Les agents Frontex pourront effectuer des contrôles sur le sol belge, la “politique proactive de retour” également adoptée

La Chambre a adopté jeudi en séance plénière un projet de loi permettant à du personnel de l’agence européenne Frontex d’effectuer des contrôles aux frontières belges et d’escorter des retours forcés d’étrangers. La Chambre a également adopté le projet de loi “sur la politique proactive de retour” porté par la secrétaire d’État à l’Asile et migration Nicole de Moor (CD&V).

Porté par la ministre de l’Intérieur Annelies Verlinden (CD&V), le projet de “loi Frontex” donnera l’occasion à ces agents d’effectuer ces contrôles frontaliers dans les aéroports, les ports, la gare de Bruxelles-Midi ainsi que dans son terminal Eurostar, soit aux frontières extérieures de l’espace Schengen. Le texte a été adapté à la suite de l’avis du Conseil d’État. Ainsi, l’intervention de Frontex ne pourra avoir lieu qu’en présence et sous l’autorité de policiers belges. Le nombre d’agents Frontex actifs sur le territoire belge sera limité à cent. Ces actions seront aussi menées sous le contrôle du Comité P.

Dans la majorité, Ecolo-Groen, le PS, mais aussi la ministre ont rappelé ces balises lors de la discussion générale. Le texte a été largement critiqué par plusieurs organisations ces derniers jours, dont le Ciré (Coordination et Initiatives pour Réfugiés et Étrangers). Annelies Verlinden a déploré une “désinformation qui n’aide pas au débat équilibré qu’on a connu en commission”, tout en disant “comprendre” les inquiétudes exprimées.

Il a été adopté par la majorité, moins les abstentions de Simon Moutquin, Claire Hugon, Cécile Cornet et Samuel Cogolati pour Ecolo, Khalil Aouasti et Hervé Rigot pour le PS. Le PTB, DéFI ainsi que Vanessa Matz (Les Engagés) ont pour leur part voté contre.

 

Le Ciré et une dizaine d’organisations alertent sur les dangers de la “loi Frontex

Ce texte est vivement critiqué par le Ciré et de nombreuses autres organisations. Dans un communiqué, les signataires pointent le risque de déployer sur le territoire belge une telle agence, notamment “accusée d’actes illégaux et de traitements inhumains”. “Au lendemain de l’adoption du Pacte européen sur la migration et l’asile, qui consacre le tri et la détention des demandeurs d’asile aux frontières européennes, ce projet de loi porté par le gouvernement nous alarme”, ont déclaré de concert les signataires, dont font notamment partie la Ligue des droits humains, les syndicats de la FGTB et de la CSC, la plateforme BelRefugees, le CNCD-11.11.11 ou encore Amnesty International Belgique.

Le caractère flou du texte concernant les compétences précises qui seraient attribuées au personnel de Frontex est notamment pointé par la dizaine d’organisations. “Ces compétences n’excluent pas la possibilité pour un agent de Frontex de procéder à des arrestations lors de contrôles en rue, dans les transports publics, ou à la sortie d’un centre d’accueil, par exemple. La présence d’un fonctionnaire de police à ses côtés est évoquée, mais sans empêcher que l’agent de Frontex puisse agir seul pour prendre des ‘mesures urgentes'”, a insisté le Ciré. Les signataires rappellent que le Conseil d’État – dans son avis sur ce projet de loi – avait déjà soulevé ce point, considérant que le respect des droits fondamentaux était en jeu.

L’Organe de contrôle de l’information policière (COC) avait également émis des réserves sur les missions de Frontex sur le territoire belge. Ce projet de loi ne fait en outre “aucune mention de la responsabilité civile des agents de Frontex en cas de dommages causés à des personnes ou à des institutions pendant leurs missions, sans qu’existe un véritable mécanisme de plainte concernant les agissements de l’agence européenne”. “Le risque d’impunité en cas de violations des droits fondamentaux est donc élevé”, ont alerté les associations. Frontex a été reconnue responsable de “pushbacks”, à savoir des refoulements illégaux d’embarcations de migrants, rappelle le Ciré.

