main le téléphone d’une victime qui sonnait, se demandant s’il devait prendre l’appel.

Si la première tâche du Sedee a été de sécuriser la zone, pour s’assurer qu’il ne restait plus d’engins explosifs potentiels, le service de déminage a ensuite été chargé d’identifier l’auteur de l’explosion et la charge qu’il avait utilisée. Le major souligne que des images vidéos n’ont été disponibles qu’une semaine après les faits.

Premier mystère à élucider : une incohérence entre les témoins physiques de l’explosion sur les murs et l’épicentre de l’explosion. Ainsi, le métro était arrêté à une quinzaine de mètres de l’épicentre de l’explosion, ce qui a permis de comprendre que le terroriste avait fait exploser sa charge alors que la rame se mettait en branle. Le Sedee se met ensuite à la recherche de pièces lui permettant d’identifier l’explosif utilisé, à savoir la source d’énergie, son initiateur, l’explosif lui-même, le contenant, un éventuel renforçateur et un interrupteur. Le service de déminage a réussi à déterminer que l’explosif utilisé était du TATP, un produit qui laisse peu de traces mais qui a pu être identifié grâce à des échantillons prélevés sur la porte devant laquelle se tenait le terroriste au moment de faire exploser sa charge. Le contenant, un sac à dos, a également pu être identifié, grâce à des morceaux – bretelles, emblème de la marque… – retrouvés autour de l’épicentre de l’explosion. Le bouton par lequel l’explosion a été déclenché et les câbles entortillés dans la manche de la veste du kamikaze ont également été retrouvés, ainsi que de nombreux écrous, utilisés pour renforcer la force de l’explosion


13h30 – L’audition de la police judiciaire, technique et scientifique

Le procès devant la cour d’assises de Bruxelles des attentats du 22 mars 2016 s’est poursuivi par la présentation lundi, en fin de matinée, des premières constatations judiciaires opérées dans la station de métro de Maelbeek, où une explosion a coûté la vie à 16 personnes. Celle qui était commissaire judiciaire de la police fédérale, cheffe d’équipe à la police criminelle, et un technicien, à l’époque, pour le laboratoire de la police technique et scientifique de la PJF de Bruxelles ont exposé, via des images parfois très dures, les premiers éléments découverts lorsqu’ils ont pénétré sur les lieux de l’attentat.

La commissaire de la police judiciaire fédérale est arrivée à la station de Maelbeek à 09h40 le 22 mars 2016 mais a dû attendre l’autorisation du service de déminage de l’armée (Sedee) avant de pénétrer sur les lieux, vers 11h30. Elle a décrit à la cour un “climat de tension palpable” et, comme de multiples intervenants avant elle, un effet de saisissement lors de ses premiers pas sur les lieux de l’explosion. “J’ai plus de 25 ans de carrière, des scènes de crime, j’en ai connues et gérées par dizaines. Ici, c’est différent. Ça s’apparente à ce qu’on imagine être une scène de guerre. C’est très différent de ce à quoi on a été confrontés jusque-là“, témoigne-t-elle. Elle souligne l’ampleur des dégâts, de la zone impactée, le nombre de victimes qu’elle ne peut quantifier dans un premier temps… “C’était inédit et déroutant humainement, mais également au regard de nos méthodes de travail habituelles“, explique-t-elle.

Celle qui était commissaire – et travaille depuis pour le Comité P – pointe également les difficultés de communication, alors que les réseaux téléphonique et Astrid (utilisé par les services de secours) étaient saturés. “Nous étions coupés de contact avec quiconque, nous avons dû gérer la situation, concevoir une méthode de travail et nous organiser seuls, en totale indépendance.
La méthode choisie sera de quadriller la station et de la faire inspecter par trois équipes pluridisciplinaires, chacune composée de trois enquêteurs de la police criminelle, trois techniciens du labo, une personne du Sedee, deux du service d’identification des victimes et un médecin légiste. Leurs missions: identifier et localiser les victimes mais aussi le ou les auteurs ainsi que l’engin explosif.

Les constatations sont effectuées dans le calme mais toujours sous tension. “Nous avons dû à plusieurs reprises partir en courant pour obéir aux ordres des démineurs“, se souvient le technicien.
Les deux témoins ont exposé, avec force détails, l’immensité des éléments retrouvés sur le quai de la station à côté de la rame qui a explosé, ainsi que dans les voitures, soulignant qu’au moment de ces constatations, il n’était pas question de trier les éléments mais bien de les inventorier. L’après-midi, le duo poursuivra sa présentation avec les éléments découverts dans la deuxième voiture, celle où le kamikaze s’est fait exploser, sur la voie de l’autre côté de la rame ainsi que sur l’autre quai.

