Procès des attentats de Bruxelles : focus sur l’identité des kamikazes N. Laachraoui et K. El Bakraoui

L’audience de ce mardi s’est penchée sur le parcours des kamikazes Najim Laachraoui et Khalid El Bakraoui avant qu’ils se fassent exploser à l’aéroport de Zaventem et dans le métro Maelbeek.

Alors que le dossier des fouilles à nu revient devant la justice, les audiences du procès des attentats de Bruxelles se poursuivent. Après l’analyse des profils du logeur Smail Farisi et du kamikaze Ibrahim El Bakraoui ce lundi, place aujourd’hui à Najim Laachraoui, le deuxième kamikaze s’étant fait exploser à Zaventem le 22 mars 2016.

Un enquêteur de la section antiterroriste de la police judiciaire fédérale (DR3), assisté des juges d’instruction chargés de l’enquête sur les attentats de Bruxelles, s’est attaché à décrire qui était Najim Laachraoui, comment il s’était radicalisé, son départ en Syrie, son rôle dans ce pays en guerre depuis 2011 et en Belgique, au sein de la cellule terroriste qui tua 32 personnes et fit des centaines de blessés à Brussels Airport et dans la station de métro Maelbeek.

L’après-midi a porté sur l’analyse du profil de Khalid El Bakraoui, le seul kamikaze s’étant fait exploser dans la station de métro de Maelbeek.

Sur les neuf accusés présents devant la cour d’assises, les accusés Osama Krayem, Salah Abdeslam et Mohamed Abrini ont exprimé leur désir de retourner au cellulaire, comme à leur habitude. La séance s’est poursuivie en présence des accusés Smail, Hervé Bayingana Muhirwa, Bilal El Makhoukhi, Ali El Haddad Asufi et Sofien Ayari. Ibrahim Farisi, lui, y a assisté en dilettante. Pour rappel, le dixième homme, Oussama Atar, est présumé mort en Syrie et fait donc défaut.


11h47 – Une identité bien dissimulée

Un enquêteur de la section antiterroriste de la police judiciaire fédérale (DR3) a retracé, mardi devant la cour d’assises de Bruxelles, le parcours de celui qui déclencha sa bombe dans le hall des départs du nouveau bâtiment de l’aéroport, à 07h58, quelques secondes après le premier kamikaze, le 22 mars 2016. Connus sous plusieurs “kounias” (surnoms de guerre qui permettent de protéger l’identité du djihadiste) et fausses identités, Najim Laachraoui a été repéré sous l’alias “Soufiane Kayal” peu après les attentats de Paris.

Le 4 décembre, un avis de recherche avec sa photo et celle de Mohamed Belkaïd (mort lors de la fusillade avec les forces de l’ordre rue du Dries, à Forest) est ainsi diffusé dans la presse. Les deux hommes sont présentés comme coordinateurs probables des attentats à Paris et sont alors connus seulement sous leurs faux noms, Soufiane Kayal et Samir Bouzid. Le véritable nom de Najim Laachraoui n’est exposé que le 21 mars 2016, dans un nouvel avis de recherche lancé par la police fédérale en lien avec le dossier des attentats de Paris. L’artificier, logisticien et finalement kamikaze de la cellule des attentats de Bruxelles se fait appeler “Abou Idriss” et “Abou Ikrima(h)” dans les milieux djihadistes.


13h02 – Najim Laachraoui a été membre d’une brigade de “forces spéciales” de l’État islamique

Lors de son départ en Syrie, Najim Laachraoui a rejoint la brigade Liwa as Saddiq, considérée comme les “forces spéciales” de l’État islamique. Cette cellule est chargée notamment de missions d’appui, de la gestion des otages, d’exécutions et d’opérations extérieure, a poursuivi l’enquêteur.

Son voyage en Syrie et son implication dans les attentats à Paris et Bruxelles constituent le point d’orgue d’un parcours de radicalisation qui commence vraisemblablement en 2009. À cette époque, le père du futur kamikaze de l’aéroport note les premiers changements de comportement de Najim, âgé de 18 ans. Son fils fréquente alors une mosquée à Evere et prend des cours avec un prêcheur connu pour son radicalisme.

Le père de Najim Laachraoui mentionne aussi une autre mosquée à Molenbeek-Saint-Jean et des cours privés. Il explique qu’après 2011, les contacts avec son fils deviennent tendus. Il le note plus agressif et moins tolérant à la mixité. À partir de 2012, le terroriste prend part à plusieurs manifestations qui réunit des membres de l’organisation djihadiste belge Sharia4Belgium.

BELGA PHOTO IGOR PREYS / MORGAN DUBUISSON

Le jeune homme fait une première tentative de départ en Syrie à la fin du mois de janvier 2013 mais son père le convainc de rebrousser chemin. Il part pour de bon à la mi-février via la Turquie. Une fois en Syrie, il rejoint le groupe Majlis Shura Mujahidin, constitué de nombreux combattant étrangers, notamment néerlandophones et francophones, et spécialisé dans les prises d’otages. L’organisation est totalement absorbée par l’État islamique en 2014. Najim Laachraoui combat aux côtés de l’accusé Bilal El Makhoukhi et rejoint la brigade Liwa as Saddiq, qui sera chargée de mener des actions sur le sol européen.

