“Nous avons été méprisés par le bourgmestre de Saint-Gilles”

Les habitants du quartier du square Jacques Franck, de la Porte de Hal et de la gare de Bruxelles-Midi ont rencontré le bourgmestre de Saint-Gilles mardi soir, suite aux fusillades de ces trois derniers jours. “Nous avons été méprisés par le bourgmestre”, déplorent des membres de l’Union communale citoyenne (UCC). “Nous ne méprisons personne, se défend Jean Spinette. Je suis aussi angoissé par cette situation que les riverains”.

“Il y a urgence, c’est pire que le terrorisme”. Les riverains du square Jacques Franck sont à bout. Les deux fusillades survenues en moins de 24 heures sont la conséquence d’une situation qui se dégrade depuis plusieurs mois. 

“Depuis juillet, une nouvelle population de toxicomanes a migré dans le quartier du square Jacques Franck”, nous explique un voisin du terrain de basket où un homme a été abattu ce mercredi matin. “Ils consomment à la vue de tous, devant les enfants. Ici, les doses s’achètent entre 5 et 15 euros. Toute la cohésion sociale et la vie de quartier sont brisées. L’impunité est totale”. “Depuis la fin de l’été, il y a une diversification de la drogue dans ce secteur et le crack s’est de plus en plus répandu”, atteste le bourgmestre de Saint-Gilles, Jean Spinette.

La situation dans le bas de la commune est la conséquence d’un “nettoyage social” effectué à Paris en vue des JO, selon un membre de l’UCC. “Nous avons mené notre enquête en questionnant les drogués. Ils viennent de Paris. Ils se sont d’abord concentrés à la gare du Midi avant d’émigrer Porte de Hal”. “Ce sont des élucubrations”, s’emporte Jean Spinette. “Certaines théories complotistes prétendent que nous soulageons Anne Hidalgo, la maire de Paris, en accueillant des toxicomanes. On est dans le fake news total”. 

“Capitalisme de la drogue”

La montée de violence, elle, s’explique par la concentration de consommateurs sur une même zone. “L’emplacement rapporte et suscite la convoitise des trafiquants, ce qui explique la montée de la violence. Cela fait six mois que l’on alerte les autorités, mais elles ne tiennent pas compte de nos remarques”, déplore ce membre de l’UCC qui était présent à la réunion de mardi soir initiée par Jean Spinette, le bourgmestre de Saint-Gilles. “Nous ne défaussons pas des problèmes”, rétorque ce dernier. “Nous avons mené des actions il y a un an et demi, avec mon homologue Fabrice Cumps (le bourgmestre d’Anderlecht, ndlr).  Nous avons concentré nos efforts et chassé des dealers locaux, mais d’autres sont arrivés et une guerre des territoires s’est déclarée”. 

Mardi soir, une réunion s’est déroulée entre le bourgmestre, la police et des comités de citoyens. Au lendemain de celle-ci, cetrains affichaient une certaine amertume et s’estimaient méprisés. “On ne méprise personne” balaie Jean Spinette. “Les citoyens ont été invités à mon initiative pour exprimer leurs inquiétudes. La réunion a duré 3 heures. Nous sommes confrontés à un manque d’effectif de police, à des problèmes financiers et l’appareil judiciaire ne parvient pas à suivre. Mais ce n’est pas Saint-Gilles qui est dépassé : on est face à un capitalisme de la drogue. On arrête des gens tous les deux jours”, ajoute le bourgmestre de Saint-Gilles.

Selon l’UCC, le trafic de drogue a tué sept personnes et blessé 200 autres l’an dernier. “C’est pire que le terrorisme. L’argent qui sert au plan Good Move et  à rénover le haut de la commune devrait être utilisé pour financer des politiques de santé, sociale et répressive. Les bourgmestres bruxellois doivent absolument s’unir et alerter le Fédéral”. “Nous échangeons avec le ministre de la Justice et avec la Commissaire nationale aux drogues” ajoute Jean Spinette. “Je suis aussi angoissé par cette situation que les riverains. Les gens touchés sont mes voisins. Nous sommes les premiers conscients de la souffrance des familles.”

Loïc Struys

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14 février 2024 - 13h02
Modifié le 14 février 2024 - 16h56