Procès des attentats de Bruxelles : Bilal El Makhoukhi n’a apporté qu’une aide accessoire à la cellule, selon sa défense

Accusés Procès Attentats de Bruxelles 22 mars 2016 Justitia - Belga Eric Lalmand

Après son confrère Me Nicolas Cohen, Me Virginie Taelman a repris le flambeau lundi matin devant la cour d’assises de Bruxelles pour défendre l’accusé Bilal El Makhoukhi au procès des attentats du 22 mars 2016.

Le premier avait soutenu jeudi que leur client avait participé aux activités de la cellule non dans un contexte terroriste, mais dans celui de la guerre en Syrie et de la participation de la Belgique à la Coalition internationale. Si le jury ne devait pas retenir cet argument du droit de la guerre, Me Taelman a demandé aux jurés de considérer l’accusé comme complice, et non co-auteur, d’assassinats et tentatives d’assassinat terroristes.

“Être juré, c’est une expérience unique, honorable mais ardue”, a lancé la pénaliste aux citoyens chargés de juger 10 hommes pour les attentats qui ont secoué Zaventem et Maelbeek, dont son client Bilal El Makhoukhi. Les enjoignant à “entendre les nuances” d’un dossier complexe, l’avocate a mis en garde le jury contre les “hypothèses” basées sur des “constructions hasardeuses” du parquet.

“On analyse les faits et on acquitte ou condamne quelqu’un pour ce qu’il a réellement fait. On n’y va pas à la grosse louche en déshumanisant quelqu’un”, a-t-elle souligné, rappelant qu’en cas de doute, celui-ci devait toujours bénéficier à l’accusé. “Si vous hésitez entre co-auteur et complice, vous devez donc le déclarer complice” d’assassinats et tentatives d’assassinat terroristes. En tant que complice, l’accusé n’aurait apporté qu’une aide accessoire (en déplaçant les armes de la cellule), et non essentielle à la commission des attentats.

L’homme risquerait dès lors jusqu’à 30 ans de prison, au lieu de la prison à vie qui constitue la peine maximale en tant que co-auteur. Le parquet fédéral et les parties civiles ont, elles, demandé de considérer Bilal El Makhoukhi comme co-auteur.


12h45 – Bilal El Makhoukhi n’a apporté qu’une aide accessoire à la cellule, selon sa défense

Après être revenue avec pédagogie sur des notions juridiques telles que les différences entre co-auteur et complice, ou encore la présomption d’innocente ou la charge de la preuve, Me Virginie Taelman s’est appliquée, lundi matin devant la cour d’assises de Bruxelles, à “décortiquer les faits du dossier” pour convaincre les jurés que l’aide apportée par son client, Bilal El Makhoukhi, avait été accessoire, et non essentielle, à la commission des attentats à Bruxelles du 22 mars 2016.

La pénaliste a rappelé au jury qu’après des années de silence, son client avait permis depuis un an de faire la lumière sur bon nombre d’éléments. “Il a fait des déclarations fortes, pour lesquelles il n’y a pas de retour en arrière possible. Alors qu’il n’y a rien (sur certains volets, NDLR) dans le dossier, c’est lui qui est franc, qui clarifie.”

Et, renvoyant le jury populaire à consulter attentivement de nombreuses pièces du dossier, Me Taelman s’est attelée à démonter la théorie du parquet, selon laquelle Bilal El Makhoukhi a apporté une aide essentielle à la commission des attentats et doit donc être jugé auteur ou co-auteur de ceux-ci. “Il est capital que vous rentriez dans le dossier, que vous alliez lire les constatations qui ont été faites. Ne prenez pas tout ce qu’on vous dit pour acquis, aller voir dans le dossier”, a-t-elle insisté auprès des jurés. Globalement, le “trio” formé par les frères El Bakraoui et Najim Laachraoui, soit les kamikazes, “est en charge de tout, planifie tout, donne des ordres, …”, avance Me Taelman.