“L’histoire de Frontex est en effet peu reluisante. Elle collabore avec les garde-côtes libyens – coupables de tortures, de viols ou encore de travail forcé – en facilitant l’interception de barques de migrants”. “Les parlementaires ne peuvent ignorer ces faits documentés. C’est donc en connaissance de cause qu’ils voteront pour ou contre un texte permettant le déploiement sur le territoire belge d’une agence accusée d’actes illégaux et de traitements inhumains, dont l’action est centrée sur la détention, l’expulsion et la criminalisation des personnes exilées, et qui porte la responsabilité de milliers de morts en Méditerranée”, a appuyé la Coordination et Initiatives pour Réfugiés et Étrangers. Le gouvernement Vivaldi a été “l’un des pires que nous ayons connus sur les questions migratoires, de respect des droits humains et de l’État de droit”, ont affirmé les signataires, qui dénoncent une politique assumée de non-accueil des demandeurs d’asile. “Un vote en faveur de cette loi serait la touche finale à une législature qui se sera honteusement distinguée et que nous n’oublierons pas”, ont conclu la dizaine d’organisations.

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Loi “sur la politique proactive de retour” adoptée

La Chambre a également adopté jeudi en séance plénière le projet de loi “sur la politique proactive de retour” porté par la secrétaire d’État à l’Asile et migration Nicole de Moor (CD&V). Ce texte entend ouvrir la voie à des rapatriements opérés non plus seulement par la police, mais également par des fonctionnaires de l’Office des étrangers. Ceux-ci devront toutefois être formés à cet effet et ne pourront agir que sous le contrôle de la police.

Le projet de loi prévoit également d’augmenter les capacités d’accueil dans les centres fermés. Les étrangers auteurs de délits pourront eux être plus rapidement rapatriés de force. Le texte interdit toutefois l’enfermement de mineurs en centres fermés.

Il a été adopté par la majorité. La N-VA, le Vlaams Belang et le PTB ont voté contre. Les Engagés et DéFI se sont abstenus.

La semaine dernière, le texte a été ajouté à l’agenda de la séance plénière en dernière minute, au grand dam de l’opposition. Celle-ci a critiqué cette façon de travailler. Un projet de loi technique portant sur l’éolien offshore a aussi été ajouté de cette manière. L’opposition de droite nationaliste et d’extrême-droite, N-VA et Vlaams Belang, a alors fait durer la discussion dans la nuit, manifestant ainsi son opposition à ce texte ainsi que la manière de travailler de la majorité. L’extrême-droite a même déposé 95 amendements, tous rejetés

Des ONG s’inquiètent d’examens médicaux forcés

Les organisations humanitaires Médecins Sans Frontières et Médecins du Monde ont révélé jeudi leur sentiment mitigé et rappelé leurs inquiétudes à la suite du vote de la Chambre. Les ONG se disent notamment préoccupées de la mise en place d’examens médicaux éventuellement forcés pour les personnes en situation de migration.

Si Médecins Sans Frontières et Médecins du Monde saluent l’interdiction de détention de mineurs dans ces centres, elles s’inquiètent d’autres mesures, comme le fait de soumettre les personnes en situation de migration à des examens médicaux qui peuvent être considérés comme forcés. Selon les ONG, ces examens ne seront pratiqués que dans le cadre d’une expulsion, et peuvent “inclure l’utilisation de moyens de contention et de coercition tels que la force physique, les clés de bras et les menottes aux poignets et/ou aux pieds”. “Selon la déontologie médicale, tout patient est en effet libre d’accepter ou de refuser un examen médical”, rappellent les organisations, qui pointent également “le respect de l’autonomie et de la dignité du patient”. Ces examens s’apparenteraient à “une violation claire de l’éthique médicale”.

Les deux ONG, Medimmigrant ainsi que le Collège de médecine générale de Belgique francophone, avaient déjà appelé en février les députés à ne pas voter en faveur de cet article du projet de loi. Le Conseil national de l’Ordre des médecins a pour sa part indiqué que tout médecin appelé à mener ce type d’examen ne peut être tenu de le pratiquer.

 

Avec Belga