Les promoteurs construisent de moins en moins de logements à Bruxelles
Entre 2018 et 2020, des permis d’urbanisme ont été octroyés pour environ 3.400 logements en moyenne par an. Ce chiffre est en baisse constante depuis 2017 et la récente crise énergétique pourrait accentuer le phénomène dans les années à venir. Même si la croissance démographique se tasse dans la capitale, Bruxelles a toujours besoin de logements, qui soient aussi accessibles au plus grand nombre.
Perspective.brussels vient de publier son nouvel Observatoire des permis logement ainsi que le Monitoring des projets de logements publics. La capitale reste attractive, mais le nombre de logements pour lesquels un permis a été délivré en 2018, 2019 et 2020 est en baisse. Le logement à finalité sociale représente quant à lui 25% de la production.
Si on regarde en termes de surface, cela représente une création de 365.000 m² contre 470.000 m² entre 2013 et 2017. Beaucoup de projets se situent à Haren, Érasme, le long du canal et dans les quartiers du centre, notamment grâce à un important permis délivré sur la Cité administrative. Chez Perspective, on estime que 91% de ces permis seront réellement exécutés. Si on compare les projections de population et les logements construits, pour les années à venir, on produit un peu plus d’habitations, principalement des appartements deux chambres et des studios, que la croissance du nombre de ménages. Répond-on cependant à la demande ?
“Pour répondre à cette question, il faut aussi regarder les années antérieures”, explique Antoine de Borman, directeur général de Persepctive.brussels. “Entre 2007 et 2011, la croissance démographique était plus importante que la production de logements. Ensuite, il faut être conscient que cet exercice se base sur des projections et des hypothèses. Nous ne savons pas si des crises migratoires auront lieu dans les prochaines années ou si le gouvernement bruxellois mènera une politique pour inciter les habitants à rester dans la capitale. De plus, on peut craindre un ralentissement de la construction vu l’augmentation du coût des matériaux. Enfin, reste la question de l’accessibilité financière.”
Toujours un manque de logements sociaux
Autre fait à souligner, un quart des permis d’urbanisme accordés concerne du logement à finalité sociale.
Cette appellation reprend les logements sociaux, les logements moyens, ceux mis en location via des agences immobilières sociales (AIS), via les communes ou le Fonds du logement. Le secteur public crée plus d’habitations que les années précédentes, mais il n’y a pas réellement de quoi se réjouir. Le Plan régional logement (PRL) lancé en 2006 par la secrétaire d’État de l’époque, Françoise Dupuis (PS), et l’Alliance Habitat (AH) mise sur pied en 2013 par le secrétaire d’État Christos Doulkeridis (Ecolo), ne sont toujours pas finalisés.
En 2021, 1.103 logements publics ont été réceptionnés et 10.500 sont projetés. Parmi ces derniers, l’administration compte ceux prévus sur la friche Josaphat ou encore le plateau du Heysel. Autant dire qu’ils ne sortiront pas de terre dans l’immédiat.
Sur les 1.103 logements mis sur le marché, 845 étaient neufs et inscrits soit dans le PRL, soit dans l’AH. Actuellement, pour le PRL, 66% de l’objectif est atteint. 272 logements sont toujours en attente soit d’un PPAS (plan particulier d’affectation du sol), soit d’un PAD (plan d’aménagement directeur) et 656 logements doivent encore être trouvés.
Pour l’Alliance Habitat, seule Citydev a terminé sa part du contrat. La SLRB et le Fonds du logement ont identifié tous leurs projets. Restent aux communes à faire leur part. Cependant, quelque 1.390 logements sont toujours en attente, car prévus à Josaphat, au Heysel, au Chant des cailles… Le taux de réalisation est en réalité de 38%.
Le clé-sur-portes a le vent en poupe
Parmi les mécanismes qui semblent fonctionner, il y a le clé-sur-porte. La SLRB, Citydev ou le Fonds du logement peuvent acheter des biens construits par un promoteur une fois que ce dernier a reçu son permis d’urbanisme. C’est une manière de contourner les oppositions émises par les riverains et les communes, surtout lorsqu’il s’agit d’ériger du logement social.
Dans sa dernière étude sur la production de logement social dans la capitale, le RBDH (Rassemblement pour le droit à l’habitat) a calculé le temps moyen qu’il faut pour réaliser un projet par la SLRB. Il est en moyenne de 7 ans et 9 mois contre 5 ans pour le Fonds du logement ou Citydev. Le RBDH accuse le manque de professionnalisme de la SLRB qui concerte peu l’administre de l’urbanisme avant de rendre un projet et aussi l’opposition des riverains et des communes lors d’une demande de permis pour du logement social.
Pour éviter cet écueil, le clé-sur-porte semble être une solution. En 2021, la SLRB a réceptionné 162 logements via ce mécanisme et 323 sont en cours de construction. Seulement, quand on regarde d’un peu plus près, on s’aperçoit que ces projets sont répartis de manière inéquitable sur le territoire régional.
La plupart des projets de logements publics se trouvent dans les quartiers où le pourcentage d’habitations à loyer modéré est déjà important.
Selon les données du RBDH, la SLRB peut dépenser 220.000 euros par logement et doit en ajouter 40.000 lorsqu’il s’agit de clé-sur-porte. Dans la partie sud-est de Bruxelles, là où le foncier est le plus cher, les promoteurs sont peu nombreux à vouloir perdre une importante plus-value sur leurs constructions. “La demande de logement abordable est aussi plus présente dans les quartiers de la première couronne”, explique Yvan Van de Casteele, référent régional bruxellois pour Perspective. “Il est donc logique de mener à bien des projets dans ces quartiers. Mais effectivement, on constate que les projets sont répartis de manière inéquitable sur le territoire régional.”
Aujourd’hui, 10.500 logements à finalité sociale sont en projet. Pour 2022, un quart se situe sur le territoire d’Anderlecht, un sur huit est prévu à Schaerbeek. D’autres communes comme Saint-Josse, Saint-Gilles ou Etterbeek ne possèdent quasi plus de foncier disponible. C’est aussi pour cette raison que certaines ont choisi de socialiser leurs logements communaux. Une manière de répondre à la demande et à la volonté du gouvernement d’atteindre les 15% de logements publics dans chacune des 19 communes. Rappelons que 51.000 ménages sont toujours inscrits sur la liste d’attente pour l’obtention d’un logement social.
Vanessa Lhuillier – Photo : BX1