Le timing de son retour en Belgique est peu clair. Le futur kamikaze est contrôlé une première fois en Serbie, fin août 2015, sous une fausse identité. Il l’est une seconde fois, en Autriche, alors qu’il se trouve en voiture avec Mohamed Belkaïd et Salah Abdeslam, parti les récupérer à Budapest en Hongrie. À son retour sur le territoire belge, Najim Laachraoui loge à la rue Henri Bergé à Schaerbeek, puis à Auvelais (Sambreville), d’où partiront les terroristes de Paris. Il revient ensuite à Bruxelles et fréquentera notamment l’avenue de l’Exposition à Jette, la planque de la rue du Dries à Forest et, enfin, l’appartement de la rue Max Roos. C’est du logement schaerbeekois qu’il partira le 22 mars 2016, en compagnie d’Ibrahim El Bakraoui et Mohamed Abrini, en direction de Brussels Airport où il se fera exploser à 07h58.


14h58 – Najim Laachraoui avait le profil idéal pour diriger la cellule belge, affirme un islamologue

Najim Laachraoui avait le profil le plus adapté pour diriger en Belgique la cellule terroriste responsable des attentats du 22 mars 2016 à l’aéroport de Zaventem et dans la station de métro Maelbeek, a affirmé mardi l’islamologue Mohamed Fahmi devant la cour d’assises de Bruxelles. Il est néanmoins difficile de déterminer qui spécifiquement était le chef de la cellule, à supposer qu’il y en ait eu un, a précisé le juge d’instruction Olivier Leroux.

Si l’on compare les différents profils (des membres présumés de la cellule en Belgique, NDLR), pour moi, Najim Laachraoui est le candidat idéal, en excluant Mohamed Belkaïd“, décédé le 15 mars 2016 dans un affrontement avec la police rue du Dries à Forest, a expliqué l’islamologue. “Lui, Osama Krayem et Bilal El Makhoukhi sont les seuls à être des vétérans du djihad syrien. Les frères El Bakraoui ne se sont pas rendus en Syrie.” En outre, Najim Laachraoui a pour lui une meilleure connaissance de la Belgique et des personnes sur place, comparé au Suédois Osama Krayem. Najim Laachraoui possède en plus l’avantage de ne pas être connu des services de sécurité, à l’inverse de Bilal El Makhoukhi. Le kamikaze est également celui qui est resté le plus longtemps au “Sham” (en Syrie) et entretient des contacts privilégiés avec l’émir Abou Ahmed, qui dirige la cellule depuis la Syrie d’après l’enquête.


18h23 – L’expérience de Khalid El Bakraoui dans le grand banditisme l’a rendu discret et prudent

Khalid El Bakraoui a été décrit mardi après-midi, comme un homme méthodique, prudent et discret. Une expérience que le terroriste aurait acquise, selon les enquêteurs, lors de ses activités dans le grand banditisme.

Le parcours de délinquance de celui qui se fera exploser dans la station de métro Maelbeek le 22 mars 2016, tuant 16 personnes et en blessant des dizaines d’autres, a commencé alors qu’il avait à peine 15 ans. Il se fait connaître des services de police pour rébellion, vols, détention d’armes et vols à main armée. Il sera d’ailleurs incarcéré en 2011 après avoir été intercepté en flagrant délit, en train de s’équiper pour un braquage. Il montre les premiers signes de radicalité à sa sortie de prison. Que s’y est-il passé? “Nous ne connaîtrons jamais le parcours de radicalisation de Khalid El Bakraoui“, a reconnu un enquêteur de la police judiciaire fédérale. Toutefois, les visites que lui a rendu son cousin Oussama Atar (chef présumé de la cellule depuis la Syrie) constitue une piste envisagée par les enquêteurs. Plutôt que de parler de “radicalisation” à son encontre, l’islamologue Mohamed Fahmi préfère donc employer devant la cour le terme de “politisation de la criminalité” le concernant.

Il se marie en 2014. Lors d’un “voyage de noces” en Turquie, il abandonne sa femme une journée à l’hôtel prétextant “des choses à faire”. Selon l’accusé Osama Krayem, c’est le moment ou le kamikaze se serait rendu en Syrie pour rencontrer son cousin Oussama Atar et Abou Mohammad Al-Adnani, le responsable des opérations extérieures de l’État Islamique. En parallèle, plusieurs achats de chargeurs de Kalachnikovs vides, 31 en tout, sont effectués dans un magasin à Wavre. Khalid El Bakraoui ne s’y rend jamais en personne mais envoie des connaissances, évitant ainsi d’attirer l’attention sur lui. C’est d’ailleurs ce qui, selon les enquêteurs, définit le kamikaze. “Il n’est jamais en avant. Il donne les ordres, il commandite, il coordonne… Il a une certaine maîtrise de la clandestinité“, ont-ils expliqué. Les éléments présentés montrent en effet un homme qui possède de multiples numéros de téléphone, chacun dévolu à une tâche bien précise. Il prend soin d’éteindre son GSM durant les phases-clés de ses opérations, fait appel à des amis de longue date pour les changements de planque d’urgence, etc. “Il est méthodique et fait fonctionner son réseau, ce qui lui vient de son expérience dans le grand banditisme“, ont commenté les enquêteurs.

Khalid El Bakraoui entre dans la clandestinité peu après les attentats du 13 novembre 2015 à Paris, pour lesquels il a joué un rôle de coordinateur en contribuant à fournir planques, téléphones, armes, véhicules et faux documents. “Il ne se fera plus remarquer physiquement jusqu’au jour des attentats à Bruxelles, où on le verra apparaître sur les images de vidéosurveillance de la Stib lorsqu’elles seront examinées“, a précisé la juge d’instruction Sophie Grégoire. Cette clandestinité va de pair avec une discrétion accrue. Khalid El Bakraoui use de fausses identités, se déguise avec une perruque et des lunettes lorsqu’il doit effectuer des achats et va jusqu’à se teindre les cheveux en blond peu avant le 22 mars. “Il est passé maître dans l’art du changement d’apparence“, ont conclu les enquêteurs.

Notre dossier sur les attentats de Bruxelles

La Rédaction (avec Belga) – Photos : Belga