De nombreux éléments ont été retrouvés sur le ballast à hauteur de la troisième voiture, soit à côté de l’endroit où la deuxième voiture a explosé avant de s’arrêter quelques mètres plus loin. Outre les boulons, fragments osseux, boucles d’oreille et autres objets personnels, les équipes retrouvent ici le dossier d’un siège de métro taché de sang, là, une poussette. “Lors du briefing, c’était l’une des seules questions posées par mes équipes: s’il y avait des enfants parmi les victimes. Et je n’étais pas en mesure de leur répondre.” C’est aussi à cet endroit, projetés sur la voie en dessous du quai et le long du mur de soutènement, que les premiers corps ont été retrouvés. Il s’agissait de deux hommes et d’une femme, deux trentenaires et un quinquagénaire, détermineront par la suite les enquêteurs. Mais dans un premier temps, “il était difficile de voir le nombre de personnes découvertes à cet endroit“, la commissaire décrivant un enchevêtrement de “corps et de parties de corps“. Plusieurs documents d’identité et personnels sont retrouvés à proximité des victimes, facilitant leur identification.

Cette découverte des corps permet aux témoins de souligner l’état “d’apnée émotionnelle” dans lequel ils ont dû plonger pour effectuer leur travail, soit la récolte des preuves, de manière efficace. “Ce n’était pas du détachement mais un état d’apnée émotionnelle, permettant d’être isolé des agitations de la surface et de rester concentrés sur notre tâche“, a pointé l’ex-cheffe d’équipe à la crim’. Elle explique avoir dû mettre en silencieux ou retourner des téléphones qui, après être restés muets un moment en raison de la saturation des réseaux, se sont mis à sonner. “C’était l’irruption de l’angoisse des proches, qui cherchent à joindre les leurs. J’ai lu des messages du type: ‘Ça va, t’es où? Je t’en supplie, réponds.’ Les GSM ont été un élément clé et émotionnellement difficile car ils nous renvoyaient à autre chose, à l’humanité en souffrance. Ça n’était pas simple.


16h46 – Des fragments du corps d’El Bakraoui mènent à son identification rapide

Le 22 mars 2016, vers 21h30, les juges d’instruction sont venus exposer l’état d’avancement de l’enquête sur les attentats terroristes aux équipes chargées de répertorier les pièces à conviction dans la station de métro de Maelbeek, où une explosion a tué 16 personnes ce matin-là. C’est en voyant une capture d’écran des images de vidéosurveillance de la Stib montrant Khalid El Bakraoui, muni de son sac à dos piégé, que les enquêteurs font le lien avec des éléments déjà découverts dans la station de métro. Les empreintes digitales du kamikaze sont alors relevées, permettant son identification formelle, a exposé lundi après-midi, devant la cour d’assises de Bruxelles, celle qui était commissaire judiciaire à la police fédérale et qui a coordonné les constatations judiciaires effectuées à Maelbeek.

La gorge parfois serrée, l’ancienne cheffe d’équipe de la criminelle – affectée désormais au Comité P – a poursuivi lundi après-midi la présentation initiée en matinée des éléments retrouvés dans la station de métro Maelbeek, via des images parfois très dures des corps des victimes soufflées par la bombe déclenchée par Khalid El Bakraoui à 09h10 le 22 mars 2016.

Plusieurs corps ou fragments de corps ont été retrouvés, parfois enchevêtrés ou superposés. Ils sont fortement abîmés, brûlés, éventrés, transpercés, amputés. Le corps d’une femme est retrouvé sous un dossier de siège de métro, penchée vers l’avant, “vraisemblablement propulsée par le souffle de l’explosion“.

Les enquêteurs ont également retrouvé des éléments permettant d’identifier le terroriste, Khalid El Bakraoui. Une jambe et un morceau de son genou sont découverts dans la voiture où l’explosion a eu lieu. Sa tête, ses mains et son autre jambe sont découverts sur le quai. Les équipes chargées de récolter les preuves réalisent le soir des attentats qu’il s’agit des restes du terroriste, lorsque les juges d’instruction, accompagnés des procureurs fédéraux, viennent leur expliquer les premiers éléments de l’enquête. Une capture d’écran provenant des premières analyses des caméras de surveillance de la Stib y est présentée, sur laquelle on aperçoit Khalid El Bakraoui, affublé d’un sac à dos, qui entre dans la station de métro. “C’est à ce moment-là que nous faisons le lien” entre le terroriste présumé et la tête retrouvée sur le quai, a expliqué la témoin. “Notre attention est attirée par la veste bleue matelassée“, dont des fragments ont été retrouvés sur une main. Les équipes prélèvent alors ses empreintes digitales et les font analyser d’urgence, ce qui permet d’identifier formellement le kamikaze.

Les indices retrouvés dans les escaliers menant sur le quai du métro attestent également de la panique qui a suivi l’explosion, alors que les marches ont été empruntées par de nombreuses victimes survivantes, abandonnant moult effets personnels. Des fragments humains sont même retrouvés sur les marches.

Le jeudi 24 mars à 22h00, “après près de 60 heures de constatations, nous en avons terminé et, avec l’autorisation des juges instructeurs, j’ai rendu la station à la Stib“, a conclu la policière. Cette dernière a terminé son récit en égrenant le nom et l’âge des 16 victimes mortelles identifiées.

 

Belga

■ Reportage de Michel Geyer et Marjorie Fellinger avec Corinne De Beul