#M : le cordon sanitaire médiatique, les jeunes en décrochage scolaire et l’affaire Veviba, un an après, au programme de #M
Les thèmes du jour dans #M, présenté par Sabine Ringelheim : le cordon sanitaire médiatique tiendra-t-il le coup, suite à la récente percée du Vlaams Belang en Flandre ? L’augmentation du nombre de mineurs en errance ou en décrochage scolaire et les suites de l’enquête sur la filière de la viande après le scandale Veviba.
“Depuis 1991 et la première poussée de vote d’extrême droite, appelé le “Dimanche noir”, les éditeurs de la presse écrite et audiovisuelle se sont mis d’accord pour ne plus donner la parole en direct à des partis qui pourraient mettre les éditeurs en difficulté vis-à-vis de la loi“, explique Jean-Jacques Jespers, Président du Conseil de déontologie journalistique (CDJ). En effet, la Loi Moureaux (révisée récemment), considère qu’un discours qui incite à la haine ou à la discrimination n’est pas une opinion mais un délit. “La décision a donc été prise de ne pas inviter en plateau ou en direct des politiques qui étaient susceptibles de tenir ce genre de propos“.
Cependant, cette règle n’interdit pas aux différents médias de parler et d’informer sur ces différents partis, voire même de leur donner la parole : “Pour autant que ce soit dans une dimension maîtrisée par la rédaction, c’est-à-dire en différé, avec la possibilité éventuellement d’éradiquer des propos qui seraient susceptibles de poursuites pénales“, précise Jean-Jacques Jespers.
Ce principe du cordon sanitaire médiatique est loin d’être la norme. “La Belgique francophone et le Luxembourg sont les deux seuls endroits où l’on applique cette forme de cordon sanitaire. En Flandre, le Vlaams Belang a accès à toutes les tribunes, tous les débats… Parce qu’ils ont une grande importance sur le marché flamand. Cela devient très difficile de faire comme si ils n’existaient pas”
Quand Sabine Ringelheim lui demande si ce cordon sanitaire médiatique se justifie toujours, Jean-Jacques Jespers se montre dubitatif : “C’est la question de la poule et de l’œuf. Est-ce que le cordon sanitaire peut se maintenir parce que l’extrême droite est très faible en Belgique francophone ? Ou est-ce que c’est parce qu’il y a un cordon sanitaire que l’extrême droite ne s’exprime pas ? En tout cas, ce qui fait que c’est acceptable, c’est que l’extrême droite est très faible chez nous“.
Pour rappel, ce principe de cordon sanitaire médiatique n’est valable que pour les médias classiques. “Or, on sait que le Vlaams Belang a gagné énormément de voix chez les primo-votants car ils ont fortement investi les réseaux sociaux. Ils ont gagné des voix chez des jeunes qui n’étaient absolument pas politisés. Je ne pense donc pas que le cordon sanitaire résoudra ce problème là“, conclut-il.
“Nous sommes devenus des services de sauvetage en mer”
“Nos constats étaient que les difficultés des jeunes et des familles se concentrent de plus en plus sur le dos des jeunes et des familles, de manière quasi exponentielle depuis quatre ans”, débute Marc De Koker, directeur de AMO Rythme. “Nous sommes devenus des services de sauvetage en mer : nous apprenons comme nous le pouvons à nager aux jeunes et aux familles qui sont tombés à l’eau. Pourtant rien n’est fait, alors que cela devrait être notre job principal, pour empêcher ces jeunes de tomber à l’eau“, déplore-t-il.
Pour Hugo Lantair, Coordinateur chez SOS Jeunes, la situation est alarmante. “30% du public que nous accompagnons provient de la rue, des squats et mène une vie faite seulement de ‘petites solutions’. Ce sont tous des mineurs entre 13 et 18 ans”. Marc de Koker abonde: “Les services qui devraient s’occuper de ces jeunes font ce qu’ils peuvent mais ils sont aussi complètement saturés“.
“80% de ces jeunes sont en rupture avec l’école“, détaille Hugo Lantair. “45% d’entre-eux ont dépassé le nombre de demi-jours d’absence injustifiées. Et 35% sont purement non-inscrits quand ils arrivent chez nous. Là aussi, il y a quelque chose qui a failli“.
“Nous commençons de plus en plus à avoir des mineurs qui rencontrent des problèmes de majeurs“, s’inquiète M. De Koker. “Des adolescents de 16-17 ans doivent gagner leur vie pour pouvoir se loger, se nourrir ou s’habiller. C’est quelque chose que l’on avait jamais vu avant“. Il poursuit en pointant le rôle des médias : “Le discours général porté par les médias ne correspond pas à la réalité de ces dernières années. Ces gens sont sortis des radars sociétaux mais ils sont toujours là. Ils survivent“.
Une solution serait de développer une collaboration avec les écoles : “L’école a un rôle fondamental à jouer“, explique Marc de Koker. “A condition qu’elle arrive à redonner du sens à la scolarité“, conclut-il.
“Un autre scandale est possible aujourd’hui”
Un an après le scandale de la filière de la viande Veviba, le journaliste Philippe Engels a voulu voir si les choses avaient changé. Sa récente enquête, intitulée “Il est pas frais mon boeuf?” est paruée dans la dernière édition du magazine Médor. “La viande est un aliment symbolique, un aliment dont tout le monde parle”, explique-t-il. “Je voulais savoir si c’était normal qu’on le mette en doute et surtout je voulais savoir si ce qu’on produisait était de bonne qualité“.
“Une fois le scandale éclaté, on a un peu fait peur aux consommateurs en leur faisant croire que les producteurs étaient complètement mafieux. Pourtant, je ne pense pas que des mesures réelles ont été prises“. De quoi remettre en cause le travail de l’AFSCA, l’Agence fédérale pour la sécurité de la chaîne alimentaire ? “On est quand même dans un pays qui a une agence de la sécurité alimentaire qui fonctionne“, tempère Philippe Engels. “Davantage que le fonctionnement de l’AFSCA, on peut se demander pourquoi l’agence doit attendre la mise en route de la justice, que l’on sait particulièrement lente en Belgique“.
Mais alors, est-ce qu’un autre scandale du genre est possible, un an après les faits ? “Oui c’est possible“, affirme M. Engels. “Oui car la tendance en Belgique est précisément de permettre l’émergence de plus grands pôles de production. Les producteurs de viande sont de plus en plus grands et plus les acteurs sont grands, plus ils sont difficiles à contrôler“, conclut le journaliste.
T. Dest