“Ils n’ont besoin de personne. M. El Makhoukhi ne les renforce pas, il n’a rien de déterminant pour eux. Avec ou sans lui, ils avancent.” Après avoir contredit quelques “constructions hasardeuses” du parquet, Me Taelman s’est plus longuement étendue sur la journée du 15 mars 2016, date à laquelle l’accusé aurait servi d’intermédiaire entre la cellule et Hervé Bayingana Muhirwa, chez qui ont été hébergés les accusés Osama Krayem et Mohamed Abrini après la fusillade de la rue du Dries.

Si le parquet estime que la mise en relation est posée à un moment où “la cellule est en danger” et qu’il s’agit donc d'”un acte indispensable” à la commission des attentats, c’est loin d’être la vision de l’avocate.

L’appartement conspiratif à Schaerbeek, rue “Max Roos n’est pas en danger”, martèle-t-elle. “Abdeslam et Ayari (qui se sont enfuis de la rue du Dries, NDLR) ne connaissent pas l’adresse: tout le monde est d’accord là-dessus”. “L’hébergement de Krayem et Abrini ne change strictement rien à la suite de l’histoire. C’est un acte de complicité.” De plus, ajoute-t-elle, “le dossier ne dit pas non plus que Bilal El Makhoukhi était la seule personne que l’on pouvait joindre pour trouver un hébergement”. Ses actes ne sont pas “une aide indispensable”. “Vous le retirez de l’équation et ça n’a aucune incidence sur ce qu’il s’est malheureusement passé à Zaventem et Maelbeek”, conclut-elle.


16h37 – Bilal El Makhoukhi n’a récupéré les armes de la cellule qu’après les attentats (défense)

Contrairement à ce qu’affirme le parquet fédéral, l’accusé Bilal El Makhoukhi n’a récupéré les armes de la cellule qu’après les attentats du 22 mars 2016, a insisté son avocate lundi, devant la cour d’assises de Bruxelles. Dans un exposé chronologique détaillé, Me Virginie Taelman a mis en miroir les déclarations de son client et l’enquête de téléphonie pour démonter les “approximations” de l’accusation à l’attention du jury.

Le parquet soutient que les co-accusés Bilal El Makhoukhi et Hervé Bayingana Muhirwa se sont rendus ensemble à l’appartement de la rue Max Roos, à Schaerbeek, la veille des attentats pour récupérer puis cacher les armes de la cellule terroriste.

Sept ans après les attaques à Zaventem et dans le métro à Maelbeek, ces armes restent introuvables malgré d’importantes investigations. Face à cette “nouvelle hypothèse avancée durant les réquisitions”, la pénaliste a pointé la nécessité de se plonger dans les détails de la téléphonie. Elle est ainsi revenue, heure par heure, minute par minute, sur le trajet de son client entre son domicile et la commune de Schaerbeek. En parallèle, elle a également retracé les déplacements d’Hervé Bayingana Muhirwa.

Ce dernier “et M. El Makhoukhi n’étaient pas ensemble à Max Roos. Ils n’ont donc pas pu déplacer les armes ensemble à ce moment-là”, a conclu l’avocate. Les procureurs “vous jettent l’information sans entrer dans les détails au cas où, sur un malentendu, vous décideriez de retenir cet élément. Et s’il y a une approximation, vous rectifierez bien, Mesdames et Messieurs les jurés. Mais ce n’est pas comme cela que l’on juge!”, s’est insurgée Me Taelman.

“Le 21 mars à Max Roos, (les membres de la cellule) expliquent deux choses à Bilal El Makhoukhi: quelqu’un va le contacter et lui-même devra déplacer les armes.” En attestent des messages audio et fichiers enregistrés la veille par les kamikazes, a relevé la pénaliste. Un document relatif au paiement d’un garage est ainsi rouvert la veille des attentats, à 22h00 passées.

Parmi les tâches à clôturer, une ligne ajoute qu’il faut “régler le problème des armes”. “Mais si mon client était parti avec (l’arsenal), cette ligne-là, on l’enlève!” En outre, dans un message audio des terroristes Najim Laachraoui et Ibrahim El Bakraoui enregistré le matin du 21 mars 2016 pour le chef de la cellule en Syrie, le duo y explique laisser les armes “dans une cache” – a souligné Me Taelman – à destination d’Abou Imrane, soit le nom de guerre de Bilal El Makhoukhi.

