“Lorsque je défends la laïcité au PS, je suis totalement isolé. Il y a aujourd’hui un réflexe communautariste évident”
Arrêt important de la Cour de justice de l’Union européenne hier mardi, qui estime qu’une administration publique peut interdire le port de signes distinctifs à l’ensemble de son personnel, que ce n’est pas discriminatoire. Elle estime d’un côté qu’il n’est pas discriminatoire qu’une administration interdise le port de signes convictionnels si la règle est appliquée de façon générale et indifférenciée a l’ensemble du personnel. Mais l’arrêt précise qu’il ne s’agit pas là d’une obligation pour une administration.
Cet avis fait suite au cas d’un règlement de la ville d’Ans. La commune liégeoise est opposée en justice à une employée à qui elle a interdit de porter le voile sur son lieu de travail. Elle a alors imposé la stricte neutralité dans son règlement de travail en bannissant le port de signes convictionnels. L’employée a estimé que la commune portait atteinte à sa liberté de religion. Le tribunal de Liège avait alors saisi la cour européenne.
Le député bruxellois PS Julien Uyttendaele était l’un des avocats qui a instruit le dossier de la commune d’Ans. “C’est une victoire importante pour tous ceux qui défendent en tout cas cette vision de la société,” a-t-il expliqué dans Bonjour Bruxelles ce mercredi matin. “La Cour de justice, hier en Grande chambre, a consacré le droit pour les autorités publiques à poursuivre une politique de neutralité totale au sein de l’administration. Et ce n’est pas anodin, elle l’avait déjà fait pour les entreprises privées. Elle le fait désormais pour tous les services publics. La question qui était posée à la Cour, c’était de savoir si une telle politique de neutralité était discriminatoire. Et donc la Cour de justice offre une réponse extrêmement claire à tous ceux qui osent faire des procès en xénophobie, en racisme, en islamophobie.”
“Donc tous les États membres doivent légiférer. Il faut éviter le bordel dans lequel on est aujourd’hui, où chaque commune va définir sa politique. On doit avoir une politique extrêmement claire et la Cour de justice a souligné lors de l’audience le fait que clairement, en Belgique, il n’y avait pas de position claire et c’est fort dommage. J’espère qu’on aura une majorité aux prochaines élections pour inscrire clairement ce principe là dans la Constitution. Je considère que lorsqu’on travaille pour un service public, lorsqu’on travaille pour l’Etat, on ne se représente pas soi même. On représente quelque chose qui nous dépasse. Et donc nos positions, qu’elles soient politiques, qu’elles soient philosophiques ou qu’elles soient religieuses, on les laisse à la porte. Ça doit s’appliquer à tous les fonctionnaires, que cela s’applique aux élus. Dans mon parti, j’espère que ça s’applique aux élus.”
“Je suis un intrus au PS quand je défends la laïcité”
“Ce n’est pas une question d’être choqué ou non. C’est une question de vision de société”, poursuit celui qui a annoncé ne pas se présenter aux prochaines élections. “Il y a un principe et je suis juriste. C’est le principe de l’impartialité objective et subjective. L’impartialité subjective, c’est: est-ce que la personne fait bien son boulot ? L’impartialité objective, c’est le fait d’apparaître comme neutre. Et je considère que cette neutralité, c’est une valeur essentielle au sein de notre société et aussi au sein de l’État dans lequel nous fonctionnons. C’est quand même particulier de voir que les laïcs qui arborent le flambeau laïc, les juifs qui portent la kippa, les militants d’un parti X ou Y s’accommodent d’une telle règle. Et parce qu’une partie de la population refuse de s’accommoder à une telle règle, on considère que c’est discriminatoire. Je considère que ce n’est pas le cas et que tout le monde doit s’y plier. Et ça a d’ailleurs été le cas pendant des dizaines d’années. On avait des personnes de toutes origines, de toutes confessions, qui travaillaient dans des administrations publiques. Il n’y avait aucun problème. Mais on a décidé de mettre ce point à l’ordre du jour des débats publics, de manière un peu pernicieuse à mon sens, et voilà le résultat aujourd’hui.”
“Je suis rentré au Parti socialiste à seize ans, donc j’ai passé la moitié de ma vie au sein au sein du parti, au sein de cette fédération. J’étais chez moi, j’étais avec les miens et aujourd’hui, j’ai l’impression d’être un intrus lorsque je défends en effet l’universalisme de nos valeurs, lorsque je défends la laïcité de l’État, je me rends compte que je suis totalement isolé au sein de cette fédération. Je suis totalement minoritaire. Je suis totalement isolé. Il y a aujourd’hui un réflexe communautariste évident et je trouve que c’est avant tout une insulte à l’égard de ces personnes qu’on case dans des communautés. On leur interdit de réfléchir, d’avoir une position fondée sur des arguments objectifs. Je trouve que c’est avant tout insultant à l’égard de ces personnes.”