Des parkings écologiquement propres : vraiment ?
Respirer un air de qualité dans un parking ? C’est possible, selon Interparking. Et même “dans certains cas, meilleur que celui qui se trouve à l’extérieur du parking“, assure la société, qui exploite quelques 1000 parkings en Europe. Cela, grâce à un nouveau système de neutralisation des particules, présenté comme un “poumon dans la ville“. Mais quelle est l’efficacité réelle et l’intérêt d’une telle installation ?
Le dispositif est installé depuis le 25 septembre dans le parking “2 Portes”, boulevard de Waterloo, indique l’exploitant sur son site internet. Le parking du Beffroi, à Namur, en est équipé depuis le mois d’avril. Dénommée “poumon dans la ville”, la technologie a été développée en collaboration avec l’Université de Technologie de Delft (Pays-Bas) et ENS Clean Air, une société néerlandaise spécialisée dans l’élimination des particules.
“Ce dispositif recourt au procédé de l’ionisation positive pour capturer les particules fines présentes dans l’air ambiant. Celles-ci sont collectées, rassemblées et envoyées dans un centre de traitement. Résultat ? L’air ambiant est débarrassé de 50 à 70% des particules, 40% des particules fines et 20% des particules ultrafines en suspension. Autrement dit, vous respirez un air de meilleure qualité. Dans certains cas, meilleur que celui qui se trouve à l’extérieur du parking.”, précise encore le site internet. Mais encore ?
L’obtention d’un permis d’environnement pour pouvoir exploiter un parking est évidemment soumise à certaines conditions, pour assurer la sécurité et la santé des personnes et préserver l’environnement. En particulier, l’obligation de prévoir un système de ventilation. La “neutralisation” des particules n’est, elle, pas prévue. Un plus appréciable ? “Il y a différents types de filtres“, répond Benoît Willocx, directeur des permis d’environnement à Bruxelles Environnement. “Ils coûtent généralement chers et ne sont pas toujours efficaces, surtout pour les PM10 et PM25, particules ultrafines très néfastes pour la santé et très difficiles à capter. Mais je ne connais pas la technologie utilisée ici.”. Nous avons posé la question à Roland Cracco, le CEO d’Interparking, mais il n’a pas souhaité nous en dire davantage, avant la présentation à la presse du nouveau dispositif, le 21 janvier prochain.
Souci réel de contribuer à la réduction de la pollution ou pur greenwashing ?
Interparking est déjà CO2 neutre depuis six ans, nous explique-t-il cependant. “Nous avons, entre autres, recours à l’électricité verte, aux éclairages LED, à des systèmes de ventilation qui fonctionnent de manière intelligente.” L’entreprise se félicite d’agir désormais sur les particules fines à l’intérieur de ses structures. “Le parking 2 Portes est le premier parking bruxellois à en être équipé. L’objectif est de purifier l’air, dans mais aussi autour du parking“, nous précise encore Roland Cracco.
Pour Michel Huart, professeur à l’IGEAT, il s’agit d’une “technique de marketing qui omet de présenter la dimension globale de l’ensemble, à savoir un outil qui promeut la voiture.” “Greenwashing !“, commente également Nicola Da Schio, chercheur en écologie urbaine à la VUB. “De toute façon, que l’air soit meilleur dans le parking n’a pas beaucoup d’utilité : les gens ne passent que quelques minutes dans un parking, alors que durant le trajet parcouru jusqu’au parking, ils respirent de l’air très pollué.” Le scientifique doute que l’assainissement de l’air dans les parkings puisse avoir une réelle efficacité pour neutraliser l’impact réel d’un parking dans la pollution urbaine : “Trois aspects doivent être pris en compte : d’abord la pollution produite localement, à l’intérieur du parking, en raison de la faible ventilation comparativement au nombre de voitures; ensuite la pollution produite sur le trajet menant au parking; enfin le fait que chaque nouveau parking rend l’usage de la voiture plus facile en offrant de nouveaux espaces de stationnement.” Bref, conclut Nicola Da Schio, au-delà de la question de son efficacité ou non, la technologie utilisée ne s’attaque en rien aux problèmes posés par les parkings sur le plan environnemental.
En outre, les termes même de “poumons dans la ville” peuvent induire en erreur. Ils font inévitablement penser à l’expression “poumon vert ou bleu”, ces systèmes végétaux ou océaniques qui jouent un rôle déterminants dans la qualité de l’air que nous respirons, alors qu’ils s’appliquent ici à des parkings, qui jouent eux un rôle déterminant … dans la mauvaise qualité de l’air que nous respirons.
Sabine Ringelheim – Rédaction Web