Mort d’Adil à Anderlecht : non-lieu pour les trois policiers, la famille déplore “une décision violente”

La chambre du conseil de Bruxelles a prononcé, mardi, un non-lieu pour les trois policiers inculpés dans le dossier relatif au décès d’Adil Charrot. Ce jeune Anderlechtois de 19 ans est décédé dans un accident de la route, le 10 avril 2020, alors qu’il était pourchassé par la police après avoir fui un contrôle.

La chambre du conseil a estimé que le critère de proportionnalité, quant à la décision de lancer une course-poursuite, était respecté. Elle a notamment relevé que l’inspecteur de police qui conduisait le premier véhicule “a toujours gardé ses distances, en prenant le maximum de précaution par rapport à la motocyclette (conduite par Adil Charrot) qui roulait à vive allure“.
Quant au second véhicule de police, banalisé celui-là, qui est arrivé en renfort, la chambre du conseil a relevé qu’il “se trouvait sur sa bande, circulant prudemment, à vitesse réduite, cherchant la motocyclette“.

Par ailleurs, la chambre du conseil a estimé que “rien ne permet de mettre en cause l’appel prioritaire (lancé par la première patrouille) et les motifs de la poursuite (connaître les motifs du déplacement de la personne alors que les règles “Covid” étaient en vigueur)“.

Le 10 avril 2020, Adil Charrot, un jeune homme de 19 ans, a fui, sur son scooter, une patrouille de police qui voulait le contrôler, place Docteur De Meersman à Anderlecht. Un peu plus loin, sur le Quai de l’Industrie, il a percuté de plein fouet une seconde voiture de police qui arrivait en renfort. Il est décédé des suites de ses blessures.

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Une contre-expertise qui remet en cause la thèse de l’accident

Le parquet de Bruxelles avait annoncé, dès le 26 novembre 2020, qu’il demanderait le non-lieu pour les policiers inculpés dans ce dossier, se basant sur le premier rapport d’expertise automobile rendu. Un non-lieu que la chambre du conseil a retenu ce mardi.

Mais mi-décembre, une contre-expertise automobile a été réalisée à la demande et aux frais de la famille de la victime, aboutissant à des conclusions très différentes de la première. Il en ressort notamment que le scooter d’Adil était éclairé, contrairement à ce qu’ont déclaré les policiers, et que rien ne permettait de conclure qu’il roulait à une vitesse excessive lorsqu’il a été pris en chasse par la première patrouille. Cette dernière expertise met également en exergue le fait que le conducteur du véhicule de police qui a percuté le scooter avait un champ de vision élargi lui permettant de voir arriver le deux roues. Or, dans sa déposition, ce conducteur avait déclaré qu’il n’avait pas pu voir le cyclomoteur débordant subitement sur sa bande. Enfin, l’expertise indique que, selon son analyse, le véhicule de police était placé en oblique sur la route, ce qui pourrait vouloir dire qu’il a tenté de barrer la route du scooter.

La chambre du conseil a rejeté l’hypothèse de la partie civile selon laquelle ce second véhicule de police a fait barrage au scooter. “Le rapport du conseiller technique déposé par les parties civiles […] ne vaut qu’à titre de simples renseignements, alors que le rapport de l’expert automobile […] a valeur d’avis. L’expert judiciaire a été désigné par un juge, s’est rendu sur place le soir des faits et a rendu son rapport quelques mois après les faits”, a-t-elle argumenté, contrairement au “rapport technique […] réalisé trois ans après les faits“.

Pas de profilage ethnique, selon la chambre

Elle a également balayé l’hypothèse de la partie civile selon laquelle les policiers ont fait preuve de discrimination vis-à-vis d’Adil, basant leur décision de le contrôler en fonction d’un profilage ethnique. “Aucun élément ne permet de démontrer que l’action policière du 10 avril 2020 et l’accident mortel qui s’en est suivi relevait du profilage ethnique, sur base notamment de l’exploitation des bandes sonores“, a-t-elle estimé. “En effet, aucune information sur l’identité du conducteur n’a été transmise lors de l’appel prioritaire, excepté que le conducteur portait un casque et la couleur de ses vêtements“.

La famille a déploré ce mardi “une décision violente” et a d’ores et déjà annoncé qu’elle allait faire appel de cette décision devant la chambre des mises en accusation. La Ligue des Droits Humais, partie civile, étudie cette possibilité.

Hier, la RTBF révélait par ailleurs que le policier impliqué dans la collision fatale fait l’objet de nouvelles accusations. Des accusations qui émanent de cinq collègues qui travaillent dans la même unité que lui. Sont épinglés, une nouvelle fois, des faits supposés de racisme à l’égard de collègues d’origine étrangère et des comportements harcelant vis-à-vis de collègues féminines, précise la chaîne publique. Réaction de la hiérarchie : le policier est suspendu par mesure d’ordre avec une retenue de 25 pourcents de son salaire.

BX1 – Photo : BX1

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