Procès des attentats de Bruxelles : l’ancien basketteur Sebastien Bellin témoigne et pardonne les accusés
Les témoignages des victimes de l’attentat à l’aéroport de Zaventem du 22 mars 2016 se poursuivent jeudi devant la cour d’assises de Bruxelles avec le témoignage de l’ancien basketteur Sebastien Bellin, de la famille du français André Adam, des employeurs de Nic Coopman ainsi que de deux autres victimes.
Ancien basketteur professionnel, Sebastien Bellin devait prendre un vol pour New-York, il sera gravement blessé aux jambes par les explosions.
André Adam est la seule victime française des attentats de Bruxelles. Le 22 mars, il venait de conduire sa femme et sa fille à l’aéroport de Zaventem afin qu’elles s’envolent pour les États-Unis. Ce jeudi, ses enfants viennent témoigner devant la cour d’assises mais son épouse, initialement prévue, ne se présentera pas.
Ce sera ensuite au tour de Bart Van Houcke et Jan Swiers de prendre la parole. Les deux hommes étaient les employeurs de Nic Coopman, qui a également trouvé la mort à Zaventem.
Enfin, la journée de jeudi se refermera avec le témoignage de Philippe Vandenberghe et Typhaine Salmon, qui se trouvaient tous deux dans l’aéroport bruxellois le 22 mars 2016.
10h50 – L’ancien basketteur Sebastien Bellin tend la main aux accusés et leur pardonne
Après avoir délivré un témoignage fort, véritable ode à la positivité et à l’humanité, Sebastien Bellin, ancien athlète de haut niveau, s’est adressé, jeudi, directement aux accusés. Il leur a dit les avoir pardonnés pour toutes les atrocités commises lors de l’attentat perpétré à l’aéroport de Zaventem le 22 mars 2016.
“Messieurs, vous avez exigé via vos avocats d’être traités comme des humains, je vous demande aujourd’hui de me traiter à votre tour comme un humain, de m’écouter, de me regarder“, a-t-il lancé, dans un silence poignant, alors que les accusés présents semblaient attentifs à son message.
“Aujourd’hui, j’ai décidé de vous pardonner, je vous pardonne“, a-t-il déclaré. “En vous pardonnant, je me détache des atrocités dont vous êtes accusés et je choisis de faire encore plus de place à l’amour“, a-t-il poursuivi.
L’ancien basketteur, désormais handicapé, a ensuite estimé que la mission des accusés avait échoué. “Au lieu de me détruire, vous avez créé en moi un humain avec une énergie inouïe de compassion, de tolérance, d’ouverture d’esprit, une humanité encore plus puissante. Une humanité que même deux bombes n’ont pas pu éteindre en moi“, a-t-il affirmé. “Je suis devant vous, pas comme victime, mais comme survivant.”
“la dernière étape de la guérison“
Sebastien Bellin, âgé de 44 ans et père de deux filles, a ensuite considéré la puissance du pardon, comme “la dernière étape de sa guérison“. “Il n’y a aucune place en moi pour la haine, la revanche. Je fais plutôt le choix de donner cette place à l’amour et à la tolérance“, a-t-il souligné.
Il a conclu en offrant son aide aux accusés pour qui le pardon sera “peut-être la différence entre pourrir en prison et guérir en prison“.
Lors de son témoignage devant la cour d’assises, il avait déjà insisté sur l’énergie que l’amour donne dans des moments difficiles. “La vie nous donne toujours un choix. Est-ce qu’on sombre dans le désespoir et les atrocités dont les humains sont capables ou est-ce qu’on se focalise sur l’énergie et l’amour présents tout autour de nous?“
Ancien membre de l’équipe nationale belge de basket, le quadragénaire souffre depuis les attaques d’un handicap permanent, qu’il dit avoir accepté, et ne sent plus rien dans sa jambe gauche.
Sebastien Bellin a dit sa fierté d’avoir pu surmonter, avec l’ensemble des personnes qui ont pu l’aider dans ce parcours, “ces défis que les attentats ont représentés“.
Sebastien Bellin raconte son 22 mars
Le 22 mars 2016, il s’apprêtait à prendre l’avion pour New York. Après la première explosion, l’ancien athlète a, sans le savoir, “couru directement” vers la seconde bombe, dont il se trouvait à 5-6 mètres et qui lui a “déchiré” les deux jambes.
“J’étais alors à deux doigts de la mort“, a-t-il raconté devant la cour. Il avait un éclat de bombe dans la hanche et n’entendait ni se sentait plus rien. Sebastien Bellin a perdu 50% de son sang dans les minutes suivant l’attentat et doit notamment sa survie à un garrot que lui a posé un militaire.
