L’édito de Fabrice Grosfilley : mission Vergoustraete, quelle suite ?
À l’exception de Fouad Ahidar, ils ont tous répondu présents. Yvan Verougstraete achèvera ce jeudi une première série d’entretiens bilatéraux avec les chefs de délégation des différents partis bruxellois. L’ordre de passage des uns et des autres est en soi une indication : du plus facile au plus sensible. En première position lundi, Elke Van den Brandt, pour Groen, premier parti néerlandophone, qui a soutenu publiquement le lancement de la mission du facilitateur. Puis Vooruit, le CD&V — revenu dans le jeu après avoir été sur la touche —, Ecolo, qui continue de se voir dans l’opposition, mais ne veut pas être un obstacle, Défi, représenté par Bernard Clerfayt, et la N-VA, bien sûr, entendue mardi.
Mercredi matin, Frédéric De Gucht (Open VLD), qui a souvent lié son sort à celui de la N-VA, dont la participation à une éventuelle discussion future qui n’impliquerait pas les nationalistes demeure incertaine. Mercredi après-midi, le PS, qui ne veut toujours pas négocier avec la N-VA. Et finalement, remis à jeudi, le MR, premier des partis bruxellois, qui, sans exiger la présence des nationalistes, n’a jamais œuvré en faveur d’une solution où le parti de Bart De Wever ne serait pas présent… et qui n’a pas réellement applaudi des deux mains en apprenant qu’Yvan Verougstraete lançait une mission prétendant débloquer une situation que le MR n’est pas parvenu à dénouer.
Officiellement, on ne parle pas de coalition dans ces discussions. Yvan Verougstraete a tenu à ramener ses interlocuteurs vers le fond : le budget, la sécurité, la mobilité, le logement. Et pour l’arithmétique parlementaire, on verra plus tard. Le facilitateur annonce vouloir rédiger, dans les tous prochains jours, une note-cadre qui servirait de point de départ à des négociations en bonne et due forme. Devra-t-il pour cela revoir certains interlocuteurs pour approfondir les débats ? En écarter certains et dessiner déjà les contours d’une coalition ? Pour l’instant, il ne se prononce pas sur la méthode. Et pour certains mandataires, il aurait tout intérêt à rester le plus discret possible dans les jours à venir.
Jusqu’ici, tous ses interlocuteurs (sauf Fouad Ahidar, donc) ont joué le jeu. Ainsi, le bouillonnant Frédéric De Gucht a-t-il qualifié sur X la réunion de « constructive ». Mais ça ne durera qu’un temps. Pour négocier vraiment, il faudra à un moment ou l’autre se mettre autour d’une table. Les exclusives, les alliances objectives (pour ne pas dire les cartels) ressurgiront à ce moment-là. À ce stade, on n’imagine toujours pas Ahmed Laaouej et Cieltje Van Achter s’asseoir face à face devant l’objectif des photographes. Ni Georges-Louis Bouchez ou David Leisterh prendre un thé à la menthe en riant aux éclats avec Fouad Ahidar. Ni Frédéric De Gucht dire que c’est très bien de se passer de la N-VA en se frottant les mains. Ni les états-majors des partis flamands valider que leur section bruxelloise entre dans un gouvernement qui n’aurait pas de majorité dans le collège néerlandophone…
Bref, la science politique a beau faire partie des sciences humaines, elle ne peut pas durablement faire abstraction de certaines réalités mathématiques. Pour installer un gouvernement, il faut une double majorité. En se limitant à la définition d’une note-cadre qui lancerait des négociations de formation d’un gouvernement, Yvan Verougstraete prend la partie la plus « facile » du problème (j’insiste sur les guillemets, car mettre plusieurs partis d’accord sur une trajectoire budgétaire quand les caisses sont vides sera en soi un exploit). Et il laisse à un éventuel formateur la partie la plus difficile : trouver la majorité qui soutiendra le projet.
Cela peut marcher : on peut imaginer que si l’on parvient à un accord de gouvernement (par exemple entre MR, PS, Engagés, Groen, Vooruit et CD&V), on puisse compter in extremis sur un soutien extérieur pour l’installation de cette équipe. Dans ce scénario, l’Open VLD, la N-VA ou TFA apporteraient leur concours au nom de l’intérêt supérieur de la Région bruxelloise (version naïve), ou échangeraient ce soutien contre l’une ou l’autre mesure symboliquement importante à leurs yeux, voire quelques présences dans un conseil d’administration (version plus réaliste).
Cette stratégie peut aussi finir en eau de boudin. Parce qu’aucun parti flamand ne pourrait finalement consentir à soutenir de l’extérieur un accord qu’il n’aurait pas négocié (version très réaliste), ou parce qu’une formation francophone refuserait de dépendre d’un soutien extérieur qu’elle jugerait indigne (version à ne pas écarter). Bref, le chemin proposé à ce stade semble incertain. Il n’est pas sûr qu’il se trouve suffisamment de formations politiques décidées à l’emprunter. Si le PS semble disposé à le faire à ce stade (pour peu qu’on ne lui impose pas la présence de la N-VA), la réponse du MR reste en suspens. Yvan Verougstraete devra convaincre Georges-Louis Bouchez et David Leisterh qu’ils ont tout à gagner à tenter l’aventure, et qu’il a bien trouvé le chemin qui finira par déboucher sur une majorité.