Non, a-t-elle insisté, rien ne fonde la thèse selon laquelle les deux accusés seraient allés chercher les armes. “Oui, elles ont été déplacées, mais pas par eux” la veille des attentats, a-t-elle lancé en désignant les co-accusés et amis Hervé Bayingana Muhirwa et Bilal El Makhoukhi. “En tout cas pas par lui”, a-t-elle complété pour son client. Le ministère public a également dépeint l’accusé comme la personne de contact pour d’autres “frères” en quête de faux papiers après les attaques. Toutefois, de faux papiers, il n’est question que pour lui, a plaidé la femme de loi.

“Il veut partir, retourner en Syrie”, où l’homme a perdu une partie de la jambe droite au combat. Pour la pénaliste, les éléments de l’enquête pointent vers “des arrangements de dernière minute”. Son client n’a dès lors fourni qu’une aide a posteriori et sans impact direct sur la triple explosion à Zaventem et Maelbeek, qui faucheront 32 vies et blesseront des centaines de personnes. Enfin, pour Me Taelman, les aveux tardifs de son client ne sont pas à prendre à la légère. “Qu’il n’ait pas parlé avant juin 2022, je sais que cela va vous trotter en tête, et c’est normal.”

Dans ses déclarations d’alors, Bilal El Makhoukhi affirme vouloir enfin “prendre ses responsabilités” et “dire la vérité”. “Rien ne l’y oblige, mais il fait le choix de faire des déclarations, et ces déclarations sont auto-incriminantes. Il se livre à vous, à nous.”

Quant au fait que le Belgo-Marocain refuse de livrer le nom de celui qui l’a aidé à déplacer les armes, l’avocate a souligné le souhait de son client de s’en tenir à sa propre responsabilité. Cet auxiliaire “ne fait pas partie de la mouvance terroriste et Bilal El Makhoukhi ne veut pas l’incriminer” car “les ravages d’une arrestation et d’une détention sont réels: c’est la marginalisation totale”, a-t-elle relevé. “Cela détruit des familles, des individus. Et même si vous êtes finalement acquittés, cela continue: vous êtes fichés. Je pense qu’on peut comprendre qu’il n’ait pas envie d’infliger ça à un homme.”


16h44 – La défense de Bilal El Makhoukhi demande l’ajout de deux questions subsidiaires

Mes Nicolas Cohen et Virginie Taelman, les avocats de l’accusé Bilal El Makhoukhi, ont demandé que soient posées au jury deux questions subsidiaires concernant leur client lors des délibérations. Celles-ci relèvent du droit de la guerre et non du droit sanctionnant le terrorisme, a plaidé Me Cohen lundi à la fin de la plaidoirie de sa consoeur devant la cour d’assises de Bruxelles au procès des attentats du 22 mars 2016.

Bilal El Makhoukhi, qui a reconnu avoir récupéré des armes de la cellule terroriste après les attentats, a été renvoyé par la chambre des mises en accusation pour assassinats et tentatives d’assassinat dans un contexte terroriste ainsi que pour participation aux activités d’un groupe terroriste. Le parquet a demandé aux jurés de le déclarer coupable des deux préventions en tant que co-auteur. La défense de M. El Makhoukhi estime cependant que l’homme doit être condamné pour crimes de guerre, et non pour terrorisme.

C’était tout l’objet de la première journée de plaidoirie, jeudi dernier. Selon cette réflexion, les jurés ne pourraient que répondre non à la question de la responsabilité de l’accusé dans les assassinats et tentatives d’assassinats dans un contexte terroriste. L’avocat a dès lors demandé que deux questions subsidiaires soient posées aux jurés pour son client, dont: Bilal El Makhouhki est-il complice d’assassinats et tentatives d’assassinat dans le cadre du droit de la guerre?

Étant donné qu’il n’existe pas d’équivalent dans le droit de la guerre à la participation aux activités d’un groupe terroriste, la seconde question concerne dès lors un élargissement de la période infractionnelle retenue pour les assassinats et tentatives d’assassinat, alors qu’elle se concentre a priori uniquement sur le 22 mars 2016. La présidente Laurence Massart se prononcera sur ces demandes le 4 juillet, après la dernière plaidoirie et avant les répliques des parties.

La Rédaction avec Belga