Il se décrit d’ailleurs comme “survivant” et non comme victime. “Mais c’est aussi dans les moments les plus difficiles de la vie que celle-ci nous donne les choses les plus belles“, a-t-il ajouté. De nombreuses personnes l’ont en effet aidé depuis ce jour-là et l’ancien basketteur, désormais entrepreneur, a tenu à leur rendre hommage.
“J’ai eu beaucoup de chance ce jour-là, parmi ces atrocités. Dans ces événements très durs à comprendre, j’ai vu de la lumière et une force humaine inouïe“, insiste-t-il.
À la sortie de la cour, l’ancien basketteur s’est dit “soulagé” d’avoir livré son témoignage. “J’ai tout laissé sur le terrain, comme on dit dans le sport.” “C’était un pari. On ne sait jamais ce qu’on va ressentir“, a-t-il ajouté.
“Le pardon détache. Je ne ressens plus cette rage, j’ai dépassé tout ça“, a-t-il confié aux nombreux journalistes présents. “Je sens cet énorme soulagement aujourd’hui, cet espace énorme dans mon âme et dans mon corps.”
Sebastien Bellin se dit “si confiant dans la vie” mais rappelle qu’il ne faut jamais oublier les 32 victimes auxquelles la vie n’a pas donné cette chance et ce choix.
Les quatre enfants d’André et Danielle Adam prennent la parole : “Notre mère arrive parfois à retrouver le sourire, mais rien n’est simple”
Les quatre enfants d’André et Danielle Adam ont témoigné jeudi matin, devant la cour d’assises de Bruxelles, au procès des attentats du 22 mars 2016, de la souffrance d’avoir perdu leur père et de voir leur mère diminuée à la suite de ses blessures. Ce couple de retraités se trouvait dans le hall des départs à l’aéroport de Zaventem lorsque les bombes ont explosé. André, ancien diplomate de nationalité française, est décédé presque sur le coup. Il était âgé de 79 ans.
Le fils et les trois filles d’André et Danielle Adam, tous âgés d’une cinquantaine d’années, ont pris place à la barre des témoins, assis côte à côte. La première question de la présidente concerne l’état de santé actuel de leur maman, rescapée de l’attentat et désormais veuve.
“Chaque jour est difficile pour elle“, répond le fils. “Elle vivait une retraite paisible avec mon père lorsque cela s’est passé. Elle a été amputée de la moitié de son pied gauche, ça a mis six ans à cicatriser. Se lever le matin est difficile. Elle a 79 ans aujourd’hui. Elle marche très difficilement. Tout est compliqué. Pour les moindres petites choses de tous les jours sa vie est transformée. Elle arrive parfois à retrouver le sourire, mais rien n’est simple.“
Vivre sans leur père
Quant à l’absence de leur papa, les quatre témoins ont également évoqué de grandes difficultés à la vivre. “C’est difficile de parler de notre père dans ces circonstances. Sa disparition a ébranlé notre famille. Il avait un rôle de vrai père, de vrai grand-père. C’était un roc, quelqu’un de très solide, très droit. Il a toujours accompagné chacun de nous tout au long de notre vie et il a fait de même avec nos enfants“, a expliqué l’une des filles de la victime. “Nous ressentons beaucoup de tristesse de l’avoir perdu trop tôt. Il était déjà âgé, mais il avait certainement encore de belles années devant lui.“
Une autre des filles d’André Adam a expliqué que, le jour de l’attentat, elle devait partir avec sa maman à Miami pour rendre visite à la mère de celle-ci, et donc grand-mère du témoin, qui était souffrante. Elle est arrivée à l’aéroport quelques minutes après les explosions. Son père ne faisait qu’accompagner son épouse avec qu’elle ne s’envole vers les États-Unis. “Ma mère n’a pas pu assister aux obsèques de son mari, parce qu’elle avait été plongée dans un coma artificiel en raison de ses blessures. Et elle n’a jamais pu revoir sa mère qui est décédée peu de temps après“, a-t-elle raconté.
“Cela va faire maintenant sept ans“, s’est exprimée celle des quatre qui n’avait pas encore pris la parole. “On a tous essayé de reconstruire notre vie et d’aller de l’avant, mais ce procès nous replonge dedans de manière très douloureuse. Ces dernières années deviennent infernales pour notre maman. Nous faisons ce que nous pouvons pour l’épauler. Nous sommes aussi profondément abîmés par ce qu’il s’est passé.“
Belga – Photo : Belga Image/Eric Lalmand