Les amendes administratives communales ne rentrent dans aucun cadre légal
Pour faire respecter les mesures de confinement, les zones de police locale infligent des amendes depuis plusieurs jours à celles et ceux qui les entravent. Seulement, d’après la RTBF, ces amendes ne sont pas légales.
En Région bruxelloise, le Conseil Régional de Sécurité de la capitale a décidé, “de compléter sur le terrain de la Région-ville les mesures prises au niveau national en mettant en place des Sanctions Administratives Communales (SAC) appliquées à l’encontre de particuliers qui ne respectent pas les mesures de distanciation sociale dans l’espace public. Un système de perception immédiate des amendes sera instauré de même qu’un système d’harmonisation au niveau des 19 communes”, précisions établies par le cabinet du ministre-président Rudi Vervoort (PS) en charge de la coordination de la sécurité à Bruxelles.
Depuis plusieurs amendes ont été délivrées, mais d’après la RTBF, elles pourraient être contestées, car elles sont illégales. En effet, “le Collège des procureurs généraux estime que les infractions aux mesures édictées dans le cadre de l’épidémie de coronavirus ne sont pas reprises dans la loi sur les sanctions administratives communales” peut-on lire sur leur site, “le ministre de la Justice, Koen Geens, est aussi de cet avis”. Si les communes ne peuvent pas s’en charger, c’est la voix pénale qui doit être suivie.
Pour les rendre légales, il faudrait changer la loi, mais cela peut prendre plusieurs mois. Autre possibilité avancée par les procureurs : recourir systématiquement à des sanctions pénales. Un avantage, toutes les communes seraient logées à la même enseigne. Un inconvénient: plus de boulot pour la justice qui tourne déjà au ralenti. Attention aussi que dans ce cas, les sanctions peuvent être élevées. Les amendes pourraient monter jusqu’à 4000 euros, voire une peine de prison. Ne pas respecter les règles de confinement peut toujours vous coûter cher.
La Région bruxelloise veut une réponse du fédéral
Ce mercredi, la Région bruxelloise a annoncé qu’elle attend du gouvernement fédéral qu’il régularise le problème de la légalité des sanctions administratives communales infligées pour non respect des règles de distanciation sociale. “Il y a une demande du Cores de recourir aux sanctions administratives communales et ce souhait a été communiqué au gouvernement fédéral. Nous attendons sa réponse”, a-t-on expliqué au cabinet du ministre-président Rudi Vervoort.
En attendant, cela ne signifie pas que les SAC infligées “sautent”, a-t-on ajouté. Le refus d’obtempérer à l’injonction d’un policier est déjà passible d’une sanction. Qui plus est, il reste la voie des amendes pénales, qui demeurent quant à elles légales et susceptibles d’une perception immédiate.
Les 19 bourgmestres vont se concerter
« Je me suis mis d’accord avec mon chef de corps, on n’arrête pas de travailler, on prend les identités, on dresse les P.-V. puis on verra quelle voie on va suivre (ndlr judiciaire ou administrative) en ayant pris 3-4 jours de recul ». Le bourgmestre d’Etterbeek, Vincent De Wolf, annonce, d’ici la fin de la semaine, une concertation avec les 18 autres bourgmestres bruxellois pour « qu’on agisse de la même façon ». C’est par la presse que les communes ont appris que les procureurs généraux déclaraient illégales les sanctions administratives infligées pour le non-respect des mesures de confinement et de distanciation sociale. Et cela, parce que les règles de confinement ne sont pas reprises dans la loi sur les sanctions administratives communales. Il n’y a donc pas de base légale.
Un outil « souple »
Vincent De Wolf se dit surpris par cette attitude : « Le procureur du Roi de Bruxelles nous avait confirmé qu’il était allé rencontrer les procureurs généraux et qu’on se dirigeait vers une solution ». Les sanctions administratives restent, selon lui, la solution la plus efficace pour faire respecter les règles : « Beaucoup de personnes peuvent les appliquer, celles qui sont assermentées pour la propreté par exemple, tous les policiers, tous ceux qui sont agents constatateurs, donc certains gardiens de la paix. Ce qui démultiplie le nombre de personnes sur le terrain qui peuvent agir de manière immédiate… l’outil est souple. Vu la densité de population et le nombre de situations à Bruxelles, s’il faut passer par le judiciaire, ça va engorger les tribunaux considérablement ».
Harmonisation des sanctions
Vendredi dernier, lors d’un conseil régional de sécurité, les 19 bourgmestres, les 6 chefs de corps, le ministre-président Rudi Vervoort et le procureur du Roi s’étaient mis d’accord sur une harmonisation des sanctions : 250 euros d’amende lors d’une première infraction, 350 euros à la deuxième et la voie judiciaire après une deuxième récidive. A titre d’exemple, le week-end dernier, la police de Bruxelles-Ixelles a dressé près de 700 P.-V. administratifs, que vont-ils devenir ? Le citoyen concerné est en droit de contester l’amende. « Toute sanction doit avoir une base légale, si celle-ci est absente, la sanction ne peut exister. Reste à savoir si c’est l’administré qui devra réclamer ou si les communes entameront elles- mêmes la démarche vers les personnes concernées » explique Frédéric Krenc, avocat et professeur de Droit Public.
Imbroglio judiciaire
La fin des mesures de confinement et le retour à une vie normale promettent un imbroglio judiciaire. « De manière générale, quand on prend des mesures qui portent atteinte aux droits fondamentaux, elles doivent être accessibles et prévisibles » ajoute Frédéric Krenc. Accessible signifie que le citoyen doit être informé des nouvelles règles « les annoncer dans les médias lors d’une conférence de presse, est-ce suffisant ou doivent-elles être publiées au Moniteur ? ». Prévisible signifie que les règles doivent être claires. Or, « les activités en plein air sont sujet à discussion quant à ce qui est autorisé ou non ». En France, par exemple, le Conseil d’État a ordonné au gouvernement de préciser les règles. Répétons-le, les sanctions doivent avoir une base légale, si celle-ci est caduque, les sanctions le deviennent également. Un contexte qui laisse la porte ouverte à des recours de la part des citoyens.
La rédaction avec Belga
■ Reportage de Murielle Berck.